Francis
Lalanne, Pourquoi vous êtes-vous investi contre cette loi Hadopi ou dans la Bataille Hadopi, pour reprendre le terme guerrier de l’ouvrage ?
Je n’admets pas l’idée qu’on puisse se servir de moi pour priver les gens de liberté. Là on se sert de moi en tant qu’artiste pour supprimer des libertés aux gens. Il est hors de question que j’accepte une chose pareille. Je ne veux pas qu’on m’utilise comme prétexte pour priver les gens de leur liberté.
D’un autre côté, vous êtes artiste et vivez de votre œuvre…
Je vis très bien de mon œuvre et le téléchargement n’est pas la cause de la crise que traverse la profession. C’est un axiome qu’on a posé comme axiome de base mais d’une manière totalement erronée. Il y a beaucoup d’éléments qui sont à l’origine de cette crise, et le téléchargement n’en est pas un.
Lesquels ?
Je veux bien vous dire quels sont ces éléments, mais même si le téléchargement était à l’origine de cette crise, cela n’aurait pas justifié non plus que l’on privât les gens de leur liberté. Je veux dire qu’il y a des tas de métiers qui ont disparu. C’est l’histoire de l’évolution du monde : si le métier d’artiste lyrique tel qu’on le connait aujourd’hui doit disparaitre ou changer, cela ne doit pas pour autant être opposable à la liberté. Là, on parle des droits de l’homme. On ne peut opposer aux droits de l’homme, le confort d’un secteur socioprofessionnel.
Parmi les droits et libertés fondamentaux, il y a effectivement la vie privée, la liberté de communication, mais il y a aussi le droit de propriété. Comme l’artiste peut-il vivre dans un tel contexte ?
Parce que la propriété intellectuelle est une propriété relative. On peut considérer aussi que j’utilise des choses qui ne m’appartiennent pas pour m’exprimer. Par exemple, le langage ne m’appartient pas. On décide à un moment donné qu’on fait de la production de conscience, un produit, très bien. Moi je veux bien. Mais qu’au nom de cela, on prive les gens de leur liberté, je ne suis pas d’accord. A partir du moment où on crée un espace de liberté qui s’appelle le net, créé en connaissance de cause et mis à la disposition des gens en connaissance de cause, on n’a pas tout d’un coup à leur reprendre de la main droite ce qu’on leur a donné de la main gauche !
En plus, là on parle de choses qui sont du domaine de la philosophie, on peut en discuter, mais derrière l’histoire de la Hadopi, il y a le fond du problème qui est posé : celui de la neutralité d’un réseau. Il est inimaginable par exemple, que demain, un postier s’arroge le droit d’ouvrir son courrier parce qu’une commission a décidé que telle personne serait, peut-être, je ne sais pas, un terroriste ou je ne sais pas quoi… Là, Hadopi, c’est un moyen d’ouvrir le courrier des gens sans leur demander leur avis. C’est juste la violation des droits élémentaires de l’être humain.
Après, se pose la question de savoir comment la société du commerce de l’art doit évoluer. C’est un débat sur lequel il faut réfléchir, mais à aucun moment la solution proposée par l’autorité publique doit être la privation de liberté. La liberté est le premier des droits de l’homme, la propriété est le second. La sûreté le troisième. Et le quatrième, je le rappelle à ceux qui l’auraient oublié, le droit de résister à l’oppression. Et ce droit de résister à l’oppression, c’est ce que nous faisons en nous réunissant pour défendre les internautes et nous opposer à cette violation des droits fondamentaux qu’est la constitution de cette structure liberticide qu’est Hadopi.
Justement, vous-même, vous avez un passé et un futur d’artiste, avez créé des œuvres au succès phénoménal. Mais le jeune artiste, dans ce cadre là, vous lui indiquez de choisir quelle voie ? Il peut opter pour la surveillance des œuvres, taper sur les doigts…
Je lui conseille d’écouter sa conscience et d’agir selon sa conscience.
Moi j’agis selon ma conscience. Je ne prétends pas que ma posture soit la bonne et celle des autres, la mauvaise. Je suis convaincu que ceux qui pensent que la finalité de l’art est de faire de l’argent, se trompent. La finalité de l’art pour moi est de produire de la conscience, incidemment de donner du plaisir, de divertir au sens Pascalien du terme, mais pas de faire de l’argent.
C’est quelque chose qui s’est produit : l’art, à un moment donné, dans la logique de la société de consommation, de l’économie de marché, est devenu une forme de production lucrative. C’était peut être son destin, mais cela na jamais été sa finalité. Il faut rappeler aux gens aujourd’hui les fondamentaux : quelle est la finalité de l’art ? La finalité de l’art n’est pas de faire de l’argent.
Au nom du fait que l’art s’est mis à un moment donné à faire de l’argent on ne peut pas réduire le sens de création artiste à la seule production de richesse vénale, et autour de ça tout à coup établir des lois liberticides qui vont contraindre les gens ! Qu’est-ce qu’ils imaginent, ces gens-là ? Qu’on va pouvoir forcer quelqu’un à acheter une œuvre ?! Je pense qu’ils sont fous. On n’obligera jamais quelqu’un à acheter une œuvre. C’est absurde d’imaginer qu’on puisse obliger une personne à acheter une œuvre d’art. Je veux dire, elle la volera si elle veut, elle l’empruntera si elle veut, elle l’adoptera si elle veut, mais elle ne l’achètera pas si elle ne veut pas. Avec tous les Hadopi du monde, les gens se débrouilleront toujours pour avoir accès à l’œuvre qu’ils souhaitent. Et c’est très bien comme cela.
Il faut arrêter de prendre les êtres humains pour des consommateurs, ils le sont s’ils veulent, comme ils veulent. Il faut prendre les êtres humains comme des êtres humains. Leur faire confiance, parler à leur cœur, leur dire des choses évidentes qui est qu’un artiste pour continuer à faire son métier, a besoin de vivre et que si on l’aime, il faut agir de manière à ce qu’il ne soit pas dans le dénuement.
Je crois que chaque personne qui aime un artiste trouvera le moyen de lui donner le moyen de quoi vivre, il faut faire confiance aux gens, leur proposer une nouvelle façon peut-être de rémunérer leur travail et en tout cas dissocier l’écoute gratuite, voire le téléchargement gratuit, du fait de vouloir se procurer l’œuvre d’un artiste.
C’est quand même des gens qui pendant des décennies ont vendu 20 euros quelque chose qui vaut 5 ou 6 euros, allez voire 7 ou 8 euros à tout casser, c’est ces gens-là qui sont en train de traiter le public de voleur ! C’est quand même extraordinaire que sur un disque vendu 20 euros, l’artiste touche 1 euro et qu’on est en train d’expliquer qu’on veut créer Hadopi pour défendre les artistes, il faut arrêter !
Je n’admets pas l’idée qu’on puisse se servir de moi pour priver les gens de liberté. Là on se sert de moi en tant qu’artiste pour supprimer des libertés aux gens. Il est hors de question que j’accepte une chose pareille. Je ne veux pas qu’on m’utilise comme prétexte pour priver les gens de leur liberté.
D’un autre côté, vous êtes artiste et vivez de votre œuvre…
Je vis très bien de mon œuvre et le téléchargement n’est pas la cause de la crise que traverse la profession. C’est un axiome qu’on a posé comme axiome de base mais d’une manière totalement erronée. Il y a beaucoup d’éléments qui sont à l’origine de cette crise, et le téléchargement n’en est pas un.
Lesquels ?
Je veux bien vous dire quels sont ces éléments, mais même si le téléchargement était à l’origine de cette crise, cela n’aurait pas justifié non plus que l’on privât les gens de leur liberté. Je veux dire qu’il y a des tas de métiers qui ont disparu. C’est l’histoire de l’évolution du monde : si le métier d’artiste lyrique tel qu’on le connait aujourd’hui doit disparaitre ou changer, cela ne doit pas pour autant être opposable à la liberté. Là, on parle des droits de l’homme. On ne peut opposer aux droits de l’homme, le confort d’un secteur socioprofessionnel.
Parmi les droits et libertés fondamentaux, il y a effectivement la vie privée, la liberté de communication, mais il y a aussi le droit de propriété. Comme l’artiste peut-il vivre dans un tel contexte ?
Parce que la propriété intellectuelle est une propriété relative. On peut considérer aussi que j’utilise des choses qui ne m’appartiennent pas pour m’exprimer. Par exemple, le langage ne m’appartient pas. On décide à un moment donné qu’on fait de la production de conscience, un produit, très bien. Moi je veux bien. Mais qu’au nom de cela, on prive les gens de leur liberté, je ne suis pas d’accord. A partir du moment où on crée un espace de liberté qui s’appelle le net, créé en connaissance de cause et mis à la disposition des gens en connaissance de cause, on n’a pas tout d’un coup à leur reprendre de la main droite ce qu’on leur a donné de la main gauche !
En plus, là on parle de choses qui sont du domaine de la philosophie, on peut en discuter, mais derrière l’histoire de la Hadopi, il y a le fond du problème qui est posé : celui de la neutralité d’un réseau. Il est inimaginable par exemple, que demain, un postier s’arroge le droit d’ouvrir son courrier parce qu’une commission a décidé que telle personne serait, peut-être, je ne sais pas, un terroriste ou je ne sais pas quoi… Là, Hadopi, c’est un moyen d’ouvrir le courrier des gens sans leur demander leur avis. C’est juste la violation des droits élémentaires de l’être humain.
Après, se pose la question de savoir comment la société du commerce de l’art doit évoluer. C’est un débat sur lequel il faut réfléchir, mais à aucun moment la solution proposée par l’autorité publique doit être la privation de liberté. La liberté est le premier des droits de l’homme, la propriété est le second. La sûreté le troisième. Et le quatrième, je le rappelle à ceux qui l’auraient oublié, le droit de résister à l’oppression. Et ce droit de résister à l’oppression, c’est ce que nous faisons en nous réunissant pour défendre les internautes et nous opposer à cette violation des droits fondamentaux qu’est la constitution de cette structure liberticide qu’est Hadopi.
Justement, vous-même, vous avez un passé et un futur d’artiste, avez créé des œuvres au succès phénoménal. Mais le jeune artiste, dans ce cadre là, vous lui indiquez de choisir quelle voie ? Il peut opter pour la surveillance des œuvres, taper sur les doigts…
Je lui conseille d’écouter sa conscience et d’agir selon sa conscience.
Moi j’agis selon ma conscience. Je ne prétends pas que ma posture soit la bonne et celle des autres, la mauvaise. Je suis convaincu que ceux qui pensent que la finalité de l’art est de faire de l’argent, se trompent. La finalité de l’art pour moi est de produire de la conscience, incidemment de donner du plaisir, de divertir au sens Pascalien du terme, mais pas de faire de l’argent.
C’est quelque chose qui s’est produit : l’art, à un moment donné, dans la logique de la société de consommation, de l’économie de marché, est devenu une forme de production lucrative. C’était peut être son destin, mais cela na jamais été sa finalité. Il faut rappeler aux gens aujourd’hui les fondamentaux : quelle est la finalité de l’art ? La finalité de l’art n’est pas de faire de l’argent.
Au nom du fait que l’art s’est mis à un moment donné à faire de l’argent on ne peut pas réduire le sens de création artiste à la seule production de richesse vénale, et autour de ça tout à coup établir des lois liberticides qui vont contraindre les gens ! Qu’est-ce qu’ils imaginent, ces gens-là ? Qu’on va pouvoir forcer quelqu’un à acheter une œuvre ?! Je pense qu’ils sont fous. On n’obligera jamais quelqu’un à acheter une œuvre. C’est absurde d’imaginer qu’on puisse obliger une personne à acheter une œuvre d’art. Je veux dire, elle la volera si elle veut, elle l’empruntera si elle veut, elle l’adoptera si elle veut, mais elle ne l’achètera pas si elle ne veut pas. Avec tous les Hadopi du monde, les gens se débrouilleront toujours pour avoir accès à l’œuvre qu’ils souhaitent. Et c’est très bien comme cela.
Il faut arrêter de prendre les êtres humains pour des consommateurs, ils le sont s’ils veulent, comme ils veulent. Il faut prendre les êtres humains comme des êtres humains. Leur faire confiance, parler à leur cœur, leur dire des choses évidentes qui est qu’un artiste pour continuer à faire son métier, a besoin de vivre et que si on l’aime, il faut agir de manière à ce qu’il ne soit pas dans le dénuement.
Je crois que chaque personne qui aime un artiste trouvera le moyen de lui donner le moyen de quoi vivre, il faut faire confiance aux gens, leur proposer une nouvelle façon peut-être de rémunérer leur travail et en tout cas dissocier l’écoute gratuite, voire le téléchargement gratuit, du fait de vouloir se procurer l’œuvre d’un artiste.
C’est quand même des gens qui pendant des décennies ont vendu 20 euros quelque chose qui vaut 5 ou 6 euros, allez voire 7 ou 8 euros à tout casser, c’est ces gens-là qui sont en train de traiter le public de voleur ! C’est quand même extraordinaire que sur un disque vendu 20 euros, l’artiste touche 1 euro et qu’on est en train d’expliquer qu’on veut créer Hadopi pour défendre les artistes, il faut arrêter !
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