Légalistes, les « intrépides » de l'asso Paysages de France « n'ont jamais été embêtés » dans leur lutte contre la pollution visuelle.
Tony Smith, restaurateur britannique installé à Montauban (Tarn-et-Garonne) depuis trente ans, n'avait rien d'un activiste. Seulement, il était fatigué de voir sa ville devenir moche à cause des panneaux publicitaires. Alors il s'est mis à les bâcher, en toute légalité.
En 2006, il a rejoint l'association Paysages de France qui agit dans des domaines très variés pour faire respecter la beauté des paysages, et se met en tête de lutter contre la « pollution visuelle » des pubs géantes.
« A Montauban, on est des intrépides, on a inventé la technique de bâchage des panneaux. Barbouiller, c'est bien, mais bâcher suggère le changement. »
Venu du réseau Résistance à l'agression publicitaire (RAP), il a réussi à fédérer une trentaine d'activistes du samedi, qui, armés de bâches à 3 euros et de pots de peinture, redécorent la ville. Depuis fin 2005, plus de 300 personnes ont participé aux bâchages, dit-il. Après leur passage, les rues de Montauban ressemblent à ça.
« Même les policiers et les RG nous soutiennent »
A chaque action, ce sont une dizaine de panneaux de la ville qui passent du « Achetez plus ou moins cher » à « Réfléchissez avant d'acheter ».
Chacun imagine le sien. Tony Smith est l'auteur de « Naître, consommer, mourir ». Agriculteurs, aides-soignantes, cadres… on trouve de tout chez ces gentils activistes.
Tony assure que « 90% des gens sont avec [eux], même les policiers et les RG [les] soutiennent ». Tant qu'ils ne dégradent pas, ils ne risquent rien, la loi ne prévoyant pas d'infraction pour ceux qui recouvrent temporairement les panneaux. Le plus souvent, ils enlèvent ladite bâche le soir-même.
Après six mois intensifs, ces gens, qui n'ont « pas que ça à faire », sont passés au rythme d'une action par an.
« En trente journées organisées à Montauban, on n'a jamais été embêtés, alors on continue. »
Ils comptent sur leurs vidéos diffusées sur le Net pour faire des émules. (Voir la vidéo)
Un tiers de panneaux publicitaires illégaux ?
L'autre méthode de Paysages de France, moins spectaculaire mais plus efficace, consiste à faire « tomber » les panneaux illégaux – qui représenterait « un tiers du total » selon Tony Smith.
Un chiffre jugé « invraisemblable » par Stéphane Dottelonde, président de l'Union de la publicité extérieure (UPE) – qui représente 90% de la profession :
« Tout panneau fait l'objet d'une déclaration préalable en mairie et en préfecture. En fait, ce qui gêne ces gens qui ont décidé de faire justice eux-mêmes ce sont les pré-enseignes, dérogatoires, ou celles situées sur des terrains privés, mais là-dessus nous ne pouvons rien faire. »
Le code de l'environnement interdit les enseignes scellées au sol si :
- elles font moins d'1 m de large mais dépassent 8,50 m de haut,
- elles font plus d'1 m de large et dépassent 6,50 m de haut,
- leur surface dépasse 6 m2 et qu'elles sont hors agglomération.
« Il y a encore plein de raisons de faire tomber des panneaux », ajoute Tony :
- si un panneau est installé sur un mur non- aveugle,
- dans un parc naturel régional,
- à moins de 100 m d'un monument historique.
Agréée pour agir en justice, l'association a décidé de faire respecter de la loi :
« On écrit au maire ou au préfet pour qu'ils obligent les afficheurs à les enlever. Et s'ils ne répondent pas, on attaque.
On a fait condamner l'Etat cinquante fois, dont dix-huit ces deux dernières années. »
Paysages de France voudrait voir disparaître ces panneaux-là et la limitation de tous à 2 m2 maximum, mais le Grenelle de l'environnement ne vise que la limitation à 12 m2 et l'interdiction des pré-enseignes sans déclaration préalable.
« Les Déboulonneurs entretiennent un combat de sensibilisation »
Cette méthode est bien éloignée du collectif des Déboulonneurs, aux objectifs pourtant proches. Eux barbouillent ou démontent, les panneaux légaux comme les autres. Depuis 2005, ils affichent le score de 45 gardes à vue, quasiment une par action. Un porte-parole du collectif explique :
« Après vingt ans d'action légale de Paysages de France, on a senti le besoin de passer à la désobéissance civile. »
Yvan Gradis, vieux militant antipub, est membre des deux collectifs :
« Ces actions sont complémentaires. Paysages de France pratique l'action directe légale. Telle une moissonneuse batteuse qui avance et fait tomber les enseignes.
Tandis que les Déboulonneurs n'ont pas fait tomber un seul panneau mais entretiennent un combat à long terme de sensibilisation de l'opinion publique. »
Photos : les panneaux bâchés de Montauban (DR).