Tokyo Correspondance - C’est un geste qui ne devrait pas améliorer l’image de la Compagnie d’électricité de Tokyo, Tepco. L’entreprise qui exploite la centrale de Fukushima a annoncé, mardi 5 avril, proposer aux dix municipalités situées dans la zone d’exclusion des 20 km autour de l’installation nucléaire accidentée, de verser à chacune d’elles une indemnité « de consolation ».
Tepco a choisi d’octroyer 20 millions de yens (165 000 euros) par cité. Neuf municipalités ont accepté, comme le village de Kawauchi, où l’on rappelle que « cela fait presqu’un mois que les gens vivent dans des centres d’hébergement. Même si c’est peu, nous souhaitons en faire le meilleur usage pour chacun des habitants ». La ville de Namie a, elle, refusé. « Nous attendons d’abord des excuses », a fait savoir le maire, Tamotsu Baba. « La population locale dépasse les 20 000 habitants, précise la municipalité. Cela signifie que chaque résident aurait reçu moins de 1 000 yens (9 euros). Ça ne permet pas à des personnes sinistrées de vivre. » En outre, la ville veut garder la liberté de « critiquer Tepco ».
Le geste de la compagnie est mal perçu par les Japonais, qui y voient une simple obole. L’inélégance de la démarche s’ajoute au mécontentement profond et croissant envers l’entreprise. Au-delà de l’indemnité de « consolation », toutes les villes concernées, dont les finances sont exsangues, veulent que les montants d’indemnisation des victimes soient fixés le plus vite possible.
Manifestement désireuse de calmer les esprits, Tepco a laissé entendre qu’elle allait verser, d’ici à fin avril, les premières « vraies » indemnités aux habitants des zones évacuées. Les 80 000 personnes concernées devraient, selon la compagnie, se voir rembourser les frais médicaux, l’équivalent des revenus perdus et les dépenses engagées depuis la catastrophe pour subvenir aux besoins. Le calcul se fera selon les directives des pouvoirs publics.
Demande pressante
L’entreprise répond ainsi à une demande pressante du gouvernement. Le ministre de l’économie, Banri Kaieda, a en effet fait savoir, le 5 avril, qu’il avait demandé à Tepco de verser des indemnités « dès que possible » aux sinistrés.
Mais les difficultés financières qui menacent Tepco, dont la valeur boursière a baissé de 80 % depuis le séisme, et les coûts induits par la crise nucléaire pourraient l’empêcher de dédommager pleinement les victimes.
Une situation qui a incité le premier ministre, Naoto Kan, à intervenir. « Nous allons laisser la compagnie faire ce qu’elle peut. En cas de problème, le gouvernement prendra le relais, et ira jusqu’au bout de la démarche. »
Philippe Mesmer
* Article paru dans le Monde, édition du 08.04.11. LEMONDE