Le terroriste en question se nomme Zahi al-Jibali, saoudien d'une trentaine d'années. Par ses origines et par son éducation il peut nous faire penser aux membres du commando du 11 septembre contre le World trade center de New-York.
En ouverture du roman, le personnage principale Zahi s'interroge :
"Qui suis-je ? Et comment moi, suis-je devenu moi ? Quels sont mes désirs ? Où suis-je ? Quel est mon destin ?"
Dès le chapitre un, Zahi, narrateur, nous parle de son village et de sa ville, des gens de là-bas, de la province d'Assir, des histoires sans fin, des montagnes et du soleil, de l'esprit tribal, de la musique et de la danse, des âmes fières et nobles, de l'honneur et de la famille. Des gens toujours prêts à s'entraider, des vieilles légendes.
Puis il nous parle de lui, de sa naissance, un lundi, et de sa mère alors que le seul bien de son père, quelques moutons, s'étaient enfuis. Ensuite ses premières années dans une toute petite maison aux murs de terre, puis la ville avec une habitation plus grande et l'arrivée d'un téléviseur noir et blanc, à la fin des années 70.
Il y a aussi son frère aîné, pratiquant une religion rigoriste et travaillant dans une école coranique. Avec maintes interdictions et disputes. Une vie qui s'écoule au rythme d'un terrible incendie, d'une circonsition et une certaine solitude.
Viennent ensuite les premiers jours à l'école en 1979, une vie rythmée par les prières, et partagée par les cours, les devoirs et les moutons à garder au lieu de jouer avec les autres enfants.
C'est à l'école secondaire que la vie de Zahi va bifurquer au moment où il subit l'influence d'un groupe religieux extrémiste. Il va progressivement se détacher de ses parents, les considérant comme impis, car ils ne refusent pas les petits plaisirs de l'existence.
Zahi va découvrir le football et surtout la lecture, des Mille et une nuits à Agatha Christie, lisant tout ce qui lui tombe sous la main. Mais en 1988, c'est le lycée très strict d'Abha, la fréquentation d'un groupe, une retraite de cinq jours dans un camp avec un professeur surnommé "l'émir". Le rapport du narrateur avec Dieu et la prière devient étroit.
En 1990, Zahi est devenu un homme très pieux, zélé, un vrai dévot, alors que Saddam envahit le Koweït. Il va participer aux activités du Centre de l'institut de sciences religieuses, là où l'on s'empare des cerveaux et des esprits.
Zahi va apprendre la notion d'impiété, valable pour tous les Etats, étudier les déclarations de Ben Laden et Zawahiri et surtout apprendre la haine envers l'Occident et ses gouvernements. Et peu à peu, brillant et motivé le "maître va le charger de la formation des nouveaux arrivants.
Sa vie devient entièrement religion, dévotion, tout le reste devenant hostile.
Un engrenage terrifiant.
En peu de temps il devient prédicateur dans les villages et banlieues.
A la faveur d'incidents et d'heureuses rencontres, Zahi va pouvoir remettre en cause son cheminement vers la guerre sainte pour convertir le monde entier. Bien entendu, cette évolution et sa rupture ne sera pas sans douleur malgré son courage, les menaces de mort et les calomnies seront au rendez-vous.
Disons-le, ce roman est magnifique, d'humanisme, d'intelligence, de finesse, une formidable histoire de rédemption par la lecture, l'écriture et l'amour.
L'obscurantisme n'est jamais vainqueur à tous les coups malgré ses avancées un peu partout, rien n'est jamais écrit dans une vie...
Abdullah Thabit est né en 1973 en Arabie Saoudite. Il a étudié la langue arabe et la littérature et obtenu une maîtrise en sciences politiques au Yémen. Editorialiste au journal Al-Watan, il a déjà publié trois recueils de poésie de 2004 à 2008, et "Le terroriste n°20" est son premier roman.
Sans doute pas son dernier, espérons-le. Nous attendons le prochain avec impatience.
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Abdullah Thabit, Le Terroriste n°20,
traduit de l’arabe (Arabie Saoudite) par Françoise Neyrode,
coll. "Les littératures contemporaines",
Sindbad / 2010 / 192 p. / 19,00 €