Une nouvelle monnaie locale est née en Ardèche du sud, la Luciole ! Marie-Christine Baudin, co-fondatrice de cette monnaie, nous raconte son expérience.
Interview réalisée par Teycir Ben Naser, stagiaire au Mouvement Colibris
Comment avez-vous décidé de lancer la monnaie "La Luciole" ?
J'avais suivi l'expérience de la monnaie SOL et j'ai voulu mettre en place la même chose en Ardèche. Comme je n'ai pas eu de soutien de la part des élus, je me suis lancée dans une expérience indépendante. C'est parti d'une volonté de faire autrement, de valoriser le temps d'une autre façon que par l'argent, de dynamiser l'économie locale et de redonner à la monnaie sa fonction première, celle de l'échange.
Nous avons donc rencontré Philippe Derudder, qui organise des ateliers de compréhension de l'économie et de la monnaie, et nous avons pris contact avec l'association Agir pour le Vivant qui a créé la monnaie locale "l'Abeille" à Villeneuve-sur-Lot. Ils ont été d'une aide très précieuse et nous ont facilité le travail en nous accompagnant dans la mise en place de la monnaie.
Comment fonctionne "La Luciole" ?
Nous nous sommes organisés en association, ainsi les prestataires et les consommateurs peuvent y adhérer. Nous avons constitué une charte éthique afin de constituer un socle commun de valeurs. Et nous signons une convention entre le prestataire et l'association.
Nous avons mis en place une monnaie simple : c'est-à-dire qu'un euro vaut une luciole. Nous avons fait le choix de ne pas utiliser le principe de la fonte qui consiste à donner aux billets une durée de vie limité. Le système de la fonte permet en effet d'augmenter la vitesse de circulation de la monnaie. Mais en même temps, cela conduit à consommer plus puisqu'il y a une date butoir.
Comment se passe l'échange entre l'euro et "La Luciole" ?
Pour pouvoir utiliser "La Luciole", il faut être adhérent de l'association, qu'on soit prestataires ou consommateurs. Ainsi, les adhérents échangent auprès de l'association des euros contre des lucioles. Et nous, nous plaçons les euros à la NEF.
Est-il légal de faire circuler une monnaie non soutenue par un gouvernement national, alors même que la Banque de France a le monopole de la fabrication des billets ?
C'est bien pour cela qu'il s'agit d'une monnaie complémentaire, elle n'est pas là pour concurrencer la monnaie nationale. D'ailleurs, seuls les prestataires ont la possibilité de convertir la luciole en euros, et l'association perçoit 2% de la valeur de l'échange. Les prestataires recevant des lucioles peuvent les dépenser auprès des autres adhérents et ainsi cette monnaie ne sort pas du circuit local. Au niveau de la comptabilité des professionnels, les ventes sont à déclarer comme si elles étaient réalisées en euros, donc finalement cela ne pose pas de problème.
Quel écho a eu cette monnaie en Ardèche ?
En un mois nous avons réussit à avoir 15 prestataires. Les gens sont sensibles à ces questions et sont curieux de voir des initiatives alternatives. Des échanges conviviaux naissent dans les boutiques quand quelqu'un paie en lucioles ! Mais c'est encore trop récent pour mesurer les retombées.
Quels sont les points positifs dans la mise en place d'une monnaie locale ?
C'est tout d'abord une transformation personnelle, cela a été très enrichissant. Et au-delà de l'aspect purement économique, la création de cette monnaie a permis de créer du lien social et d'ouvrir les consciences.
Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?
Malheureusement une autre monnaie locale a été crée et la personne à l'initiative de cette monnaie n'a pas souhaité coopérer. Elle n'existe pas encore, mais quand elle verra le jour, ça risque d'être compliqué !
De plus, comme nous avons souhaité rester indépendant, nous ne recevons pas de subvention. Et l'impression des billets coûte cher ! Heureusement, avec le groupe des initiateurs, nous avons pu la financer par nos propres moyens.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait se lancer dans la création d'une monnaie locale ?
Il faut avant tout avoir la foi et avoir conscience que des petits actes peuvent avoir un impact important. Il faut être très patient, parce qu'entre l'idée et la mise en place effective de la monnaie, cela peut prendre beaucoup de temps ! Et puis, il y a une question qui me semble centrale, celle du sens qu'ont nos euros dans notre compte en banque, lorsqu'on sait que la grande majorité est virtuelle. Il faut toujours garder cela à l'esprit.
Pour en savoir plus, consultez notre fiche « Comment créer une monnaie locale », sur Ekopédia.