LA HAYE, Pays-Bas - «On boit du pétrole, on mange du pétrole, on respire du pétrole.» Des villageois du Nigeria ont demandé jeudi à la justice néerlandaise d'ordonner à la société pétrolière Shell de réparer les dégâts environnementaux causés par les fuites de pétrole de ses oléoducs.
Cette action intentée auprès de la cour civile de La Haye est une première judiciaire aux Pays-Bas. Jamais auparavant une entreprise néerlandaise n'avait été
poursuivie pour mauvaise gestion des risques environnementaux par une filiale à l'étranger. En cas de condamnation, la décision pourrait donc faire jurisprudence. Le jugement est attendu pour la
fin de l'année ou le début de 2013.
Depuis le début de l'affaire amorcée en 2008, Royal Dutch Shell estime que le procès devrait avoir lieu au Nigeria et que la cour néerlandaise n'a pas la compétence
pour juger cette affaire.
Les avocats des Nigérians estiment quant à eux que les grandes lignes de la politique de la multinationale sont définies à son siège, à La Haye, et que c'est donc
la justice néerlandaise qui doit trancher.
Quatre villageois et un groupe de défense de l'environnement, Les Amis de la Terre, affirment que des fuites d'oléoducs ont pollué les bassins piscicoles, les
terres arables et les forêts dans trois villages du delta du Niger, soit Oruma, Goi et Ikot Ada Udo.
«Si on boit de l'eau, on boit du (pétrole) brut, si on mange du poisson, on mange du brut, si on respire, on respire du brut», a résumé l'un des villageois, Eric
Dooh, devant le tribunal.
«Ce que j'attends aujourd'hui, c'est la justice. J'attends que les juges se penchent sur ce problème, aient de l'empathie et regardent notre environnement. Qu'ils
disent à Shell d'appliquer les règles internationales là où ils opèrent au Nigeria», a-t-il ajouté.
Les victimes affirment que les fuites ont été provoquées par la corrosion d'un oléoduc souterrain, alors que Shell parle de sabotage et assure que sa filiale a
nettoyé les dégâts causés à l'environnement.
Devant la cour, l'avocat de Shell, Jan de Bie Leuveling Tjeenk, a martelé que le sabotage et le vol de pétrole étaient courants dans le delta du Niger, parlant
d'environ 150 000 barils dérobés par jour. Les voleurs ouvrent illégalement les vannes des oléoducs, ce qui entraîne de graves pollutions, selon lui.
«Shell n'a pas fait ce qu'il fallait pour empêcher le pétrole de se répandre et polluer la terre des plaignants», a rétorqué Me Channa Samkalden, l'avocat des
villageois nigérians. «Shell n'a pas agi comme une entreprise pétrolière prudente.»
Shell, qui a ouvert ses premiers puits de pétrole au Nigeria dans les années 1950, reste le premier exploitant du pays par l'entremise de sa filiale
locale.
Montré du doigt par les associations de défense de l'environnement et les communautés locales à cause des fuites et de ses liens avec les forces de sécurité,
l'entreprise pétrolière a tenté d'améliorer son image en ouvrant des cliniques, des routes et des usines de gaz naturel dans la région.
SOURCE / 98,5 FM MONTREAL