Le grand chamboulement sera pour dimanche. Le 11 décembre, la SNCF va changer 85% des horaires de trains d'un coup. Certains seront décalés d'une poignée de minutes, d'autres beaucoup plus. Quand ils ne seront pas purement et simplement supprimés, comme le train de nuit Paris-Bordeaux, victime collatérale du «cadencement», le nouveau mot fétiche de la SNCF.
L'objectif est qu'un maximum de trains partent à des horaires réguliers pour le même trajet (07h08, 08h08, etc.) Sur le papier glacé de la brochure de la SNCF, mieux cadencer les trains doit permettre de «faire face à la croissance du trafic de 30% attendue au cours des dix prochaines années.» En attendant, ces changements d'horaires vont bouleverser le quotidien d'un paquet d'usagers. Un collectif s'est mis sur pied pour protester contre ce grand «big bang» des habitudes, qualifié de «big bug». Une pétition est en ligne, un site bigbangbigbug.org recueille à la pelle des témoignages d'usagers mécontents. Entretien avec Willy Colin, l'un des initiateurs de ce «collectif national des usagers du train du 11 décembre» (Cnut).
Etes-vous opposé au principe même du cadencement des trains?
Non, bien évidemment, nous n'avons rien contre cette idée. Si les trains peuvent partir à l'heure, à des horaires réguliers, c'est mieux. En revanche que la SNCF ne nous fasse pas croire que cela va résoudre les retards. C'est du pipeau. Les trains Paris-Chartres sont cadencés depuis un moment déjà et cela n'empêche pas les retards: 150 heures cumulées au cours des dernières semaines...
Dans cette affaire, ce que l'on reproche surtout à la SNCF et à RFF (réseau ferré de France, gestionnaire du réseau, NDLR), c'est le manque de concertation. Il n'y a eu aucune étude d'impact sur les conséquences de ces changements d'horaires dans la vie des usagers. C'est une gestion purement technocratique, sans aucun pragmatisme.
La nouvelle grille des horaires est-elle si pénalisante? La plupart des trains ne seront décalés que de quelques minutes, non ?
Le président de la SNCF Guillaume Pépy disait vendredi qu'il n'y avait qu'une vingtaine de situations délicates. Nous, de notre côté, on a déjà recensé 200 points problématiques. On va vers de grosses difficultés dimanche, croyez-moi. Beaucoup d'usagers se retrouvent lésés. Aucune région, à l'exception peut-être de la Bretagne, n'est épargnée.
En pratique, on trouve trois type de difficultés: les décalages d'horaires, qui peuvent avoir un fort impact dans la vie des gens. Vous embauchez à l'usine à 8 heures, votre train qui arrivait jusqu'ici à 7h45 est décalé à 8h05, vous êtes obligé de prendre le précédent...
Autres problèmes: la SNCF en profite pour supprimer certaines correspondances et dessertes dans des petites gares, en zone rurale. Je pense au cas d'un salarié au Mans. Avec le train, il rejoignait le centre ville en quinze minutes, pour un abonnement de 40 euros mensuel. A partir de lundi, faute de desserte, il sera obligé de prendre sa voiture: trois quart d'heure de bouchon et 150 euros de carburant chaque mois. Sans parler des frais de garde supplémentaires pour ses enfants parce qu'il rentre plus tard le soir...
Certains trains de nuit sont également supprimés, le Tarbes-Paris en passant par Bordeaux ne sera plus en service la semaine.
Comment l'expliquez-vous? Cela n'a pas de lien avec les changements d'horaires?
C'est assez évident. La SNCF poursuit désormais des objectifs de rentabilité, avant sa mission de service public. Derrière cette réforme, il y a l'ouverture à la concurrence du transport de passagers. Bruxelles met la pression à la France qui est déjà en retard. Il n'y a qu'à voir la précipitation avec laquelle est menée cette réforme. Cadencer les trains prend du temps. En Suisse, cela s'est fait en dix ans. Là, les dirigeants de la SNCF et RFF veulent le faire en quelques mois. Surtout qu'en même temps, ils lancent des travaux de rénovation des rails et ouvrent la ligne grande vitesse Rhin-Rhône. Cela fait beaucoup à la fois, on court à la catastrophe.
Source : Libération