Blogue du collectif Emma Goldman
La criminalisation, la judiciarisation et l’intimidation contre la dissidence compose bel et bien un phénomème social actuel que l’on remarque autant à l’échelle régionale qu’internationale. Même s’il ne s’agit pas d’un phénomène tout à fait nouveau, on peut remarquer qu’il s’accentue beaucoup dans le cadre de la présente crise. Voici deux communiqués parus ces derniers jours sur le site du Réseau Québécois des Groupes Écologistes au sujet d’un S.L.A.P.P. (Strategic Lawsuit Against Public Participation) contre un militant écologiste qui critiquait une minière et les lois sur cette exploitation au Québec.
Communiqué de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine :
Une pétrolière contre Le Soleil et Ugo Lapointe
Québec, le vendredi 28 janvier 2011 — « Il s’agit d’une poursuite qui nous apparaît nettement abusive », dénoncent les membres de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine ! à la suite de l’annonce, faite mercredi par la compagnie Pétrolia, d’une poursuite contre le journal Le Soleil et l’un des porte-paroles de la coalition, Ugo Lapointe. « Si les citoyens et les organismes ne peuvent plus critiquer librement les industries et les lois qui encadrent l’exploitation de nos ressources au Québec, nous sommes très inquiets pour la démocratie québécoise », dénoncent les organismes membres de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine !
Pour les membres de la coalition, cette poursuite apparaît d’autant plus excessive qu’Ugo Lapointe et ses avocats ont expliqué, dans une lettre adressée à la compagnie le 5 janvier 2011, que ses propos ne visaient pas spécifiquement la compagnie elle-même, mais bien l’ensemble de l’industrie et des lois qui l’encadrent.
Redevances sur les ressources : au cœur de la controverse
Dans un article du journal Le Soleil paru le 3 décembre 2010, Ugo Lapointe critique l’état actuel des lois du Québec qui permettent la vente de minerai, de pétrole et de gaz à l’étape de l’exploration, sans payer de redevances. « C’est un trou dans la loi qui ouvre la porte à toute sorte d’abus. Ce sont des ressources non renouvelables qui appartiennent à tous les Québécois. Aussitôt que les compagnies extraient et vendent ces ressources, elles devraient payer des redevances. Voilà la position que défendait Ugo Lapointe et que les membres de la coalition défendent encore aujourd’hui », affirme Christian Simard de Nature Québec.
« Quelles quantités maximales de gaz, de pétrole ou d’autres minerais les compagnies peuvent-elles vendre à l’étape de l’exploration sans payer de redevances ? Pendant combien d’années peuvent-elles procéder ainsi ? À sa face même, ça n’a pas de sens. Il faut colmater les brèches béantes des lois actuelles. Autrement, c’est comme tolérer le vol d’une partie de nos richesses collectives et non renouvelables. C’est ce que dénonçait Ugo Lapointe et c’est ce que nous continuons de dénoncer aujourd’hui », ajoute Henri Jacob de l’Action boréale.
Dans l’article du journal Le Soleil, on rapporte notamment que les compagnies Junex et Pétrolia ont vendu l’équivalent de plusieurs centaines de milliers de $ de pétrole et de gaz au stade de l’exploration, sans payer de redevances. « Pour nous, les redevances jouent un rôle fiscal spécifique, soit celui de compenser la société pour l’extraction de ressources non renouvelables qui lui appartiennent. Le gouvernement devrait modifier les lois pour que des redevances s’appliquent dès qu’il y a vente de nos ressources, peu importe si c’est au stade de l’exploration ou de l’exploitation. C’est la position de principe que nous défendons », explique Christian Simard.
Les membres de la coalition réitèrent leur appui à Ugo Lapointe face à cette poursuite qui apparaît être nettement abusive, particulièrement dans le contexte du débat public qui a cours présentement au Québec concernant l’exploitation des ressources. La coalition tentera de tenir le public et les médias informés au fur et à mesure des démarches en cours.
Communiqué conjoint du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) et de la Ligue des droits et libertés :
Risque d’intimidation à grande échelle
Montréal 1er février 2011 : Le Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) et la Ligue des droits et libertés jugent abusive la poursuite judiciaire de la compagnie Pétrolia contre Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure Mine !, et le journal Le Soleil. Cette poursuite-bâillon est particulièrement préoccupante à l’heure où les débats publics, notamment sur la gestion des ressources naturelles, s’annoncent animés dans les mois à venir : les citoyen-ne-s doivent être en mesure de s’informer adéquatement et exercer sans entrave leur liberté d’expression.
« Que ce soit dans le dossier des gaz de schiste, de la refonte de la Loi sur les Mines et du régime forestier, de la réfection potentielle de la centrale nucléaire de Gentilly 2, de l’exploration et l’exploitation d’uranium, l’exploration pétrolière dans l’estuaire du Saint-Laurent ou encore de la construction de barrages hydro-électriques dans le nord du Québec, les mois à venir seront propices à de vifs débats. C’est donc dans ce contexte tendu que la poursuite actuelle contre Ugo Lapointe et Le Soleil vient jeter un froid. » s’inquiète André Bélisle, délégué du RQGE dans le dossier des poursuites-bâillons. L’intimidation judiciaire a un impact non seulement sur les personnes poursuivies mais aussi sur la liberté de presse, le droit du public à l’information et sur la démocratie participative. « Si monsieur Lucien Bouchard président de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) est un homme d’honneur, il devrait faire retirer cette poursuite par Pétrolia, groupe membre de l’APGQ car le message envoyé par une telle poursuite indique une intention évidente de faire taire et de faire peur et cela s’ajoutera au dossier de l’APGQ dans l’opinion publique » a indiqué André Bélisle.
« Comme la Ligue des droits et libertés l’a souligné dans son mémoire sur les gaz de schiste dernièrement, les citoyen-ne-s ont le droit de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles et de décider du modèle de développement économique à privilégier. Il est donc essentiel que les citoyen-ne-s puissent participer aux débats publics sans intimidation. C’est d’ailleurs grâce aux idées et questionnements librement exprimés que la population est de plus en plus sensible aux questions environnementales et qu’elle veut prendre part aux débats publics. C’est donc inacceptable dans ce contexte qu’une grande entreprise pétrolière tente d’imposer le silence à un citoyen et à un média », souligne Lucie Lemonde, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.
Le Réseau québécois des groupes écologistes et la Ligue des droits et libertés, qui ont été parties prenantes dans la mobilisation en vue de l’obtention de la loi 9, suivent ce dossier avec attention. Par ailleurs, une tournée d’éducation populaire est en cours d’organisation afin de de faire connaître la nouvelle loi contre les poursuites-bâillons et les enjeux juridiques et politiques qu’elle implique.
Source : HNS INFO