invisible

 

 

 

 

 

 

 

 

  Depuis bien des années, le polar a le vent en poupe. Qui s'en plaindrait ? Dans cette avalanche de romans, la catégorie "tueurs en série" est souvent plébiscitée par les lecteurs, malgré l'aspect parfois répétitif des histoires proposées. Une fois habitué à ces schémas, l'on peut souvent anticiper le chapitre suivant, voire la fin de l'histoire, ce qui est dommageable pour ce type de roman.

 

  Plus rarement, la bonne surprise.

 

  Avec ce premier roman d'un écrivain canadien, Robert Pobi, cela est le cas. Une belle surprise à double titre. D'abord il est assez rare de lire un premier roman aussi maîtrisé, aussi bien construit, avec un personnage central aussi fort. Ensuite il redonne une vigueur nouvelle au polar mettant en scène un tueur en série. Double exploit...

 

  Unité de lieu, d'abord. Montauk, Long Island aux États-Unis. Unité de temps ensuite, quatre jours insensés, quatre jours de cauchemar pour Jack Cole, profileur du FBI, possédant une mémoire photographique phénoménale. Notre homme revient sur les traces de son enfance, là où son père, peintre célèbre presque fou, vient d'être hospitalisé. A peine arrivé sur ces lieux chargés de terribles souvenirs où la mère de Jack fut massacrée trente-trois ans auparavant, il est appelé sur une scène de crime...

 

  Dès les premières pages, Bloodman, titre anglais de ce roman, va nous empoigner irrémédiablement, Pobi possédant l'art précieux de laisser les fins de chapitre sur une angoisse terrible en forme d'interrogation, poussant le lecteur à se précipiter sur le chapitre suivant.

 

  Et cela fonctionne terriblement bien.

 

Robert Pobi

 

  D'autant plus que le personnage proposé est vraiment fascinant. Les polars, là encore, regorgent de flics bien tourmentés, entre alcoolisme et dépression, n'oublions pas David Goodis ou Jim Thompson...Mais là encore l'auteur innove en nous brossant un portrait d'homme dévasté résistant à son passé mortifère, un homme qui porte le poids de ce passé sur sa peau. Une peau presque entièrement tatouée avec les phrases du chant XII de "L'enfer" de Dante.

 

  Un roman infernal, qui avance à une vitesse infernale, sans laisser le moindre répit au lecteur qui va subir les assauts répétés d'une triple menace. La menace d'un ouragan qui approche de Montauk, et qui va déchaîner de terribles forces. Ensuite la menace de ce tueur en série, invisible, qui est pourtant bien là, mais que personne n'arrive à voir, sauf les morts... Enfin, et c'est là une des nouveautés de ce roman, la menace du flic lui-même qui fait un peu peur à tout le monde, tellement l'on sent ses fêlures multiples en forme de failles qui ne demanderaient qu'à s'ouvrir. Par moment, Jack, malgré sa froideur, semble sur le point d'entrer en éruption, devenant presque une vraie menace pour lui-même.

 

  Si ce roman va ravir les amateurs de polars sous tension, il pourra aussi satisfaire les amateurs de psychologie car l'auteur nous parle ici de la mémoire, des obsessions, des traumatismes, de la filiation, des pulsions, des liens familiaux déterminants, et d'identités, la notre et celles de nos proches...Sans oublier une touche d'art, puisque l'auteur fut antiquaire durant bien des années avant d'écrire.

 

  Difficile de ne pas imaginer ces pages adaptées au grand écran, par un réalisateur de la classe de Martin Scorsese. Car souvent le lecteur a "Les nerfs à vif" plongé dans une action "A tombeau ouvert"... Publié en mai dernier dans l'hexagone, le roman bénéficie déjà d'un bel accueil de la part des critiques et gageons qu'il en sera de même pour les lecteurs car "L'invisible" prend déjà place parmi les grands romans de cette année.


 

 

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invisible02.jpgL'invisible


Robert Pobi


Traduit de l'anglais (Canada) par Fabrice Pointeau


Editions Sonatine

 

2012 / 430 p / 21,30 euros

 

Voir le site de Sonatine

 

Voir aussi le site de Robert Pobi

 

 

Tag(s) : #lectures
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