Le Lot en Action. 24 janvier 2010 par Bluboux
Après l'annonce d'un permis exclusif pour la recherche de gaz de schiste sur le Larzac, coté Aveyron, accordé à une société américaine, c'est au tour du département du Lot d’être victime de l’appétit vorace des sociétés pétrolières. Une demande de permis d'exploration a en effet été exprimée par la société anglaise 3Legs Oil and Gaz pour un site de 5.710 km² sur Cahors. La demande a été mise en concurrence (Journal Officiel du 24 août 2010), mais aucun autre concurrent ne s’étant manifester sur ce secteur, c’est bien cette société britannique qui remporte le droit de recherche du gaz de schiste sur notre département, et éventuellement d’en assurer l’extraction.
Qu’est ce que le gaz de schiste, comment l’exploite t-on, quels sont les enjeux pour l’environnement
? Autant de question auxquelles nous allons tenter de répondre au travers de ce dossier. La diminution des ressources pétrolières poussent les multinationales de l’énergie à exploiter des
gisements qui étaient encore non rentables il y a quelques années et à développer des techniques d’extraction nouvelles. Peu importe que l’exploitation de nouveau gisements, à l’aide de ces
techniques extrêmement polluantes et dangereuses pour la santé publique fassent aujourd’hui polémique en Amérique du Nord, puisqu’il y a énormément d’argent en jeu. Peu importe que le
gouvernement français nous ait « enfumé » avec le grenelle de l’environnement, puisqu’il n’en reste presque rien aujourd’hui, et qu’avant son départ du ministère, Jean-Louis Borloo a signé les
permis d’explorer et livré une partie du territoire national aux marché financiers.
Nous vous laissons donc découvrir ce dossier. Il est urgent de réagir. Plusieurs réunions publiques ont déjà eu lieu dans le Larzac et José Bové est même revenu du
parlement européen pour se saisir de la lutte citoyenne et environnementale qui va s’engager. Un collectif citoyen lotois se forme et va tenter d’informer, dans un premier temps, les élus de
notre département sur l’urgence de la situation. Nous avons contacté la préfecture du Lot, qui doit nous informer des procédures qui seront suivies et du calendrier prévisible. La société 3 Legs
Oil and Gaz, quant à elle, reste sourde à nos demandes de renseignements… Si vous souhaitez vous aussi agir, rejoignez le collectif qui se forme. Les taches ne manquent pas, informations,
réunions publiques, déplacement, site internet, etc. Si vous n’avez pas de temps disponible pour participer à ce mouvement citoyen mais un peu de sous d’avance, vous pouvez le soutenir
financièrement ! Pour le moment, contactez Jean-Luc Vialard : jvialard@free.fr ou 06 81 95 29 19
Gaz de schistes : une bataille économique mondiale, une nouvelle catastrophe pour l'environnement
Les gaz de schistes connaissent présentement un essor extraordinaire aux États-Unis. En Europe, les compagnies pétrolières commencent à s'intéresser sérieusement à cette ressource de gaz non conventionnels. Leur exploitation causant une dégradation environnementale incommensurable, les écologistes et environnementalistes sont en alerte. C'est dans une certaine discrétion complice que la course aux gaz de schistes vient de commencer en France et le département du Lot est concerné. Situation cornélienne : son exploitation pourrait assurer une indépendance énergétique mais nous coûterait un cuisant désastre environnemental. Sachant que nos caprices économiques se conjuguent à une incurable myopie écologique, l'issue ne fait hélas aucun doute.
Gaz de schistes : kézako ?
C'est un gaz naturel dont le berceau se situe dans des roches mères organiques, comme les schistes noirs à grain fin. Les prémices de la formation d'un gaz naturel sont la photosynthèse, processus selon lequel les végétaux utilisent l'énergie solaire pour transformer le dioxyde de carbone et l'eau en oxygène et en hydrates de carbone. Au fil de la genèse et de la surcharge sédimentaire, ces hydrates de carbones générés par l'enfouissement des végétaux et de leurs résidus ingérés par les formes animales, se transforment en hydrocarbures sous l'effet de la chaleur induite par la pression. Cette quasi-percolation incite une majeure partie du gaz naturel à migrer des roches mères vers des roches plus poreuses tels le grès et le calcaire. On nomme « gaz de schistes » ceux demeurant dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, tels les schistes, et qui renferment au moins 5 à 10 % de matière organique.
Une autre théorie presque oiseuse et dite « inorganique », avance l'hypothèse que les hydrocarbures ne sont pas issus de matières vivantes enfouies, mais auraient été emprisonnés dans la Terre lors de sa formation.
À part quelques rares pays n'ayant pas de bassins sédimentaires, on peut trouver des « shale gas » à peu près partout. Les réserves mondiales représenteraient quatre fois les ressources de gaz conventionnel. De quoi, si on arrivait à les exploiter, changer la donne de la géopolitique liée aux énergies fossiles. C'est aussi et alors l'occasion pour l'Occident de reprendre la main face à la Russie et aux pays du Sud producteurs de gaz et de pétrole. Un enjeu faramineux et face auquel le souci environnemental fera pâle figure.
La révélation de tels gisements exploitables représente, pour la société énergivore d'un nouvel âge que l'on qualifie « d'oléocène », une manne considérable : du gaz dans le sous-sol d'un bout à l'autre de la planète, des milliers de milliards de mètres cubes en Europe, sept fois plus en Amérique du Nord et encore davantage en Asie et censément en quantité astronomique en Australie… Des décennies de gaspillage énergétique sont enfin possibles sans recours aux énergies alternatives et renouvelables, de quoi nous combler, nous enchanter !
Une solution écologiquement finale
Ces types de gaz sont dits non conventionnels parce qu'ils ne peuvent pas être exploités avec les modes de production classiques. Ils sont aujourd'hui produits en grande quantité aux États-Unis où ils représentent déjà plus de 10 % de la production gazière contre seulement 1 % en 2000. En Amérique du Nord, où tout ce qui est exploitable est exploité sur un mode minier et sans vergogne, l'engouement pour cette nouvelle providence a été favorisé par une réglementation environnementale moins contraignante, un droit de propriété privé étendu au sous-sol, le faible coût des forages associé aux avancées technologiques, le tout boosté par des incitations fiscales.
Une telle exploitation ravageuse n'est rendue possible que grâce à la technique de fracturation hydraulique des roches, ainsi qu'à une récente amélioration des méthodes d'extraction, en particulier par forage horizontal. Les gaz de schistes étant dispersés dans la roche imperméable, il est donc nécessaire de forer d'innombrables puits en fracturant la roche. Chaque puits exploitable ne l'est que brièvement, un suivant doit donc être foré quelques centaines de mètres plus loin, et ainsi de suite… À deux ou trois mille mètres de profondeur, la réunion des micro-poches à l'aide d'un explosif détonné pour chacune des brèches occasionne un véritable séisme. La fracturation se fait par un mélange d'eau en grande quantité, de sable et de redoutables produits chimiques propulsés à très haute pression (600 bars), méthode qui génère la remontée du gaz à la surface avec une partie du redoutable liquide de fracturation. Chaque « frack » nécessite quasiment 15 000 mètres cube d'eau (soit 7 à 15 millions de litres), un puits pouvant être fracturé jusqu'à 14 fois.
Le 4 septembre, quatre chercheurs états-uniens ont publié la liste des produits chimiques qui, ajoutés à l’eau, servent à briser le roc (2). Ils ont identifié 944 produits utilisés par l’industrie. On ne connaît pas la composition de la moitié d’entre eux… Dans les 353 molécules clairement identifiées, une bonne partie (entre 37% et 52% des molécules) affecte les systèmes nerveux, immunitaire, rénal ou cardiovasculaire. Un quart sont cancérigènes. La plupart peuvent contaminer les eaux (3).
De tous les produits utilisés dans la fracturation hydraulique des roches, le sel est désigné comme l’ennemi numéro un. Les acides se dissiperaient dans le sous-sol au contact d’autres minéraux. Lors de cette réaction, des sels se formeraient et s’ajouteraient aux sels présents à l’état naturel. Les concentrations seraient particulièrement élevées dans les eaux récupérées, soit près de 10.000 parties par million, un niveau équivalent à l’eau saumâtre des estuaires. Cela peut nuire aux réserves d’eau douce environnantes comme au traitement de ces eaux usées.
Si, malgré tout, les exploitations de gaz de shale dévastent un peu moins l’environnement que l’extraction des sables bitumineux, leur propagation risque d’aggraver le dérèglement climatique. Comparée au charbon ou au pétrole, la combustion de gaz naturel génère moins d’émissions de CO2. Mais selon une évaluation préliminaire faite par des chercheurs de l’Université de Cornell (New York) (4), les multiples forages nécessaires à l’extraction du gaz de schiste produisent des émissions plus importantes que l’exploitation pétrolière conventionnelle.
L’étude cumule l’ensemble des émissions liées à la filière, de l’exploration à la combustion du méthane, en passant par le forage et les inévitables fuites. Résultat : 33 grammes équivalents CO2 pour le gaz de shale, contre 20,3 grammes pour le diesel ou l’essence, pour la même quantité d’énergie produite. « Il semble probable que son utilisation soit beaucoup moins attrayante que celle du pétrole et elle n’est pas significativement meilleure que l’utilisation du charbon en ce qui a trait au réchauffement du climat », conclut l’étude.
L'impact environnemental n'est donc pas neutre. L'eau utilisée doit être ensuite traitée car elle est souvent salée et contient des métaux lourds. La multiplication des forages et des réseaux de pipes affectent gravement les paysages, d'autant plus que la zone de drainage autour des puits étant faible, il peut y avoir un puits tous les 500 mètres.
Selon un rapport réalisé l'an dernier par l'EPA (Agence de protection de l'environnement américaine), l'activité du gisement de Barnett Shale, dans le nord du Texas, pollue plus que le tout le trafic automobile de cette ville de 725 000 habitants. Sous la ville de Fort Worth, des milliards de mètre cubes de gaz sont extraits chaque mois des couches profondes de roches de schistes, et des torrents de gaz sont drainés par des milliers de camions. Et si les habitants retrouvent même la présence du gaz à la sortie de leurs robinets, c'est que l'eau achemine des traces de produits chimiques injectés dans les puits. Du seul point de vue paysagé, par exemple dans le Colorado, à Garfield County, le désert est désormais hérissé tous les 200 mètres de puits de gaz de schiste.
La polémique enfle en Amérique du Nord, l’Europe reste sourde
Le gaz de shale crée de vives polémiques et défraie la chronique outre-Atlantique. Plus le débat sur cette nouvelle énergie avance, plus la population s’y déclare opposée. C’est le cas d’un Québécois sur deux selon un sondage (1) réalisé mi-octobre.
A la suite d’un accident grave, survenu en Pennsylvanie « très similaire à l’accident du golfe du Mexique », la trop forte pression dans un puits de forage y a provoqué une explosion, entraînant des déversements toxiques pendant plus de 15 heures. Sous la pression de mobilisations citoyennes, l’État de New York vient de voter, le 30 novembre dernier, un moratoire sur l’extraction du gaz.
Sur le continent européen, les bassins les plus intéressants sont situés en Europe du Nord et de l'Est et plus au sud, notamment en France dans le bassin du Sud-est. Le consortium Gash, auquel participe IFP Energies nouvelles, s'applique à établir une cartographie de ce type de ressources. Total vient d'obtenir un permis d'exploration dans la région de Montélimar. Des permis ont aussi été pris en Suède par Shell, en Allemagne par Exxon Mobil, en Pologne par presque tous les majors, ainsi qu'en Lituanie. Il faut noter que l'impact sur l'environnement ne sera pas du même ordre dans la petite et vieille Europe qu'aux États-Unis qui possèdent d'immenses espaces inoccupés. Le sujet prête donc ici davantage à débat sachant qu'il sera illusoire d'imposer des techniques d'exploitations rationnelles et respectueuses de l'environnement.
Savoir s'asseoir sur le Grenelle de l'environnement
L'atout d'un ministère de l'écologie, c'est de manier les paradoxes en usant du consensus économique, c'est d'exploiter le patrimoine tout en faisant accroire à sa sauvegarde pérenne, tel l'Office National des forêts qui partout protège les arbres en les coupant. Il va sans dire que dans un système qui s'auto-dévore il n'est guère possible de produire et de construire sans détruire. Que pouvait donc faire d'autre Jean-Louis Borloo, homme politique et non écologue militant d'une Terre-patrie, que d'accorder des permis de recherche ? Ils ont été confiés au pétrolier français Total associé au géant Texan Schuepbach (allié « par précaution » à GDF-Suez) pour un total de 9700 kilomètres carrés dans les régions de Montélimar, Nant et Villeneuve de Berg, soit une gigantesque et double cicatrice depuis Montpellier et Montélimar jusqu'aux confins du Parc naturel des Cévennes. Un permis de recherche est un euphémisme implicite qui signifie permis d'exploiter. Et le Larzac (et José Bové…) de ressortir la hache de guerre… Dans quelques mois, Total, GDF-Suez et Schuepbach Energy vont y creuser pour évaluer la rentabilité d'exploitation des milliards de mètres cubes de gaz qui doivent s'y cacher.
La technique de la fracturation hydraulique va à l'encontre de certains engagements arrêtés par le Ministère de l'Écologie qui a pourtant signé l'attribution des permis. Le Grenelle doit, par exemple, protéger les sources d'eau potables et les écosystèmes sensibles. Le Grenelle doit aussi réduire la gestion des émissions de gaz à effet de serre. La région choisie étant frappée d'une sécheresse endémique, tout particulièrement en Ardèche et en Drôme, les quantités d'eau à mobiliser sont incompatibles avec le principe de préservation des ressources aquifères énoncé à l'article 27 du même Grenelle.
Suivant notre devise d'exploiter la Terre jusqu'à la moelle, nous allons droit à un emballement herculéen de la si vaste et si complexe machine climatique, et la France ne va pas s'épargner d'y participer. A la clé : une indépendance énergétique qui vaut bien une catastrophe environnementale finale et réussie.
(1) Ce sondage, réalisé entre le 9 et le 16 octobre 2010, indique qu'un Québécois sur deux se dit désormais «défavorable» au développement des gaz de schiste. Il est à noté que le même sondage, réalisé 6 semaines auparavant, ne révélait que 35% de citoyens défavorables. Alors que s’est il passé pour que l’opinion publique bascule ainsi ? Le scandale écologique a éclaté et les médias québécois s’en sont fais l’écho. Malgré une forte campagne de communication-propagande de l’industrie gazière, 78 % des personnes qui se disent informées réclament un moratoire complet sur la filière. Ce groupe de 78 % représente 57 % de la population totale du Québec.
(2) Etude des chercheurs Colborn, Kwiatkowski, Schultz et Bachran, International Journal of Human and Ecological Risk Assessment
(3) Seulement 353 ont un code officiel du Chemical Abstract Service, une initiative de la Société américaine de chimie. Dans le détail, sur ces 353 molécules connues, 52% affectent le système nerveux, 40%, le système immunitaire, 40%, le système rénal, et 46%, le système cardiovasculaire. Le quart sont cancérigènes et mutagènes ; 37% peuvent affecter le système endocrinien qui régularise la chimie corporelle ; et 40% ont des impacts reconnus sur l’environnement. Plus du tiers, soit 37%, sont volatiles et la plupart peuvent évidemment contaminer les eaux (source : Le Devoir au Québec).
(4) Étude de l’Université Cornell, sous la direction du professeur Robert Howart, dans le cadre de l’évaluation globale de la filière des gaz de shale de l’Agence de protection de l’environnement aux États-Unis.
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En complément une vidéo sympa sur le sujet
CLIP ALERTE groupe citoyens lotois gaz de schiste
envoyé par babkicoule. - L'actualité du moment en vidéo.