Portrait
Dans un ouvrage publié hier, le patron de la DCRI, le renseignement intérieur, est accusé de dérive vers une «police politique»
Publié hier, l’Espion du Président (Ed. Robert Laffont), qui présente Bernard Squarcini alias «le Squale», comme un grand flic du renseignement «au service de l’Elysée», provoque une polémique nourrie et des plaintes croisées. Les journalistes du Point et du Canard enchaîné tirent un portrait au vitriol du patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et de sa «proximité» avec Nicolas Sarkozy, à partir de témoignages souvent anonymes. Ils lui reprochent d’avoir monté au sein de la DCRI un groupe «d’opérations spéciales» capable de «rentrer n’importe où». Le ministre de l’Intérieur a vigoureusement démenti hier sur France Inter : «Il n’y a pas de groupe de ce genre-là», qui poserait des micros ou s’introduirait dans les ordinateurs. La DCRI «dispose de moyens techniques» pour son travail, mais «dans un cadre légal», a assuré Claude Guéant.
Sans répondre aux accusations personnelles, Bernard Squarcini juge dans un communiqué la présentation du livre «insultante» pour les officiers de la DCRI, notamment sur «une dérive en police politique» et sur de prétendues écoutes. Il ne voit pas comment la DCRI, composée de fonctionnaires de tous bords, peut être «un service de renseignement instrumentalisé au profit du pouvoir».
«Plumard». Selon l’Espion du Président, ce sont les origines corses de la première femme de Nicolas Sarkozy qui le rapprochent dès 2002 de Squarcini, alors numéro 2 des RG, «désigné chaperon» pour protéger sa famille. Puis, grâce à un bon tuyau, le Squale capture en 2003 Yvan Colonna, recherché depuis cinq ans pour l’assassinat du préfet Erignac. «Squarcini scelle ainsi son entrée en sarkozie», selon les auteurs. Il sera l’homme lige du candidat UMP durant la présidentielle de 2007 pour «déminer les pièges et les affaires», telle Clearstream.
En retour, le président l’installe en 2008 à la tête de la DCRI, qui fusionne les RG et la DST : «J’ai récupéré deux mémères, j’en ai fait une belle blonde. Que beaucoup, dans le monde, voudraient avoir dans leur plumard», a lancé le Squale à l’un des auteurs invité à «sa» table de la Villa Corse, restaurant dans le XVe arrondissement à Paris. Le patron de la DCRI est très fier d’avoir fabriqué une machine de guerre contre le terrorisme qui, selon lui, déjoue deux attentats chaque année. Considéré par ses pairs comme un «as» doté d’un «sens inné du renseignement», tout «en diplomatie sous ses rondeurs de Corse fier de ses origines», Squarcini passe selon les auteurs pour un espion sans scrupule ayant dévoyé son service en répondant aux «demandes toxiques» de l’Elysée. Le voilà taxé «d’intendant du Château» ou de «membre de la Firme», l’entourage proche de Sarkozy, au même titre que Brice Hortefeux, qui voit en lui un «formidable comédien».
«sereins». L’avocat du Squale va porter plainte pour diffamation face à des accusations «d’une gravité exceptionnelle» : «M. Squarcini et ses collaborateurs auraient érigé un système pour violer systématiquement la loi et les libertés ? Les auteurs ont franchi la ligne jaune, affirme Me Patrick Maisonneuve. Je sais bien qu’il y a le secret des sources, mais il faut qu’ils nous disent qui sont ces sources. C’est trop facile d’accuser anonymement. On ne peut admettre ce genre de procédés. C’est aussi une question de protection des libertés.» Les auteurs se disent «sereins» et heureux de «lancer un débat démocratique autour du renseignement». De son côté, Médiapart, également visé par la plainte de Me Maisonneuve après avoir dénoncé des «méthodes d’espionnage […] qui relèvent […] d’une violation systématique des libertés», entend aussi saisir la justice.
Source : Libération.fr