Frédéric, Tzigane, éleveur de poules, pas voleur

LEMONDE


 

 

Frédéric Liévy, nomade sédentarisé, avait-il le droit d'installer ses caravanes et ses poules sur le terrain qu'il a acheté à Frouzins, petite commune de l'agglomération toulousaine ? Non, répond le maire socialiste Alain Bertrand. Soutenu par la direction départementale de l'équipement (DDE) et le parquet, l'élu demandait son expulsion, mardi 22 février, devant le tribunal correctionnel de Toulouse.


Cette zone réputée "agricole" n'est théoriquement pas constructible, selon le plan local de l'urbanisme de cette commune périurbaine. M. Liévy risquait une amende de 300 000 euros et la démolition des constructions en dur qu'il a érigées sur son lopin pour abriter ses volailles et ses six enfants. Mais, à l'audience, ce solide Tzigane moustachu a gagné un nouveau répit. Le juge a préféré prononcer l'ajournement de la peine, renvoyant l'examen du dossier au 4 octobre.

Ce délai devrait permettre la régularisation de l'activité professionnelle de M. Liévy. Loin du cliché du voleur de poules, il réclame en vain depuis 2008 d'être reconnu comme éleveur de poules patenté par la chambre d'agriculture. Un tel brevet professionnel réglerait tous ses problèmes. Seuls les agriculteurs sont en effet autorisés à déposer un permis de construire sur des terrains agricoles. Moins compréhensif, le procureur dénonce "le passage en force" de l'éleveur tzigane, qui voudrait à ses yeux "imposer son mode de vie". "Voyageur ou agriculteur, il faut choisir", a lancé Francis Boyer.

Un tour nettement politique

Visiblement à contrecoeur, le procureur s'est toutefois rallié à la solution d'apaisement préconisé par le juge. Il faut dire que le dossier de Frédéric Liévy, soutenu par des associations de protection des droits de l'homme et par Catherine Grèze, eurodéputée d'Europe-Ecologie, prenait un tour nettement politique. Le maire de Frouzins, conseiller général (PS) sortant, se défend de vouloir appliquer par anticipation la nouvelle loi Loppsi 2 adoptée par l'UMP au Parlement. L'élu socialiste affirme qu'il ne souhaite pas l'expulsion de la famille tzigane. Il souligne que la commune a aménagé une aire d'accueil pour les gens du voyage et qu'un logement en HLM a été proposé à la famille Liévy. A la barre, le maire a réclamé un "rappel à la loi" et 1 euro symbolique de dommages et intérêts. "Vous n'êtes pas là pour en décider", s'est indigné le procureur, furieux de voir l'élu s'arroger le pouvoir de requérir une peine.

L'audience n'a cependant pas permis de savoir pourquoi la chambre d'agriculture considérait l'exploitation de M. Liévy comme "non viable économiquement". Propriétaire de 150 poules élevées selon les canons du bio, il devrait gagner 1 800 euros par mois en 2011, selon le compte d'exploitation prévisionnel fourni par son avocate au tribunal. "C'est plus que beaucoup d'agriculteurs en France", a plaidé Me Marjorie Borraz.

Stéphane Thépot (Toulouse, correspondance)  

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