Au bout d'un an et demi d'existence, Siné Hebdo s'arrête. Avec trois concurrents, l'hebdomadaire n'a pas trouvé son public.
Le dernier numéro sera vendu sur la manif du 1er mai, à la criée. « Tout le monde est un peu
étonné », reconnaît le fondateur du journal satirique, le dessinateur Bob Sinet, alias Siné, 81 ans. Lancé en septembre 2008, après « l'affaire Siné », l'hebdo plafonne à 37 000 exemplaires.
Insuffisant, quand on trouve aussi en kiosques Charlie, Bakchich et Le Canard.
Siné n'explique pas cette « désaffection » des lecteurs :
« C'est les lecteurs qui manquent, pas le pognon. Il y en a qui disent qu'il y a trop de cul, d'autres qu'il y a trop de politique… Et c'est vrai que le fait d'avoir quatre
hebdos satiriques en kiosques ne nous a pas aidés. Bakchich a dû nous faire du mal. »
Le site web a lancé sa
déclinaison papier en septembre dernier, avant de l'arrêter puis de reparaître tous les samedis, grâce à une nouvelle recapitalisation.
« On va finir les poches complètement raides »
Pendant les premières semaines, Siné Hebdo a atteint des ventes record, autour de 130 000 exemplaires. « Ça nous a permis de mettre un
peu d'argent de côté », raconte Siné. Argent qui a aujourd'hui fondu, alors que le seuil nécessaire de 43 000 exemplaires n'est pas atteint :
« On va finir les poches complètement raides. Notre bail à Montreuil court encore pendant un
an et demi. Il est garanti sur mon compte en banque personnel. »
L'équipe cherche à sous-louer les lieux, et à vendre son matériel. La déclinaison professionnelle de la bande à Siné, c'est terminé :
les onze salariés vont être licenciés, et les pigistes remerciés :
« Ils
vont aller travailler dans les journaux industriels. Ce sera beaucoup moins drôle pour eux, ils ne pourront plus fumer et boire des coups. »
Au fond, Siné estime être « le seul à bénéficier »
de la fin de l'hebdo :
« Je ne l'aurais pas choisie, mais maintenant je
vais pouvoir lire des bouquins et aller au ciné. Il va bien falloir trouver quelque chose à foutre. J'aimerais bien continuer à faire ma Zone [sa chronique hebdomadaire, ndlr] sur Internet.
»
A Charlie, « c'est pas le super pied »
Le patron de Charlie Hebdo, Charb, est un peu sonné par cette nouvelle. Chez eux, « c'est
pas le super pied, mais on survit quand même ». Le principal concurrent de Siné Hebdo vend à 48 000 exemplaires, sa « ligne de flottaison », selon Charb. « Mais il ne faut surtout pas qu'on
descende en dessous. »
Le directeur de Charlie raconte qu'à la parution de
Siné Hebdo, son journal « a descendu un pallier » :
« Avant, on était
autour de 53 000 exemplaires. Puis plus rien, et ensuite tout le monde a descendu. Sauf Le Canard, qui continue de vendre 500 000 journaux chaque semaine. »
Charb : « Le manque de fric des gens est incroyable »
Selon Charb, cette désaffection des lecteurs est clairement due à la crise économique
:
« Avant, les hebdos satiriques n'étaient pas touchés par la crise de la
presse. Aujourd'hui, notre lectorat, qui est peu fortuné, calcule à l'euro près. Le manque de fric des gens, c'est une chose incroyable. »
Charb n'attend pas un report des ventes de Siné
Hebdo vers Charlie, puisque « la plupart de nos lecteurs lisaient les deux journaux ».
D'après lui, Siné, « parti initialement pour deux numéros, en pied de nez à Philippe Val », a ensuite fait un journal « un peu trop proche de Charlie » :
« Ça nous a placés en concurrents, alors qu'on n'aurait pas dû l'être. »
Source : RUE 89