C'est l'une des mesures emblématiques du projet de loi Loppsi (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) : la possibilité
pour les forces de l'ordre d'imposer le blocage de sites Internet à caractères pédo-pornographiques aux fournisseurs d'accès à Internet. Pour le gouvernement, le blocage de ces sites est nécessaire
dans le cas où ils sont hébergés à l'étranger, ce qui les met de facto à l'abri des poursuites judiciaires classiques.
Dans le projet de loi initial, le blocage devait être décidé par la seule autorité administrative. Retournement, mercredi, en commission des lois : un amendement du député UMP Lionel Tardy, adopté à l'unanimité contre l'avis du rapporteur, instaure la nécessité d'avoir recours à une décision judiciaire avant de pouvoir bloquer un site Internet. "Malheureusement, nous n'avions pas le choix", estime M. Tardy. "Il faut qu'un juge puisse mettre son nez dans ces décisions, même si cela doit ralentir la procédure : c'est le seul moyen d'éviter les dommages collatéraux, comme le blocage accidentel de sites légitimes."
Surtout, les députés de la commission des lois ont craint que cette disposition soit invalidée par le Conseil constitutionnel. "La jurisprudence nous incite fortement à le faire", explique Lionel Tardy, "sous peine de voir une partie de la loi retoquée". En juin dernier, le Conseil constitutionnel, saisi sur la loi Hadopi par l'opposition, avait en effet estimé que la coupure d'accès à Internet était une sanction trop importante pour pouvoir être prise en dehors d'une procédure judiciaire. Si le blocage d'un site ne recouvre pas tout à fait les mêmes implications que la coupure d'accès à Internet prévue par l'Hadopi, les députés ont préféré prendre les devants : le projet de loi sur le jeu en ligne, qui prévoit la possibilité de bloquer des sites de paris ou de jeux hors la loi, prévoit également l'intervention d'un juge avant blocage.
"LE GROS DU DÉBAT SE FERA DANS L'HÉMICYCLE"
L'amendement adopté par la commission des lois doit encore être validé par les députés en séance plénière. Le gouvernement pourrait donc tenter de revenir à la version précédente du texte, mais la manœuvre serait délicate, le poids d'un amendement validé à l'unanimité en commission des lois étant important.
Le débat sur le texte risque pourtant d'être animé : la Loppsi, qui fixe les grandes orientations de la police et de la gendarmerie pour cinq ans, couvre en effet un champ d'application très large. "Les débats en commission étaient calmes, mais le gros de la discussion se fera dans l'Hémicycle", juge Lionel Tardy. "Le vote est programmé les 9 et 10 février ; en pleine campagne pour les régionales, le vote d'un texte sur la sécurité, c'est l'occasion pour la gauche d'adopter une position dure, et de tenter de récupérer le vote des jeunes intéressés par les questions de liberté sur Internet".
Une vision tactique que réfute Jean-Jacques Urvoas, député et secrétaire national chargé des questions de sécurité au Parti socialiste. "Nous ne sommes pas du tout dans cette optique ; nous n'allons pas nous épuiser dans une bataille d'amendement", explique M. Urvoas. Le temps de chaque groupe étant compté, l'opposition ne disposera que de huit heures pour défendre ses textes. C'est pourquoi le PS prévoit de se concentrer sur certains points du texte, dont M. Urvoas estime qu'ils sont "une question de principe". Sont notamment concernées les dispositions sur le blocage des sites Web, la vidéosurveillance, le développement des fichiers policiers, et la possibilité donnée aux préfets d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.
Pour le responsable des questions de sécurité au PS, c'est de toute manière l'esprit même du projet de loi qui va dans la mauvaise direction. "Le contenu de la Loppsi montre deux choses : on est dans une fuite en avant et dans une confiance aveugle dans la technologie. Aussi sophistiquée soit-elle, la technologie ne remplace pas les besoins de moyens humains. Or, le gouvernement supprime encore cette année 2 700 postes dans les forces de l'ordre !", s'agace Jean-Jacques Urvoas.
Comme lors des votes sur la loi Hadopi, le vote de la Loppsi pourrait cependant réserver quelques surprises. Certains points du texte ne rencontrent pas un soutien sans faille dans les rangs de la majorité, et une partie des députés pourraient décider de voter avec leurs pieds en ne participant pas à la séance. Et une forte présence des députés de l'opposition pourrait permettre de modifier des articles-clés du projet de loi. D'autant plus que certaines dispositions importantes, et notamment la définition des responsabilités exactes des fournisseurs d'accès à Internet, ont été abordées très rapidement en commission. "Sur ces questions, tout se jouera dans l'Hémicycle", estime Lionel Tardy.
Damien Leloup
Source / le monde
Dans le projet de loi initial, le blocage devait être décidé par la seule autorité administrative. Retournement, mercredi, en commission des lois : un amendement du député UMP Lionel Tardy, adopté à l'unanimité contre l'avis du rapporteur, instaure la nécessité d'avoir recours à une décision judiciaire avant de pouvoir bloquer un site Internet. "Malheureusement, nous n'avions pas le choix", estime M. Tardy. "Il faut qu'un juge puisse mettre son nez dans ces décisions, même si cela doit ralentir la procédure : c'est le seul moyen d'éviter les dommages collatéraux, comme le blocage accidentel de sites légitimes."
Surtout, les députés de la commission des lois ont craint que cette disposition soit invalidée par le Conseil constitutionnel. "La jurisprudence nous incite fortement à le faire", explique Lionel Tardy, "sous peine de voir une partie de la loi retoquée". En juin dernier, le Conseil constitutionnel, saisi sur la loi Hadopi par l'opposition, avait en effet estimé que la coupure d'accès à Internet était une sanction trop importante pour pouvoir être prise en dehors d'une procédure judiciaire. Si le blocage d'un site ne recouvre pas tout à fait les mêmes implications que la coupure d'accès à Internet prévue par l'Hadopi, les députés ont préféré prendre les devants : le projet de loi sur le jeu en ligne, qui prévoit la possibilité de bloquer des sites de paris ou de jeux hors la loi, prévoit également l'intervention d'un juge avant blocage.
"LE GROS DU DÉBAT SE FERA DANS L'HÉMICYCLE"
L'amendement adopté par la commission des lois doit encore être validé par les députés en séance plénière. Le gouvernement pourrait donc tenter de revenir à la version précédente du texte, mais la manœuvre serait délicate, le poids d'un amendement validé à l'unanimité en commission des lois étant important.
Le débat sur le texte risque pourtant d'être animé : la Loppsi, qui fixe les grandes orientations de la police et de la gendarmerie pour cinq ans, couvre en effet un champ d'application très large. "Les débats en commission étaient calmes, mais le gros de la discussion se fera dans l'Hémicycle", juge Lionel Tardy. "Le vote est programmé les 9 et 10 février ; en pleine campagne pour les régionales, le vote d'un texte sur la sécurité, c'est l'occasion pour la gauche d'adopter une position dure, et de tenter de récupérer le vote des jeunes intéressés par les questions de liberté sur Internet".
Une vision tactique que réfute Jean-Jacques Urvoas, député et secrétaire national chargé des questions de sécurité au Parti socialiste. "Nous ne sommes pas du tout dans cette optique ; nous n'allons pas nous épuiser dans une bataille d'amendement", explique M. Urvoas. Le temps de chaque groupe étant compté, l'opposition ne disposera que de huit heures pour défendre ses textes. C'est pourquoi le PS prévoit de se concentrer sur certains points du texte, dont M. Urvoas estime qu'ils sont "une question de principe". Sont notamment concernées les dispositions sur le blocage des sites Web, la vidéosurveillance, le développement des fichiers policiers, et la possibilité donnée aux préfets d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.
Pour le responsable des questions de sécurité au PS, c'est de toute manière l'esprit même du projet de loi qui va dans la mauvaise direction. "Le contenu de la Loppsi montre deux choses : on est dans une fuite en avant et dans une confiance aveugle dans la technologie. Aussi sophistiquée soit-elle, la technologie ne remplace pas les besoins de moyens humains. Or, le gouvernement supprime encore cette année 2 700 postes dans les forces de l'ordre !", s'agace Jean-Jacques Urvoas.
Comme lors des votes sur la loi Hadopi, le vote de la Loppsi pourrait cependant réserver quelques surprises. Certains points du texte ne rencontrent pas un soutien sans faille dans les rangs de la majorité, et une partie des députés pourraient décider de voter avec leurs pieds en ne participant pas à la séance. Et une forte présence des députés de l'opposition pourrait permettre de modifier des articles-clés du projet de loi. D'autant plus que certaines dispositions importantes, et notamment la définition des responsabilités exactes des fournisseurs d'accès à Internet, ont été abordées très rapidement en commission. "Sur ces questions, tout se jouera dans l'Hémicycle", estime Lionel Tardy.
Damien Leloup
Source / le monde