LIGNES34BATweb-691feNotre pays a connu durant l'été dernier un bien triste phénomène, une sorte de retour vers son passé le moins glorieux, un passé aux relents nauséabonds, un passé de territoire occupé et de chasse à l'homme, un passé de suspicion et de raffles. Alors qu'une grande partie des Français étaient en vacances, un sordide fait divers fut le prétexte à une vague de stigmatisation venue du plus haut de l'Etat. 

L'on connaissait déjà la politique du bouc émissaire, ou la politique des classes dangereuses, on connaissait aussi la politique de relégation des "quartiers dits sensibles, ou difficiles", et parfois certains montraient du doigt diverses catégories sociales, un jour les chômeurs, un autre jour les musulmans, un autre jour encore les jeunes. Vu que le système capitaliste n'était responsable de rien, il fallait bien trouver des cibles.

Les Roms pouvaient faire l'affaire. Comme en ce moment les Tunisiens.

Et demain ?

Alors, avec une rare violence, l'Etat de Sarkozy s'attaqua aux populations nomades. Il faut dire que depuis déjà un moment, le nomadisme était devenue une sorte de tare, dans une population française de plus en marquée par le sédentarisme.

Qu'avaient donc ces "gens-là" à se déplacer toujours ?

Pourquoi d'ailleurs étaient-ils attachés à leur culture, une culture différente de la culture dominante ?

Pourquoi aussi avaient-ils tant de mal à ne pas rester dans les endroits où certains voulaient les parquer...pardon...réinsérer !

Face à une répression aussi impitoyable que spectaculaire, car bien entendu il est mieux quand on veut stigmatiser une partie d'une population, de le faire devant des caméras, la solidarité des Français, enfin de retour de vacances, ne s'exerça que faiblement lors d'une journée de manifestations dans quelques villes de l'hexagone, début septembre.

Mais le mal était fait.

Les destructions en réunion d'habitations par les forces de l'ordre, la destruction aussi de biens personnels, parfois la violence sur les personnes, et ensuite les expulsions permirent au gouvernement de donner des gages à sa droite dure et bien entendu à l'extrême droite qui déjà préparait les futures élections. En période de crise, le pouvoir a toujours besoin d'un bon ennemi intérieur, et parfois les fantasmes, de Tarnac aux méchants islamistes, sont insuffisants.

Malgré un léger tollé hors de nos frontières, de Bruxelles aux Etats-Unis, le mouvement des expulsions se poursuivit. Alors au-delà de l'indignation chère  à Stéphane Hessel, il n'est pas inutile de penser, et ce numéro de la revue LIGNES est donc particulièrement nécessaire.

La réflexion étant indispensable à l'action, cet ensemble de textes est une belle approche de penseurs intervenant par divers biais, la philosophie, la politique, la littérature, la sociologie ou la géographie. Cette pluralité des approches étant un gage d'ouverture et donc d'avancée.

Nous retrouvons des textes issus d'un rassemblement contre le racisme d'Etat dont nous avions parlé ici, et qui était organisé par Cécile Canut, professeur de de sociolinguistique, à la Parole errante à Montreuil-sous-bois, et intitulé : "Les Roms, et qui d'autre ?".

Enfin, au-delà des articles de Balibar ou Rancière, nous avons particulièrement retenu le texte qui vient achever, provisoirement, le volume, sans doute parce qu'il entre bien en résonnance avec l'activité de notre site :

 

Pour une architecture de résistance face à l'irraison d'Etat, de Sébastien Thiéry

 

La lecture de ce numéro 34 et de la suite lors du numéro suivant est essentielle  afin de mieux résister à cette vague nauséabonde de racisme qui progressivement s'étend sur l'Europe. La chasse aux sans-papiers, aux Roms, les quotas dans le football français, l'ethnicisation de la société ou les débats sur l'identité nationale, sont des symptômes, celle d'une France "moisie" qui avance, mais rien n'étant inéluctable, il ne tient qu'à nous tous d'y résister, ici et maintenant.

La lecture de cette revue y aide amplement.

 

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Pour découvrir le site de l'éditeur, c'est ICI

 

Et si vous souhaitez approfondir le sujet, lire aussi nos articles sur deux livres récents :

La vie d'une femme rom (tsigane), un livre de Stefka Stefanova Nikolova

  Avec une préface et un film de Cécile Canut

 

Roms de France, Roms en France, le peuple du voyage

 


 

L'exemple des Roms, les Roms, pour l'exemple

Éditions Lignes

Directeur : Michel Surya

Dossier conçu et réalisé par Cécile Canut
2011 / 192 p / 19 euros  
  

 

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Sommaire de Lignes n°34


L’EXEMPLE DES ROMS / LES ROMS, POUR L’EXEMPLE

Cécile Canut, Présentation

Cécile Canut & Alain Hobé, Roms et compagnie
Jean-Luc Nancy, Roms, Hommes, Gadjos
Ivaylo Ditchev, Les Roms comme symptôme, comme miroir, comme front de lutte
Jean-Loup Amselle, La « séquence » rom et l’ethnicisation de la société française
Alain Pierrot, Mythe nomade et logique migratoire
Élisabeth Clanet dit Lamanit, L’objet « origine » et le concept d’un « peuple » dit « rom »
Alice Cherki, L’injonction au silence
Nando Sigona et Nidhi Trehan, Néolibéralisme et antitsiganisme  : le suspens du rêve européen
Martin Olivera, La fabrique experte de la « question rom »
Jacques Rancière, Une passion d’en-haut
Sophie Wahnich, Contre le racisme d’État
Étienne Balibar, Racisme et politique communautaire  : les Roms
Pierre Sauvêtre, Minoriser l’Europe pour sortir du postcolonialisme intérieur
Olivier Legros, Réguler la société par l’espace  ?
Sébastien Thiéry, Pour une architecture de résistance face à l’irraison d’État

 

À paraître dans Lignes n°35 (mai 2011), suite et fin du dossier  :

Éric Fassin, Pourquoi les Roms  ?
Jean-Pierre Dacheux, Nous sommes tous des Roms européens
Emmanuel Filhol, L’investissement du thème tsigane dans la culture de l’Europe
Cécile Kovacshazy, Littératures tsiganes  : un événement politique
Claire Cossée, « Les-Roms-migrants-et-gens-du-voyage »
Guillaume Sibertin-Blanc, Les Indiens d’Europe

Dossier conçu et réalisé par Cécile Canut

Chronique de Julie Clarini, émission Les Idées claires sur France Culture (le 21 février 2011).

Sale temps pour les gitans, recension par Nicolas Truong dans Le Monde (26 février 2011).

 
 

Tag(s) : #lectures
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