Dans la forêt de la Pastora, au Nord du Mexique, les pelles mécaniques ont commencé à renverser des arbres. Le début du massacre écologique du dernier poumon vert de Monterrey, dénonce un collectif citoyen local. Car à la place va s'ériger un nouveau stade de foot où la mousse Heineken coulera à flot : le constructeur est l'entreprise de boisson la Femsa, détenue en partie par le fabricant de bière.
Un parc naturel dont le président est le DG de la Femsa
En 2008, le distributeur de boissons sud-américain la Femsa annonce la construction d'un gigantesque stade. 55 000 sièges et 5 000 places de parking pour l'équipe de foot locale, les Rayados. Une équipe adoubée plusieurs fois du titre de champions du Mexique et propriété de la Femsa.
Le groupe mexicain investit lourdement – 2 milliards de pesos, soit environ 1,1 milliard d'euros. Et négocie avec la ville la construction sur un terrain public : le stade reviendra à l'Etat… après soixante ans d'exploitation par la Femsa.
Très vite, un collectif citoyen se monte : « Oui au stade, mais ailleurs. » Car le terrain en question occupe 26 hectares du parc la Pastora, la dernière forêt jouxtant la zone de béton de Monterrey.
Depuis, le parc a d'ailleurs été déclaré réserve naturelle. Qu'une partie seulement : étrangement, la zone de construction du stade n'est pas comprise dans le plan. Curieusement aussi, le directeur général de la Femsa (et vice-président d'Heineken), José Antonio Fernández, est également le président du parc naturel.
« Perte de la biodiversité »
Pour le collectif, le futur édifice est une aberration : il menace la faune et la flore du parc, notamment certaines espèces endémiques. Et pour élever les gradins, 12 hectares d'arbres devront disparaître.
Dans un rapport publié en avril 2011, l'ONG hollandaise Somo dénonce ces risques :
« Les conséquences de la construction seraient une perte de la biodiversité, la détérioration du sol et de la qualité de l'eau dans le parc avec des niveaux de contamination élevés. »
Le 16 septembre, les travaux ont pourtant débuté. Quelques semaines avant l'arrivée des pelles mécaniques, des centaines de militants du collectif avaient tenté une nouvelle fois de « sauver » la forêt. Sur les pancartes des manifestants amassés contre les murs du siège de la Femsa, des questions :
- « Qué tal un estadio a Central park ? » : « Pourquoi pas un stade dans Central Park ? »
- « Femsa, quieres que tu nombre sea igual a destruccion ? » : « Femsa, tu veux que ton nom soit synonyme de destruction ? »
Heineken oublie de préciser ses intérêts commerciaux
Dans son enquête, la Somo épingle Heineken. Celle-ci a racheté en 2010 la filiale bière de la Femsa : en contrepartie, la société mexicaine est devenue le deuxième actionnaire du brasseur. Dans une interview au journal El Norte, le directeur général de Heineken au Mexique avait apporté son soutien au projet du stade.
La multinationale (qui affiche dans ses grands principes ses préoccupations environnementales) prend aujourd'hui ses distances. John-Paul Schuirin, porte-parole d'Heineken international, répond à Rue89 :
« Notre société n'est pas impliquée dans la construction du stade des Rayados. […] Nous n'avons pas d'intérêts, ni d'influence dans le projet. »
Il est vrai que Heineken n'est pas propriétaire du projet, rétorque la Somo. Mais l'ONG estime qu'elle pourrait stopper cette construction au regard des liens étroits qu'entretiennent les deux sociétés. Quant aux « intérêts », la multinationale oublie de préciser deux choses :
- à l'intérieur du stade, les supporteurs ne pourront boire que de la mousse Heineken ;
- la marque de bière est aussi le sponsor des Rayados : les joueurs ont depuis troqué leur maillot bleu contre un vert bouteille.
Le collectif continue de croire à l'annulation du projet. Mais dans la forêt de la Pastora, les arbres continuent aussi de tomber.