Piratage: l'Hadopi n'est pas dissuasive, montre une étude bretonne 

Avant même l'envoi par l'Hadopi des premiers avertissements aux pirates impénitents, un sondage vient montrer à quel point le pouvoir dissuasif de la loi ne fonctionne pas. Le téléchargement illégal aurait en effet augmenté de 3% juste après l'adoption du volet répressif.

Trois chercheurs de l'université Rennes-I ont interrogé par téléphone, du 16 novembre et le 23 décembre 2009, «2.000 individus représentatifs de la population de la Région Bretagne.» En fonction des réponses, ils ont classé les personnes interrogées en trois populations: les «pirates Hadopi», qui utilisent les réseaux peer-to-peer (14% des consommateurs de vidéo et de musique en ligne); les «pirates non-Hadopi» qui emploient des techniques non visées par la loi: streaming illégal (Allostreaming…), téléchargement sur des sites d’hébergements de fichiers type Megaupload ou Rapidshare (16%); et les «non pirates», qui consomment du contenu copyrighté de façon légale (70%).

Le décret concernant la conservation des données personnelles par l'Hadopi, paru au Journal officiel le 7 mars, est clair: il faut que le contrevenant utilise un «protocole pair à pair» et que le fichier soupçonné d'avoir été piraté soit «présent sur le poste». Autrement dit, il n'est pas question que la haute autorité se préoccupe du streaming, c'est-à-dire la faculté de regarder directement en ligne des vidéos ou à écouter des morceaux sans les télécharger sur son disque dur. Seule la personne qui met à disposition une œuvre dont il ne possède pas les droits peut être inquiété.

Le streaming, pas plus que le peer-to-peer (c'est-à-dire simplement l'échange de fichiers), n'est d'ailleurs pas nécessairement une technique qui induit la violation des droits d'auteur. Si vous regardez – gratuitement – une vidéo de Mediapart sur DailyMotion, vous accédez à notre «contenu» avec notre consentement (c'est une façon d'organiser la «pervasivité» de nos informations, malgré la clôture du site) et YouTube vise la rentabilité en 2010 grâce à la part croissante de vidéos professionnelles parmi les vidéos les plus vues (via la publicité et la vidéo à la demande).

Des réponses à leur questionnaire, les auteurs ont tiré la conclusion que 15% de pirates Hadopi ont cessé de recourir au P2P, mais parmi ceux-ci seuls «un tiers a renoncé à toute forme de piratage numérique, alors que les deux tiers restant se sont tournés vers des pratiques alternatives de piratage échappant à la loi Hadopi. (...) La réduction du nombre d’internautes qui utilisent les réseaux peer-to-peer s’est donc accompagnée d’une hausse des autres formes de piratage non prises en compte par la loi Hadopi (+27%). Cet accroissement fait plus que compenser la diminution du nombre d’utilisateurs des réseaux peer-to-peer. Le bilan de la loi Hadopi, 3 mois à peine après son adoption, fait ressortir une légère augmentation du nombre de pirates sur Internet (+3%).»  

L'étude montre également que les «pirates» comptent pour moitié parmi les acheteurs de musique et de vidéo sur Internet. «En supposant que les internautes ne modifient pas leur comportement, la loi Hadopi conçue pour soutenir les industries culturelles pourrait paradoxalement, en coupant la connexion Internet des adeptes du Peer-to-Peer, éliminer 27% des acheteurs de vidéo et de musique sur Internet. En poussant plus loin le raisonnement, une coupure de l’accès Internet de tous les pirates réduirait le nombre des acheteurs de vidéo et de musique sur Internet de moitié. La part d’acheteurs est la plus élevée parmi les pirates Hadopi (47%) et les pirates non Hadopi (36%). Les pirates ne sont donc pas des “radins numériques” et le sont moins que les internautes non pirates», écrivent les auteurs.


Source : MEDIAPART : Vincent Truffy


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