Justice. Les défenseurs des victimes dénoncent la suspension de l’instruction dans le dossier Ferodo-Valeo.
«Trop c’est trop !» L’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva) n’en peut plus de ce qu’elle qualifie d’«acharnement» de la part de la chambre de l’instruction à leur encontre. Dernier épisode en date : le 16 janvier, Martine Bernard, la présidente de la chambre, a suspendu la procédure menée par la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy dans le dossier de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados). Un dossier emblématique de la catastrophe de l’amiante en France : à Condé-sur-Noireau, plus de 1 200 personnes ont succombé en trente ans aux ravages de la fibre cancérigène. C’est aussi le dossier dans lequel la maire de Lille, Martine Aubry, a été mise en examen pour homicides et blessures involontaires, tout comme d’autres anciens hauts fonctionnaires du ministère du Travail.
«Démolition». Pour Jean-Paul Teissonnière, l’un des avocats des victimes de l’amiante, «c’est une entreprise de démolition» que mène la présidente de la chambre d’instruction. Il évoque «une accumulation de manifestations d’hostilité à l’égard des victimes». Ainsi, en décembre 2011, c’est elle déjà qui avait annulé les mises en examen dans le dossier concernant la firme Eternit et «de manière parfaitement arbitraire déjà», estime l’Andeva, «avait dessaisi la juge d’instruction». Mais la Cour de cassation lui a donné tort en juin 2012 et la juge Bertella-Geffroy a pu continuer à travailler sur le dossier Eternit.
«Cette fois, la chambre de l’instruction récidive avec cette ordonnance de suspension, dénonce Me Teissonnière. Une mesure très rare et non susceptible de recours.» Martine Bernard fonde son ordonnance de suspension sur les recours en nullité déposés par les personnes mises en examen par la juge et qui doivent être examinés le 28 février. Une décision qui semble dédouaner par avance les hauts fonctionnaires, mais aussi les industriels de l’amiante ou les lobbyistes qui ont défendu son usage durant des années. Vice-président de l’Andeva, Michel Parigot dénonce la «coalition d’intérêts» qui veut bloquer à tout prix «la mise en cause de décideurs et de responsables administratifs» dans les affaires de scandales sanitaires.
Les victimes de l’amiante voient dans ce «gel» de l’instruction une manifestation supplémentaire de l’obstruction du parquet depuis seize ans, de sa volonté d’entraver la tenue d’un procès pénal qui examinerait toutes les responsabilités dans ce drame, y compris celle de l’Etat. «Personne ne veut du procès pénal de l’amiante, dénonce Michel Ledoux, un autre avocat de l’Andeva. On fait feu de tout bois pour retarder la clôture de tout dossier dans cette affaire. Celui de Condé-sur-Noireau était le plus avancé…»
Récusation. L’inquiétude de l’Andeva redouble car, en mars, Marie-Odile Bertella-Geffroy risque d’être mutée par le jeu de la loi qui fixe la durée des postes dans la magistrature. Ce volumineux et délicat dossier serait alors confié à d’autres magistrats, mais risquerait surtout d’être définitivement enterré. L’Andeva réclame non seulement le maintien de la juge, mais aussi le renforcement de ses moyens.
L’association a donc déposé une requête en récusation de Martine Bernard, faute d’impartialité. En espérant obtenir cette récusation avant le 28 février. Une fois de plus, l’Andeva rappelle que les premières plaintes des victimes de l’amiante en France datent de 1996 et que la fibre, interdite en 1997, continue à tuer plus de 3 000 personnes par an.
Source : LIBERATION.FR
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Danactu-resistance vient de débuter un long cycle sur ce sujet, d'abord en chroniquant trois livres :
Eternit,
la fibre tueuse, en octobre 2012
Amiante & Eternit, fortunes et forfaitures, de Maria Roselli, dimanche 03 février 2012
Ravages, un thriller récent d'Anne Rambach, courant février 2013
Lire aussi en date d'octobre 2012 :
100 000
morts en France, l'impunité de l'industrie de l'amiante