Education nationale : de la liberté syndicale muselée à la liberté de conscience

(L’exemple impressionnant de la Loire Atlantique)


Alors que depuis 2007, le Service Public d’Education Nationale subit une véritable déconstruction idéologique – savamment distillée par un ensemble de mesures à la fois financières, humaines et administratives : - 66 000 suppressions de postes en 4 ans, dont 16 000 pour la seule année en cours ;
-  fermetures de classes tous degrés confondus avec impact sur la scolarisation des enfants de deux ans dès l’école maternelle ;
-  augmentation du nombre d’élèves par classe, y compris dans les zones dites d’Education Prioritaires ;
-  disparition programmée des RASED intervenant auprès des élèves en difficultés dans le premier Degré ;
-  Scolarisation des élèves handicapés par l’extension du recrutement de personnels précaires non formés ;
-  démantèlement de la formation initiale (via la réforme des IUFM), démantèlement de la formation continue et instrumentalisation des Professeurs Stagiaires pour palier aux manques de postes de titulaires remplaçants ;
-  stress accru des directeurs et directrices d’écoles, des chefs d’établissement du secondaire mais aussi de l’ensemble de la profession, par manque de temps pour travailler en équipe aux véritables contenus de la profession (les apprentissages) ;
-  modification des programmes et retour à des contenus (prétendus socles communs) qui instrumentalisent très tôt l’apprenant vers le monde du travail ;
-  mise en place de modèles d’évaluations à caractère obligatoire qui mettent en concurrence les écoles et établissements entre eux ;
-  modification du calendrier scolaire dans le premier degré, dont le pouvoir lui-même reconnaît aujourd’hui les dommages en termes de rythmes tant pour les élèves, les familles que les enseignants ;
-  enfin entrée pernicieuse de la traçabilité numérique des élèves (donc des familles) sur l’ensemble du processus de scolarisation de la maternelle au lycée (Identifiant Numérique Elève, Fichier Base Elève,etc…)

L’unité syndicale et associative - appelant depuis 2009 à la sauvegarde de l’Ecole Publique - ne suffit pas à infléchir un gouvernement, qui en totale rupture avec l’histoire de la Droite dite sociale depuis 1948, décide sciemment d’en finir avec le pari de l’investissement sur l’avenir que constitue la formation critique des citoyens de Demain. Au nom du contrôle des déficits publics et de la trop fameuse Révision Générale des Politiques Publiques / RGPP), les professionnels comme les citoyens voient donc – sans que l’opinion publique ne s’en émeuve – le champ de l’Ecole devenir peu à peu un secteur de l’économie marchande, livré aux caprices de l’offre et la demande, dont on voit bien à terme qui seront les victimes.

Face à ce bulldozer idéologique et autour de formes à l’origine très ciblées, un ensemble d’enseignants (toutes tendances syndicales confondues) a lancé à l’échelon national dès 2008 l’idée de la Résistance Pédagogique – (autrement appelée Désobéissance Pédagogique), pariant sur une éthique de la responsabilité professionnelle face aux élèves et leurs familles. Que ce soit à travers :
-  le refus des évaluations nationales de CM2 et CE1 ;
-  le refus de l’aide dite personnalisée, qui hors temps scolaire s’avère discriminatoire
-  le refus des stages dits de remise à niveau, eux aussi discriminatoires puisque se déroulant sur le temps des vacances scolaires,
-  la non-application de certaines exigences des nouveaux programmes 2008 perçues comme rétrogrades et/ou réactionnaires
-  le refus de la saisie dans des fichiers numérisés et interconnectables des données des élèves et de leurs familles ;

Ce sont aujourd’hui plus de 3000 enseignants qui à leur façon aujourd’hui (soutenus en cela par des universitaires de renom et certaines personnalités) clament haut et fort que leur attitude de désobéisseur n’est pas tant un refus indigné qu’un appel au sursaut des consciences pour nos enfants et leur avenir. Certains d’entre eux ont déjà payé cher cette attitude qui les honore, localement réprimés par une hiérarchie aveugle qui - du simple retrait de salaire en passant par le blâme professionnel et/ou la sanction disciplinaire avec rétrogradation d’indice - se campe dans la posture verticale de l’autorité hiérarchique implacable, qui ne saurait voir aucune tête dépasser dans un ministère où le Grand Maître reste le Ministre.

En Loire Atlantique, où l’unité syndicale pourtant exemplaire ne suffit également pas à infléchir les décisions des Recteur et Inspecteur d’Académie, un collectif d’enseignants désobéisseurs (majoritairement du premier degré) existe également depuis Septembre 2009. Fédérés autour da la Charte Nationale de la Résistance Pédagogique, ces quelques 60 à 80 enseignants essaient de maintenir localement vive la conscience critique de leurs collègues et des parents d’Elèves. A ce titre ils désobéissent et résistent à leur manière au démantèlement de l’Ecole Publique.

Or le 31 mars dernier 16 d’entre eux au moins, ont reçu un courrier en recommandé de l’Inspecteur d’Académie de Loire atlantique. Dans cette lettre, la hiérarchie départementale :
- leur rappelle le retrait de 1/30è de leur salaire pour non remontée des résultats aux évaluations nationales CM2 en janvier 2010 ;
- les informe que la non remontée des résultats des évaluations CM2 en janvier 2011 leur coûte un nouveau retrait d’1/30è de leur salaire ;
- leur signifie que, devant leur manquement réitéré, elle engage une procédure disciplinaire à leur encontre.

Une semaine plus tard un courrier émanant du même Inspecteur d’Académie est adressé à l’ensemble des enseignants qui en 2009 et 2010 ont refusé les évaluations CM2, pour leur proposer de retrouver rétroactivement la somme retirée de leurs salaires passé, s’ils s’engagent par écrit à respecter fidèlement les instructions ministérielles (du jamais vu dans un tel service public) ;

Enfin dans la même semaine une dizaine des désobéisseurs persistant sur les 3 années écoulées– assumant au-delà de leur charge d’enseignant une charge de direction d’école – reçoivent un second courrier d’injonction de la hiérarchie départementale, les informant également d’une procédure disciplinaire à leur encontre face à leur refus réitéré d’entrer dans la logique des fichiers numériques Base-Elève.

Harcèlement hiérarchique, pression et logique de la peur, menaces de sanctions financières et statutaires face au non respect du code de la Fonction Publique, basses manœuvres pour récupérer quelques brebis égarées, du jamais vu à l’échelon départemental de l’Enseignement Public en Loire Atlantique !!! Au moins jusqu’en 2007 où les autorités académiques s’étaient toujours montrées jusque là soucieuses de respecter :
-  et la liberté pédagogique reconnue par la loi pour chaque enseignant ;
-  et le dialogue paritaire avec les organisations syndicales de professionnels comme avec les associations reconnues de parents d’Elèves.

Mais voilà qu’après l’affaire Sami Benmeziane (cet instituteur de Loire Atlantique injustement condamné pénalement et civilement dans le cadre d’un mouvement social de branche intersyndical), tout se passe comme si :
-  à muselage subtil et savamment orchestré du rapport de force syndical ;
-  il fallait aujourd’hui compléter la panoplie du « Total Contrôle » par la logique de la terreur sur les professionnels isolés qui persistent et signent dans leur refus du démantèlement du Service Public d’Education.

Dans un contexte d’épuisement général des enseignants (soumis à la peur) comme de leurs organisations syndicales (soumises au mépris répété des protocoles paritaires par les autorités académiques) un appel intersyndical à soutenir les désobéisseurs est lancé pour le Mercredi 20 Avril 2011, devant l’Inspection Académique. Si le rapport de force ne leur est pas favorable, il restera certes la possibilité pour les fonctionnaires en question de contester les mesures de rétorsion de l’administration devant le Tribunal Administratif et/ou Conseil d’Etat.

Pourtant nombre d’entre eux, loin de baisser la garde ne peuvent s’empêcher aujourd’hui de reprendre en écho le cri d’indignation de Stéphane Hessel, car lorsque dans les services Publics de telles manoeuvres sont aujourd’hui considérées comme faisant loi, alors le spectre d’un passé – qu’on croyait définitivement révolu - revient hanter les consciences. Laisserons-nous nos enfants vivre dans de tels climats ?

Source : REZO CITOYEN

Tag(s) : #actualités
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