Confédération paysanne

Taxer les semences non reproductibles et non les semences de ferme !



Depuis 2001, l’industrie semencière française prélève une Contribution Volontaire Obligatoire (CVO) dans la poche des paysans qui réutilisent leur propre récolte de blé tendre comme semences, comme si l’industrie automobile prélevait auprès des utilisateurs de voitures une taxe pour tout nouveau kilomètre parcouru après une année d’utilisation. Cette CVO n’a de « volontaire » que la signature par le syndicat agricole FNSEA de l’accord qui la reconduit tous les trois ans contre la volonté des paysans qui la payent. Aujourd’hui, alors que la spéculation sur les prix des céréales déclenche une nouvelle crise alimentaire mondiale, l’Union Française des Semenciers (UFS) ose réclamer une augmentation de cette taxe sur les semences de ferme et sa généralisation à toutes les espèces cultivées. La crise alimentaire n’est pourtant pas due à un manque de nourriture, mais uniquement à l’avidité des actionnaires des firmes : l’industrie semencière ne fait pas exception !

 

Toutes les semences de l’industrie sont issues de semences qu’elle a prélevées dans les champs, sans jamais rien payer aux paysans qui les ont sélectionnées et conservées. Au nom de quoi les paysans devraient-ils désormais payer pour réutiliser les semences qu’ils ont achetées à l’industrie ? Ou pour utiliser des semences qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées et que l’industrie n’a jamais touchées, comme si le conducteur qui a fabriqué lui-même sa voiture n’avait le droit de l’utiliser qu’en payant une taxe à l’industrie automobile ?

 

Dans une dépêche du 14 janvier, l’UFS justifie cette taxe en déplorant la faiblesse des "efforts de recherche pour l’amélioration du blé tendre qui sont 10 fois inférieurs à ceux du maïs". Contrairement au blé tendre, le maïs se prête facilement à la production de semences dites hybrides F1 qui ne permettent pas à l’agriculteur de réutiliser une partie de sa récolte pour ses prochains semis. Re-semés, ils donnent des plantes chétives et sans aucune valeur. L’agriculteur est ainsi obligé de racheter ses semences chaque année. La nature est décidément bien inéquitable en empêchant l’industrie de généraliser ces semences « stériles » et en l’obligeant à extorquer des royalties aux paysans pour gagner autant d’argent avec le blé qu’avec le maïs. Les industriels se plaignent aussi de distorsion de concurrence vis à vis de leurs collègues d’outre-atlantique qui interdisent toute semence de ferme avec les brevets et les OGM : pourquoi taxer les semences de ferme alors que ce sont les brevets et les OGM qui posent problème et sont pour cela refusés par l’Europe ?

 

Au prétexte de « financer la recherche », 85% de la CVO est reversée à l’industrie qui en fait ce qu’elle en veut sans avoir aucun compte à rendre. Pour le reste, elle alimente la mise à disposition de la recherche publique pour les besoins de la même industrie. Les agriculteurs qui ressèment chaque année une partie de leur récolte précédente diminuent leurs coûts de production et donc le prix de l’alimentation, augmentent et conservent la biodiversité cultivée, sécurisent la disponibilité semencière et adaptent les variétés qu’ils cultivent à leurs terroirs et aux variations climatiques. C’est le meilleur moyen de diminuer ou d’abandonner les engrais et les pesticides chimiques pour lesquels l’industrie sélectionne ses semences, mais qui empoisonnent l’environnement et la santé. C’est la pratique des semences de ferme qui sert l’intérêt général et non la rémunération des actionnaires des firmes semencières.

 

Ce n’est pas la reproduction des semences de ferme qu’il faut taxer, mais les semences non reproductibles de l’industrie, principale responsable de l’érosion de la biodiversité cultivée et de l’utilisation insensée de la chimie toxique en agriculture. Ce n’est pas la recherche industrielle de nouvelles semences non reproductibles et OGM qu’il faut financer, mais la recherche publique gouvernée avec les paysans, la sélection participative et le développement de la biodiversité cultivée dans les champs et entre les mains des paysans.

Tag(s) : #environnement
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