D'après le formidable roman de Gérard Mordillat, une série ambitieuse, digne du service public, où l'on va suivre durant huit épisodes, un groupe
d'ouvriers luttant pour sauver leurs emplois.
Le talent littéraire de Mordillat n'est plus à prouver depuis longtemps, et son talent de cinéaste éclate ici, comme souvent dans ses films précédents (Vive la sociale, la forteresse assiégée ou Corpus Christi)
A ne rater sous aucun prétexte...
Et pour ceux qui aiment lire, avant ou après la série, le livre est toujours disponible...
Dan29000
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Une série 8 x 52 minutes Scénario et réalisation Gérard Mordillat. D’après son roman (éditions Calmann-Lévy, 2004). Avec : Marie Denarnaud (Dallas), Robinson Stévenin (Rudi), Florence Thomassin (Mickie), Luc Thuillier (Lorquin), Atmen Kelif (Hachemi), Patrick Mille (Format), François Morel (Lamy), Priscilla Attal (Varda), Marc Barbé (Armand)...
RESUME DES 3 PREMIERS EPISODES :
Diffusés le mercredi 6 octobre 2010 à 20h35
(Diffusions des épisodes suivants les mercredis 13 et 20 octobre à 20h35)
Episode 1 : L’Inondation
À Raussel, une petite ville du Nord, après trois jours de pluies incessantes, la KOS, l’usine où travaillent Rudi et Dallas, est inondée. Lorquin et tous ceux de la maintenance, bravant les
éléments, sauvent leurs emplois en sauvant les machines. L’usine repart en fanfare mais Hoffermann, le grand patron de la KOS, décide néanmoins d’un « plan social » et la suppression de cent
emplois… avant Noël !
Episode 2 : L’Annonce
À l’annonce des licenciements, tous les ouvriers de la KOS votent et occupent immédiatement le site. Format, le DRH, est promu nouveau patron de l’usine ; quant à Lamy, le délégué CFDT, il est
appelé à la direction comme directeur technique. Rudi suggère à Lorquin, son chef d’équipe de réclamer d’être sur la liste des futurs licenciés, convaincu comme tous que le sauveur de l’usine est
intouchable.
Episode 3 : La Trahison
Serge, le mari de Varda, accepte le poste que Rudi a refusé auprès du nouveau directeur technique. Dallas est scandalisée. Varda et Dallas, qu’on croyait inséparables, en viennent aux mains. La
direction réussit à semer la dissension entre les ouvriers. Après une réunion houleuse à la mairie, le maire rejoint Format chez lui. Il est persuadé que Format n’est pas l’homme de la
situation.
Scénario et réalisation Gérard Mordillat
D’après son roman Les Vivants et les morts © Editions Calmann-Lévy, 2004
Producteur délégué Denis Freyd
Producteur exécutif André Bouvard
Image François Catonné
2e équipe François Vantrou & Paco Wiser
Mise en scène Dominique Heinry
Chef opérateur du son Philippe Fabbri
Décors Henri Labbé
Construction Bernard Toffoletti
Costumes Cyril Fontaine
Une production Archipel 33
avec la participation de France Télévisions,
Arte France, le Centre National de la Cinématographie
et Carrimages 5
avec le soutien de la Région Île-de-France
et du CRRAV Nord–Pas-de-Calais.
Entretien avec le réalisateur
Les Vivants et les morts | Gérard Mordillat, réalisateur
Votre roman Les Vivants et les morts est paru en 2004, qu’y a-t-il à l’origine de ce projet ? Des personnages ? Une histoire ? Une actualité sociale ?
Au départ, je crois qu’il y a mon sentiment qu’un tabou que je croyais indestructible était en train d’être détruit : dans plusieurs entreprises, les salariés s’en prenaient à l’outil de travail
alors que j’ai été élevé dans l’idée que, s’il y avait une chose qui était absolument interdite – même dans la grève la plus dure –, c’était bien celle-là. Ensuite, il y avait le fait que nous
sommes quotidiennement les témoins d’une guerre qui ne dit pas son nom : quatre cents licenciements ici, cinq cents là, trois mille ailleurs, etc. Chaque jour les chiffres tombent et n’ont pas
cessé de tomber depuis que j’ai écrit ce livre. Le chiffre est une arme idéologique extrêmement efficace : il est sans affects et donne l’illusion – car c’est une illusion – de l’objectivité
scientifique. Quand on supprime cinq cents, mille emplois, on supprime le chiffre cinq cents, le chiffre mille, on supprime une ligne comptable en ignorant ou en refusant de voir que cette ligne
est d’abord une ligne de vie pour des milliers de personnes. En écrivant Les Vivants et les morts et en réalisant la série pour France 2 et Arte, je voulais briser cette illusion en montrant
qu’il y a des hommes et des femmes derrière ces chiffres. Des hommes et des femmes avec une identité, des pensées, des sentiments, des convictions, des engagements, des doutes, des élans, une
sexualité, un courage, un désespoir que les sinistres additions ou les pourcentages ne laissent jamais soupçonner. Enfin, j’étais et je suis toujours très sensible au fait que, lorsqu’un salarié
perd son travail, la perte de revenus est toujours mise en avant ; bien entendu, cette perte est fondamentale mais elle n’est que la partie visible d’un ravage beaucoup plus profond. L’homme ou
la femme qui perd son travail, perd son savoir, son métier, son histoire dans l’entreprise, ses relations professionnelles, amicales, et surtout toute considération pour lui-même puisque le
message est clair : ce que vous avez fait n’a servi à rien et ce que vous êtes n’a aucune importance. N’oublions jamais qu’à Métaleurop, le plus grand nombre de suicides a eu lieu deux ou trois
ans après la fermeture du site, quand les individus ne peuvent plus être leurrés par des stages de formation qui ne mènent à rien, des reconversions qui n’en sont pas et qu’ils doivent affronter
à nu la tragique réalité de leur sort.
Vous êtes à la fois romancier et réalisateur de fictions et de documentaires. Pourquoi avoir fait d’abord le choix du roman ?
Le roman offre au lecteur la possibilité de se mettre à la place de l’autre, d’être l’acteur intelligent d’une histoire, de comprendre les sentiments des personnages, leurs doutes, leurs espoirs
au sein de ce que j’appellerai une imagination narrative. Une imagination qui n’est pas une errance de l’esprit mais, au contraire, un soutien, un stimulant de la pensée, une mère nourricière de
savoirs. Car, c’est chez moi une conviction solidement ancrée, le roman est porteur d’histoire et de savoirs. Surtout, le roman échappe aux barrières naturelles du financement qui, de fait,
brident les œuvres cinématographiques ou télévisuelles et c’est à mes yeux le plus grand espace de liberté offert à la création.
La langue de votre roman est rapide, sèche, heurtée, parfois violente. Les dialogues prennent une très grande place. L’action est découpée en scènes, presque en plans, parfois. Est-ce que vous
aviez déjà en tête une adaptation cinématographique ? Est-ce que vous vous faisiez déjà votre cinéma en écrivant ?
Ma culture est autant littéraire que cinématographique. Mais, tournant des films et écrivant des livres, j’ai toujours le sentiment de ne faire qu’une seule chose : écrire. Écrire tantôt par
l’image, tantôt par les mots. Pour moi, je ne sens pas de hiatus entre ces deux formes d’expression et je suis convaincu que Zola, par exemple, s’il avait pu le faire, aurait fait des films comme
il a fait des photos. Par ailleurs, je ne crois pas que la littérature puisse ignorer la leçon du cinéma. Plus que jamais l’image est le langage populaire par excellence, comme la grande
tradition picturale chrétienne a pu être vue comme « la Bible des illettrés ». Ce que j’écris appartient à une tradition littéraire dont John Dos Passos est, d’une certaine manière, le précurseur
et le plus fort représentant. Une tradition qui veut décrire la réalité contemporaine sous tous les angles, dans tous ses aspects, en mouvement, cinématographiquement si l’on peut dire. Nous
vivons dans un monde dominé par l’image, mais surtout par la fragmentation des images, des informations, des messages. Mon livre renvoie sans cesse, par la forme brève de ses découpes, à cette
fragmentation du monde en même temps qu’à son rythme, à la rapidité du montage cinématographique. C’est aussi pour cela que j’écris au présent : le présent est le temps du cinéma – art populaire,
langage universel - alors que la littérature révère l’imparfait et le passé simple – art bourgeois, langage national. Mais moi, je parle du présent, au présent, pour le présent avec la violence
que suppose l’usage de ce temps, son âpreté, sa rudesse, sa dureté et en même temps son rythme, sa scansion, son halètement si particulier qui me fait souvent penser à la poésie en prose ou à un
cœur qui bat à tout rompre. Le présent ne tolère pas de rupture de rythme ni d’alanguissement. C’est un temps viril, un temps de combat. Comme le grand boxeur Mohamed Ali, je voulais que mon
livre « vole comme un papillon et pique comme une abeille ».
Comment avez vous procédé pour écrire ce livre ? Vous êtes-vous documenté ? Avez-vous faits des repérages, réalisé des entretiens ?
J’ai fait très peu de documentation – je lis la presse tous les jours, mais c’est tout ! – et aucun entretien ni aucun repérage. A partir d’un modèle économique hélas devenu classique, j’ai
nourri l’histoire de mes propres expériences, de ma propre vie, de celles de mes amis, de mes rencontres, des paysages qui m’habitaient. Paradoxalement, ma seule véritable documentation a été de
vérifier auprès de deux responsables des CRS la justesse du dispositif que je décrivais au moment de la manifestation et de m’informer du vocabulaire courant des hommes et des sous-officiers. A
mon étonnement, c’est le vieil argot militaire classique ; il n’y a pas de langage spécifique chez les CRS, alors qu’il y en a un dans la marine, par exemple…
Lors de la publication de votre roman, on a évoqué à son sujet une tradition de littérature populaire issue d’Hugo et Zola…
L’évocation de Zola au sujet de mon travail m’a fait frémir. Parce que, si j’ai pour lui une très grande admiration et que je suis un de ses fidèles lecteurs, je ne crois pas appartenir à la même
tradition littéraire que lui ; pas du tout. En plus, je trouvais terrible qu’entre son nom et le mien ne viennent pas les noms d’autres écrivains qu’on aurait pu citer à juste titre, que ce soit
Roger Vailland ou Louis Guilloux, entre autres. Non, je crois que, parlant du monde du travail, je me situe forcément du côté de Zola, sociologiquement ; mais pas sur un plan littéraire. En
revanche, il est certain que j’ai une dette véritable envers John Dos Passos dont je me sens très proche, tant sur le fond que sur la forme, dans ce souci constant de dire le monde dans lequel
nous sommes, dans son éclatement, sa fragmentation, sa complexité, la simultanéité des faits et des messages auxquels nous sommes confrontés.. Et s’il faut à tout prix citer un romancier
français, c’est Victor Hugo qui serait mon champion, non seulement pour son génie narratif et poétique mais plus encore pour son extraordinaire liberté. Les Misérables est le roman le plus libre
que je connaisse. Un roman qui s’affranchit de toute forme, de toute contrainte, qui ne craint ni la digression, ni la science, où rien ne fait obstacle à son lit torrentiel. C’est un livre
inépuisable. Alors qu’aujourd’hui la tendance est au chiche, au retenu, au maniéré, au petit doigt en l’air, au narcissisme morbide, Hugo écrit dans la profusion, la générosité, l’excès et c’est
aussi dans ce courant qu’avance Les Vivants et les morts, avec beaucoup de personnages, beaucoup de dialogues, du sexe, des batailles, des larmes et des rires, une sensualité, les muscles et les
nerfs d’un être vivant.
Les Vivants et les morts a connu un très grand succès de librairie, il a fait l’objet de plusieurs adaptations théâtrales, dont l’une par des lycéens, il est lu en classe de français, il suscite
des réactions en général assez enthousiastes de la part des lecteurs… Quels retours en avez-vous ?
Des réactions de lecteurs, celle qui me touche le plus est le sentiment de beaucoup que je leur ai rendu une histoire qui leur avait été confisquée. Leur histoire. Le sentiment que mon livre non
seulement leur rend justice mais surtout qu’il leur restitue une dignité que, par ailleurs, on leur dénie. Que ce soit à Aix, à Rennes, à Metz, à Douchy-les-Mines, à Avignon, dans la banlieue
parisienne, beaucoup sont venus me dire : « Vous avez écrit ma vie ! ». C’est ce dont je suis le plus heureux et le plus fier, avoir fait un livre où ces vies sont d’une valeur inestimable.
A quel moment a-t-il été question d’une adaptation cinématographique des Vivants et les morts ?
L’idée est venue d’un ami producteur, Jérôme Minet qui, dès la publication du livre, m’a proposé d’en faire une série pour la télévision. Je n’y avais pas pensé avant ; au contraire, j’ai écrit
poussé par le sentiment qu’un tel film serait impossible dans la production cinématographique et télévisuelle actuelle. Ça n’a d’ailleurs pas été facile. Jérôme Minet s’est d’abord heurté à
plusieurs refus. Mais il s’est obstiné et avec l’appui d’Éric Stemmlen et de Jean Bigot pour France 2 et de Jérôme Clément pour Arte, nous y sommes parvenus. Il est tragique que Jérôme Minet soit
décédé au moment où nous commencions la préparation. La série lui est dédiée car c’est vraiment lui qui a donné l’élan initial et a lutté jusqu’au dernier moment pour que je puisse la réaliser.
Denis Freyd – un autre ami, qui a produit tous mes films depuis une vingtaine d’années – a pris le relais, comme d’ailleurs Jérôme Minet l’avait souhaité, sentant ses forces l’abandonner. C’est
donc Denis Freyd et André Bouvard qui, finalement, se sont lancés dans Les Vivants et les morts, eux aussi avec une grande énergie, une grande détermination et il en fallait pour mener à bien un
tel projet !
A-t-il toujours été clair que ce serait vous qui réaliseriez la série après avoir écrit l’adaptation ?
Oui, il n’y a jamais eu la moindre discussion à ce sujet. Les Vivants et les morts, c’était moi et personne d’autre, à l’écriture comme derrière la caméra.
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Source : France2.fr