Dans un rapport publié le 8 mars, le Rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation exprime très nettement le potentiel considérable de l’agriculture biologique dans la lutte contre la faim dans le monde.
Olivier De Schutter confirme que les techniques de l’agriculture biologique permettent d’obtenir des rendements beaucoup plus importants que l’agriculture conventionnelle (chimique) dans tous les milieux non-tempérés – c’est-à-dire sur l’essentiel de la planète à l’exception de l’Europe et de l’Amérique du Nord. De plus, il insiste sur leur capacité à résister aux incidents climatiques (résilience), à créer de nombreux emplois, à maintenir un tissu rural dynamique et à permettre une alimentation plus équilibrée et plus nourrissante.
Il appuie ses conclusions à la fois sur :
plusieurs études de grande ampleur (comme celle de l’Université d’Essex dans 57 pays et concernant 37 millions d’hectares),
des exemples très concrets pris à travers l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du sud, et concernant diverses techniques comme l’utilisation de cultures associées (notamment
l’agroforesterie), la fertilisation organique, l’utilisation de variétés locales adaptées au milieu, la préservation des sols, la lutte biologique, la valorisation des savoirs paysans…
Une fois de plus, les faits objectifs contredisent de façon cinglante l’affirmation de comptoir qui voudrait que la bio obtienne prétendument de plus faibles rendements : seules les agricultures conventionnelles européennes et nordaméricaines sont plus productives que la bio, pour des raisons qui ne peuvent être ni extrapolées ni généralisées au reste de la planète.
En revanche, Agir Pour l’Environnement regrette que le Rapporteur spécial choisisse d’utiliser un terme ambigu, celui d’agroécologie, au lieu d’appeler un chat un chat et de parler d’agriculture biologique. Ce choix sémantique contestable s’explique probablement par la volonté de ménager les susceptibilités de certains hauts-responsables de la FAO (organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture), comme son directeur connu pour ses prises de positions récurrentes contre la bio. La présence dans le rapport d’Olivier De Schutter de quelques exemples très minoritaires d’expériences acceptant un recours limité aux engrais chimiques n’augmente pas sa portée, et apparaît même incongrue et source de confusion : les exemples 100 % bio sont pourtant très majoritaires dans le rapport et suffisent à démontrer l’efficacité très supérieure de la bio par rapport à l’agrochimie.
Le refus de parler explicitement d’agriculture biologique réduit la compréhension des enjeux et la portée des recommandations formulées. Pourquoi demander aux Nations-Unies de mettre en place des recherches agronomiques sous une nouvelle dénomination au lieu d’amplifier et soutenir celles qui sont menées en agriculture biologique ? Pourquoi dépenser énergie et moyens pour créer des synergies entre des groupes épars alors que de telles synergies sont déjà en cours au sein des fédérations d’agriculture biologique (comme la fédération internationale bio IFOAM) ? Il serait bien plus efficace de conforter et d’amplifier les travaux et dynamiques engagées à travers le monde par les paysans biologiques, que de réinventer l’eau tiède sous prétexte de ménager l’obscurantisme de quelques responsables institutionnels dépassés.
Quoi qu’il en soit, le rapport d’Olivier De Schutter pourrait marquer un tournant dans la compréhension de l’agronomie tropicale par les institutions internationales : les techniques biologiques y sont clairement reconnues comme bien plus efficaces que le recours à la chimie. Qui plus est, elles sont plus résilientes, créent davantage d’emplois et permettent une alimentation plus variée et plus riche. Les décideurs agricoles sauront-ils lire ?
Le rapport : http://www.srfood.org/images/storie...