Ce matin
à l'aube, à Pantin, 6 personnes sont mortes brûlées ou
asphyxiées dans l'incendie du petit immeuble où, avec une vingtaine
d'autres, elles s'étaient réfugiées depuis quelques semaines.
Ces 6 personnes seraient selon le préfet Lambert « des Tunisiens et
des Égyptiens probablement en situation irrégulière. », victimes selon
Claude Guéant, qui s'est également rendu sur place, « des filières
criminelles, qui rançonnent les candidats à l'immigration et qui après
leur avoir fait miroiter l'espoir d'une vie meilleure, les laissent
tomber et les laissent face à une vie d'errance et de malheur » *
Depuis le 1er septembre, la mairie de Paris n'héberge plus les migrants
récemment arrivés de Tunisie, Égypte ou Libye. Tous ceux qui grâce à la
lutte, et notamment grâce aux occupations d'immeubles et bâtiments
publics qui se sont succédées en mai et juin**, avaient réussi à obtenir
pour quelques semaines des places d'hébergements dans des foyers ou
hôtels sont retournés dormir là où ils le peuvent : à droite, à gauche
dans des squares et des parcs, harcelés par la police municipale ou
nationale, à droite à gauche dans des maisons ou bâtiments inoccupés qui
foisonnent à Paris et en proche banlieue.
Comme le rappelait ce matin à Pantin un jeune Tunisien qui a réussi à
échapper à l'incendie : « On n'est pas venu ici pour dormir dehors » .
Quoi de plus logique et normal quand on n'a pas d'endroit où dormir que
d'en réquisitionner un qui ne sert à personne ?
Le maire de Pantin, Bertrand Kern reconnaît cette légitimité aux habitants de l'immeuble, puisque selon ses propos :
« C’est tragique ! C’est un drame de la misère humaine. Il s’agit de
migrants récemment arrivés. Certains étaient chassés d’un square
parisien, près de La Villette. Ils se sont introduits dans ce petit
immeuble pour y dormir »
En même temps, il annonce qu'il comptait faire évacuer l’immeuble d’ici
peu : « On allait saisir la préfecture pour demander son évacuation,
mais le drame est arrivé plus vite ».
Comme si le drame n'était pas déjà là avant l'incendie. Comme si le
drame ce n'était pas déjà de n'avoir rien d'autre à proposer pour ceux
qui se disent de gauche que « évacuer, arrêter, enfermer, expulser,
évacuer, arrêter, enfermer, expulser ….».
Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, a
évoqué lui un "nouveau drame lié au manque de places en hébergement
d'urgence, qui a mené ces personnes à se mettre à l'abri dans des locaux
pas du tout faits pour ça.... un drame de la misère, de l'immigration,
de l'absence de solidarité de l'Europe avec un pays qui s'est battu pour
plus de démocratie".
Derrière les paroles de ce dernier que l'on pourrait juger sympathiques
si on met de côté des années de politiques répressives en matière
d'immigration et de coups tordus* de la part du parti de Mr Bartolone,
on peut se demander ce que cela signifie cette expression « le drame de
l'immigration » ?
Oui des drames il y en a :
-des milliers de morts noyés en Méditerranée,
-des milliers de gens emprisonnés, harcelés, battus, violés dans des
centres de rétention, sur des bateaux, des prisons,ou dans des camps
érigés avec l'argent et la bénédiction de l'union européenne,
-des gens qui dorment dehors, harcelés par les flics et autres
charognards et qui pour manger n'ont d'autre solution que mendier, voler
ou se soumettre aux diktats des professionnels de la charité.
Six hommes sont morts, d'autres ont été blessés, d'autres vont retourner
vivre dehors. Ce n'est pas un drame de l'immigration mais un drame
directement causé par les politiques de contrôle des flux migratoires.
Ce n'est pas non plus un drame de la misère comme le dit aussi Mr
Bartolone, c'est juste l'un des visages de la misère.
Ces dernières semaines, à Montreuil et à Vincennes, plusieurs squats où
vivaient dans des conditions ni insalubres ni dangereuses des migrants
qui en ont eu assez de dormir dehors, ont été expulsés. Il en reste
quelques uns. Toujours plus prompts à construire des prisons et des
centres de rétention que des logements, il est à craindre que les
responsables politiques se saisissent opportunément de l'évènement pour
faire « évacuer » ces squats au plus vite. Comme d'habitude, ils diront
que c'est dans l'intérêt des habitants.
Ce qui serait aussi dramatique c'est que face à cela nous soyons
incapables de réagir, par épuisement, par résignation, par peur de la
répression, de la misère... ou bernés par la chimère d'un changement qui
ne pourrait intervenir que grâce aux prochaines élections.
*Rappelons à Guéant que ces réseaux criminels de passeurs n'existaient
pas avant la mise en place des politiques visant à restreindre la
liberté de circulation des pauvres.
**Toutes les occupations de mai et juin (Bolivar, le gymnase de la rue
Couronnes, le foyer aftam de la rue Bichat, Botzaris) avaient, il faut
le rappeler, été évacuées et réprimées sur ordre ou avec l'aval de la
mairie de Paris ou d'associations de gauche telle l'aftam dont le
président d'honneur n'est autre que l'indigné jet set et sélectif
Stéphane Hessel
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