"Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l'accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l'apparence de la solidarité à un simple courant d'air."
George Orwell
"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs."
Robespierre
Un bon livre commence souvent par un bon titre, que cela soit un essai ou un roman, et celui de Jacques Cotta ne déroge pas à la règle. Le titre donne l'envie de lire ce livre qui répond à une question que nous sommes nombreux à nous poser depuis le début de la présidence de Sarkozy. On pourrait même parfois dire avant, où la vaste entreprise de casse de nos services publics a débuté...
Le nom de l'auteur ne peut vous être inconnu si vous suivez un peu l'actualité politique et sociale. Journaliste de longue date, il a écrit l'excellent " 7 millions de travailleurs pauvres", mais aussi "La face cachée des temps modernes" ou encore "Riches et presque décomplexés". De plus il ne se contente pas d'écrire, il réalise aussi des films d'investigation. "Front national, la nébuleuse" fut particulièrement remarqué. Il est aussi en charge de la série documentaire assez réussie de France 2 : "Dans le secret de...". Dernier volet en date, "Dans le secret des licenciements".
A presque un an de l'élection présidentielle, il nous semble intéressant de commencer le bilan du locataire de l'Elysée. Nous commençons donc avec deux livres, celui de Jacques Cotta et prochainement celui d'Eric Laurent "Le scandale des délocalisations". Deux faces d'une même politique ultra-libérale décomplexée, dans le public, on casse, dans le privé, on délocalise.
Une vraie cohérence.
Afin d'écrire ce livre, l'auteur a parcouru presque tout l'hexagone. Aller sur le terrain étant la meilleure méthode afin d'enquêter sur l'état de nos services publics.
Bien entendu on se doutait que l'état était mauvais, vraiment très mauvais. Aucune surprise donc, mais le grand intérêt de ce livre est d'expliquer, de montrer en détails, d'argumenter, d'ausculter, bref de nous donner à voir ce que l'Etat, et ses médias plus que complaisants, tentent de nous cacher, ou tout au moins de nous faire oublier.
Le premier chapitre est consacré à la santé. Vous savez, cette santé qui dépense trop, et qui ne rapporte pas assez, cette santé publique qu'il faut "réformer" comme nous dit Bachelot. Réformer en language technocratique capitaliste, est un synonyme de casser. Demandez ce qu'en pensent les salariés de France Télécom, réformés, balayés, mutés d'office et enfin suicidés sur l'autel du profit. La santé donc, avec les maternités, à fermer, les petits hôpitaux, à fermer, des services à fermer...Jacques Cotta prend deux exemples, et tout son livre est ainsi. Des exemples récents, vivants, avec des cas bien précis, tout cela illustrant parfaitement son propos.
La force du livre.
Carhaix, ville résistante en 2008, petite ville célèbre par ses "Vieilles charrues" en été et qui fit la une des actualités quand la population se leva en masse afin de défendre son hôpital. On sait que les Bretons ne se laissent pas vraiment faire, depuis la lutte de Plogoff. Avec cet exemple, et celui de Clamecy en Bourgogne, l'on commence bien à cerner le problème, problème qui n'est pas seulement un problème de santé, mais aussi un problème d'aménagement du territoire, et bien entendu un problème humain. Quand un service public ferme, que cela soit l'hosto ou la Poste, ou la gare, c'est toute la ville qui subit, et donc tous les habitants.
Plus de poste, ou de gare, ou d'école, et c'est une lente mais certaine dévalorisation de la commune. Mais dans le cas des suppressions d'hôpitaux, cela peut être tout simplement mortel./
Nous ne passerons pas en revue tous les chapitres, mais cet essai est d'autant plus convainquant qu'il est politiquement honnête. En effet la facilité est en ce moment d'entonner le couplet "Sarko casseur des services publics".
Ce qui est une évidence, mais en rester là serait déloyal, ou manipulateur, éventuellement les deux.
Donc l'auteur propose un chapitre intitulé :
Droite, gauche et services publics
Chapitre édifiant s'il en est, avec quelques rappels utiles, le tournant de la rigueur signé Delors, mis en œuvre par Bérégovoy, jusqu'au formidable gouvernement Jospin, battant tous les records de privatisation de la droite, avec 31 milliards d'actifs cédés de 1997 à 2002 ! Avec ces rappels concernant les services publics, on comprend mieux que les deux co-habitations se déroulèrent sans vraiment de problème entre l'Elysée et Matignon ! Comment alors s'étonner que la "gauche" envisage en 2011 de choisir le directeur du FMI, DSK, comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Ce choix ne serait alors qu'une belle continuation de la politique libérale de renoncement des socialistes depuis 1983.
N'oublions pas le chapitre sur l'OCDE, l'Europe, et sur le fameux déficit, le déficit qui justifie tant de destructions programmées des services publics...
Certes des résistances se font jour, un chapitre étant consacré à ces petits maires qui se battent le dos au mur. Et des résistances aussi des usagers, comme le "référendum" contre la privatisation de la Poste. Ou la réactivation de puis quelques années des idées fondatrices du programme du CNR.
Mais pour le moment rien ne stoppe la liquidation des services publics.
Ce livre de Jacques Cotta est d'une grande utilité dans ce combat, un livre de résistance, car il n'est jamais rien d'inéluctable...
Dan29000
Qui veut la peau des services publics ?
Jacques Cotta
Jean-Claude Gawsewitch éditeur
2011 / 350 p / 18,90 euros