- Par Ronack Monabay (UCJS : Urgence climatique, justice sociale)
La manifestation internationale du 12 décembre a été un succès. Plus de 100.000 personnes du monde entier se sont jointes à cette mobilisation unitaire. Au total,
538 organisations de 67 pays ont répondu à l’appel. C’est sous un soleil bienvenu, que le cortège coloré, et son lot de vélos comme c’est la tradition au Danemark, s’est rendu au Bella Center,
lieu des négociations officielles. On pouvait lire sur les banderoles et les pancartes de nombreux slogans radicaux tournant autour de l’idée suivante: «Climate Justice means System Change
not Climate Change».
On m’a demandé à plusieurs reprises, en tant que membre de l’équipe organisatrice du Klimaforum09, de m’exprimer sur la répression injustifiée qui a eu lieu lors de cette manifestation. Mais se
limiter à ces seuls aspects conduirait à se détourner d’une mobilisation massive de fond et des vrais enjeux climatiques qui se jouent à Copenhague, en insistant encore et toujours sur les
relations entre police et manifestants. Ce n’est pas un hasard si dimanche pour la première fois les écrans du Bella Center ont diffusé en continu des images de l’extérieur (et non pas des
conférences comme c’est le cas habituellement), en l’occurrence celles des arrestations, comme pour assener l’idée que les mobilisations citoyennes sont vouées aux débordements et nier les
messages portés des heures durant dans la marche par 100.000 personnes.
Certains médias auraient pu, s’ils l’avaient voulu, évoquer la franche solidarité des centaines de manifestants qui ont refusé de poursuivre la
manifestation afin de soutenir les personnes injustement arrêtées, en interpellant les policiers qui constituaient le cordon par des slogans tels que « Let them go». Une action improvisée devant les lignes de la police interloquée par cette
attitude bon enfant mais déterminée, le tout alimenté par les rythmes des «sambactivistes»...
Ces organisations ont défilé pour réclamer un véritable accord contraignant ne s’appuyant pas sur les fausses «solutions» qu'elles reposent sur le marché –dont les récentes crises devraient prouver à tous son inefficacité- ou qu’elles soient technologiques (OGM, agrocarburants, nucléaire, …). La reconnaissance des droits des peuples autochtones -notamment leur droit à participer réellement aux négociations- et celle de la dette écologique étaient également à l’ordre du jour. Derrière toutes ces revendications, c’est bel et bien la logique capitaliste qui est remise en cause et ce d’autant plus que les grandes entreprises ont envahi la ville de leurs logos et le Bella Center de leurs lobbyistes. Le grand prix de la sirène en colère récompensera le 15 décembre l’entreprise ou le lobby qui a eu l’action la plus néfaste (efficace?) pour bloquer les négociations.
Pendant ce temps là au Klimaforum, le contre sommet de la société civile, une déclaration des mouvements sociaux également intitulée «System Change not Climate Change» a enfin été finalisée. Signée par près de 300 organisations en moins de 3 jours, elle sera présentée prochainement dans des modalités qui restent à déterminer au sein de la COP15. Depuis plusieurs mois, via un forum internet des personnes du monde entier ont envoyé leurs contributions autour d’un ou plusieurs des neuf thèmes du Klimaforum. Une partie de l’équipe du Klimaforum a synthétisé l’ensemble des propositions en rédigeant un premier document, lequel a été soumis à l’ensemble des participants qui ont alors renvoyé leurs commentaires et amendements, permettant la rédaction d’un second document.
Enfin, lors des séances plénières et ateliers des trois premiers jours, toutes les personnes qui le souhaitaient ont pu participer à la finalisation du document. Au terme d’une dernière séance épique, l’ensemble de l’assemblée s’est finalement mis d’accord sur une déclaration finale. Celle-ci est novatrice à plusieurs niveaux. Premièrement, à l’image de la manifestation, elle a rassemblé, les mouvements environnementaux et sociaux et par la même tissé des liens forts entre les questions écologiques et sociales. Si ce n’est pas la première fois, cette alliance très large est révélatrice d’une dynamique renforcée.
Deuxièmement, si elle s’est avérée beaucoup plus longue que les déclarations issues des Forums Sociaux Mondiaux, elle n’en est que plus précise. Radicale tant sur
l’état des lieux qu’elle dresse de la situation -une crise multidimensionnelle qui voit converger chaque crise du capitalisme dans sa séquence libérale- elle se veut également source de
proposition pour une transition vers des sociétés durables: abandon des énergies fossiles, réorientation de la recherche publique vers les énergies renouvelables, contrôle démocratique et
relocalisation de l’économie. Elle met l’accent sur la nécessité d’alliances entre les producteurs locaux (paysans, pêcheurs…) comme moyen d’assurer la souveraineté alimentaire et sur le rôle
important des communautés rurales dans la lutte contre le changement climatique. Elle ne tombe pas pour autant dans le localisme, insistant notamment sur la nécessité cruciale d’une coopération
internationale accrue qui aille de pair avec une réforme et une démocratisation de l’ONU et la fin de l’hégémonie des institutions internationales comme l’OMC, la Banque Mondiale et le FMI.
La mutation du slogan altermondialiste «penser global/agir local» en «penser local et global/agir local et global» semble désormais bien enracinée.
Enfin, cette déclaration se veut une plateforme politique pour servir de base à la construction d’un grand mouvement social
pour la justice climatique. On retiendra donc de Copenhague qu’une nouvelle dynamique du mouvement altermondialiste est à l’œuvre. Ses alliances prennent de l’ampleur et en ressortent renforcées.
Gageons, qu’au vu des prévisions pessimistes largement partagées quant au résultat de la COP15, sa vigueur renouvelée et réaffirmée dans la lutte pour un changement de système ne sera pas
superflue.