gardés

Vous l'avez sans doute remarqué, depuis 3 ou 4 semaines, la plupart des médias nous parlent du problème de la garde à vue en France. Il faut dire que depuis quelques années, le chiffre des gardés à vue ne cesse d'augmenter. De plus,  comme sur la plupart des sujets, le gouvernement Fillon pratique l'enfumage à grande échelle, manipulant les chiffres. Le livre de Matthieu Aron, qui est rédacteur en chef à FRANCE INFO (en charge des affaires de justice et de police) rétablit la vérité sur le chiffre. Il permet de découvrir comment le gouvernement tenta dans un  premier temps de truquer le nombre, en "oubliant" les 250 000 à 300 000 gardes à vue de la répression routière ! Des 600 000 annoncées par le ministère de l'intérieur, on arrive alors à 900 000, soit presque un million pour une population de 65 millions de français.

Vraiment inquiétant !

Donc ce livre paru fin janvier, tombe particulièrement bien pour faire le point sur le sujet.

L'auteur choisit de commencer avec un petit précis de la garde à vue : la définition, la durée, les droits du gardé à vue (lisons bien, cela pourrait nous servir un jour prochain)...

Une des forces du livre est la multiplication des témoignages de divers horizons. Car il serait faux de penser que ceux qui se sont retrouvés en garde à vue, il y avait une bonne et grave raison, du genre, manifestant violent ou conducteur ayant renversé une petite vieille en brûlant un feu rouge. 

Que nenni ! Souvent, très souvent, la garde à vue s'adresse à des gens comme vous et moi pour des actes d'une banalité déconcertante.

Donc témoignages des gardés à vue, mais aussi témoignages des flics, ce qui est aussi fort instructif. A différents niveaux de la hiérarchie, ils témoignent de la pression pour faire du chiffre, le sacro-saint chiffre érigé en système.

Durant longtemps, les voleurs ont été en haut des stats pour les GAV. Aujourd'hui ils sont passés à la deuxième place, derrière les automobilistes. Disons-le, pas besoin d'avoir fait une école de police, pour deviner qu'il est plus facile d'arrêter et de mettre en GAV un jeune à deux heures du matin à la sortie d'un discothèque que de trouver un cambrioleur en région parisienne. Et dans les chiffres cela fait toujours un, même si la case remplie n'est pas identique.

Mais il y a aussi une autre catégorie bien placée parmi ceux qui se retrouvent dans des cages à lapins infectes durant des heures. Cette catégorie sociale, ce sont les étrangers en situation irrégulière,  à la merci des contrôles, et les contrôles, dans la France d'Hortefeux et Allot-Marie, ce n'est pas ce qui manque ! Cinq ouvriers maliens s'expriment donc dans ce livre, ils vivent dans un squat du 18e arrondissement à Paris et travaillent dans le bâtiment, l'entretien ou la restauration. Ils sont sans-papiers.

Dans la famille "étrangers" en GAV, on peut aussi trouver des bébés de parents moldaves et sans-papiers dans le Loiret.

Bref la lecture de ce livre est très instructive, car si  tout le monde sait maintenant qu'il existe un énorme scandale de la GAV en France, qui vient s'ajouter au scandale de l'état de nos prisons, il est mieux de visualiser le dit-scandale, et d'y mettre des noms. Car derrière ces méthodes d'état totalitaire, il y a aussi des milliers de drames humains à ne pas oublier.

Ajoutons aussi le fameux "délit de solidarité" pratiqué souvent du côté de Calais, ce délit qui n'existerait pas selon Besson ! Et les violences en tous genres, des plus graves aux plus banales, des coups, des insultes jusqu'à la privation d'une montre. Imaginez de passer 24 ou 48 heures dans une cellule sans fenêtre et sans heure, et des menottes dans le dos, etc...

Et encore le fameux "délit d'outrage et rebellion" dont nous vous parlions il y a quelques jours. Avec pour exemple, le cas déjà célèbre de l'écrivain de polar, Jean-Jacques Reboux contestant un PV bidon suite à un contrôle routier.

Encore ? En 2008, dans la très bourgeoise commune de Versailles, un polytechnicien sexagénaire qui traverse la rue un peu avant le feu rouge. Cueilli chez lui, il passera la nuit en cellule et en robe de chambre, ce qui n'est pas sans nous rappeler l'affaire récente de la gamine de 14 ans en pyjama en cellule !

En seconde partie, l'auteur nous explique comment on a pu en arriver là. Puis on comprend ce que sont les "magistrats fantômes" car dès le début de la GAV et les premières auditions le policier doit rendre compte de son "travail" à un magistrat.

Pour conclure, on peut dire qu'une logique du cachot s'est installée en France, avec tout ce qu'elle comprend : humiliation, nudité, punitions effectuées par des policiers hors justice, parfois coups...

Dans un contexte ultra-sécuritaire, l'auteur en conclut ,à juste titre, que la GAV est aujourd'hui "la première des peines", peine non pas judiciaire mais policière.

Cela est déjà grave, mais le plus grave à savoir, c'est que sur ces 900 000 GAV, juste 10% vont aboutir par la suite à une peine de prison !

 

Dan29000

Tag(s) : #lectures
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