Au moins vingt morts dans les manifestations qui secouent la Syrie

Par LIBÉRATION.FR

 

L'ESSENTIEL

L'appel à manifester lancé sur Facebook et soutenu par les Frères musulmans a été entendu: pour le septième vendredi consécutif, les Syriens sont descendus dans la rue pour contester le régime.

L'opposition s'organise de plus en plus, sur Internet, au niveau politique. Quelque 170 personnes ont signé un appel à l'armée, lui demandant de gérer la transition démocratique.

A Deraa, assiégée depuis lundi, quatre soldats ont été tués. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants, tuant seize d'entre eux.

ONU et UE débattent aujourd'hui, l'un d'une éventuelle condamnation de la répression, l'autre de probables sanctions.

Enfin, pour l'anecdote, un site gouvernemental a été hacké.

-> Suivre la situation avec notre liste Twitter, une sélection de comptes d'opposants syriens. Voir ici d'autres liens.

Les manifs

Plusieurs dizaines de milliers de personnes manifestent contre le régime syrien, en particulier à Damas, Homs (centre), Banias (nord-ouest) et dans les régions à majorité kurde, rapportent des militants.

Dans la ville industrielle de Homs, des milliers de personnes criaient «à bas le régime», d'après des vidéos filmées par des militants et diffusées pour la première fois en temps réel sur internet.

Trois policiers, dont un officier, y auraient été tués par balles vendredi par des «groupes terroristes extrémistes», selon une source au ministère syrien de l’Intérieur, citée par l’agence officielle Sana. Au même moment, un militant des droits de l’Homme a affirmé que neuf personnes ont été tuées vendredi par les forces de sécurité syriennes à Homs également.

A Banias, près de 10.000 personnes manifestaient en début d'après-midi, selon des militants des droits de l'Homme.

A Damas même, qui avait été jusque là très peu touché, 2.000 manifestants se sont rassemblés dans le quartier de Midane, selon un militant. A Saqba, près de la capitale, plusieurs milliers d'habitants sont descendus dans les rues pour appeler à la chute du régime.

Dans la région à majorité kurde du nord de la Syrie, 15.000 personnes ont défilé sans incident à Qamichli et dans trois localités environnantes.

Un millier de manifestants ont défilé à Deir Ez-Zor, à 460 km au nord-est de Damas, avant d'être dispersés «à coups de bâtons et de câbles électriques», selon un militant. A Ar Raqqa, à 540 km au nord-est de la capitale, 300 à 400 personnes ont protesté.

A Deraa, des soldats et des manifestants tués

Pendant ce temps, le régime tient la ligne suivie depuis plusieurs semaines, et accuse. Quatre soldats ont été tués et deux autres enlevés lors d'une attaque contre un poste militaire à Deraa (sud) par un «groupe terroriste armé», affirme un porte-parole militaire cité par l'agence officielle Sana.

-> Pour se faire une idée de la rhétorique du régime, petit tour ici sur le site de Sana, en français s'il vous plaît.

Plus tôt dans la journée, un militant à Deraa, Abdallah Abazid, avait affirmé à l'AFP que quatre soldats «ont été tués en défendant les habitants».

Par ailleurs, les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur «des milliers de personnes» venues des villages voisins «pour apporter de l'aide et de la nourriture» à la ville, assiégée depuis lundi. Au moins seize personnes ont été tuées, des dizaines blessées (le bilan était jusque là de sept morts).

Frères musulmans, «jeunes de la révolution»: les appels à manifester

Les «jeunes de la révolution syrienne» ont lancé hier sur Facebook un appel à descendre dans les rues ce vendredi, rebaptisé «vendredi de la colère». Une manifestation en solidarité avec Deraa, berceau du soulèvement.

Réponse en forme de menace du ministère de l'Intérieur: «Les lois en vigueur en Syrie seront appliquées afin de préserver la sécurité des citoyens et la stabilité du pays».

 Les Frères musulmans de Syrie, le principal groupe d'opposition, accusent le régime de Bachar al-Assad de perpétrer un «génocide». Ils appellent les Syriens à manifester. «Dieu vous a créés libres, ne laissez pas les tyrans vous tenir en esclaves», écrivent-ils dans un communiqué.

L'armée, «seule institution capable de diriger la période de transition»

Une vingtaine d'opposants syriens en exil et 150 responsables politiques, militants de la société civile et défenseurs des droits humains ont publié ce matin un communiqué. Doutant de la volonté du régime de réaliser une transition démocratique, ils appellent l'armée à la prendre en charge. C'est «la seule institution qui [ait] la capacité de diriger la période de transition», écrivent-ils, nommant «en particulier l'actuel ministre de la Défense le Général Habib Ali et le chef d'état-major général Rajha Dawud».

Ils détaillent le processus de transition démocratique qu'ils souhaitent: réécriture de la Constitution, formation d'un gouvernement intérimaire pour superviser les élections, etc.

«Si le président syrien ne souhaite pas être dans l'histoire comme un chef de file de cette période de transition, il n'y a pas d'autre alternative pour les Syriens que de prendre le même chemin que les Tunisiens, Egyptiens et Libyens», concluent-ils.

-> Lire l'intégralité du communiqué (en français, arabe, anglais).

Réunions européenne et onusienne

 Quelque 60 pays sont réunis pour une session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Objectif: adopter une résolution sur la violence de la répression.

Mercredi, réuni sur le même sujet, le Conseil de sécurité n'est pas parvenu à s'accorder. Chine et Russie ont fait blocage aux ambitions de certains pays, notamment France et Grande-Bretagne.

Côté européen, les ambassadeurs des 27 doivent se rencontrer cet après-midi, pour parler sanctions contre le régime. Un «large accord» existe parmi les Européens pour adopter des sanctions, a fait savoir Pierre Vimont, diplomate européen de haut rang.

Les sanctions possibles: la suspension des aides de l'UE versées aux autorités syriennes dans le cadre de la politique de coopération, des fonds de la politique de voisinage et des crédits de la Banque européenne d'investissement. L'UE verse chaque année quelque 210 millions d'euros d'aides et de prêts à la Syrie.

Quelques liens pour suivre les événements

-> S.N.N. (pour Shaam News Network), un réseau d'information citoyen, composé de jeunes et présent uniquement sur Internet, sur Twitter, Facebook, Youtube.

-> Notre liste Twitter: une sélection de comptes d'opposants syriens.

-> La page Facebook «The Syrian revolution 2011», qui a lancé les premiers appels à manifester et diffuse ses infos et des vidéos.

Cette toute nouvelle page Facebook, «Pour une Syrie libre», créée par des Syriens de France.

-> Un livestream, créé aujourd'hui. Des vidéos postées en direct de Homs, sur un compte du site Qik.

-> Pour se faire une idée de la propagande véhiculée par le régime, un petit tour sur le site de l'agence officielle Sana. Exemple: cet article publié hier, pour justifier l'offensive de l'armée à Deraa. «L'armée poursuit sa mission à Daraa et traque les bandes terroristes extrémistes armées», titre Sana.

 

 Le contexte

Les Syriens manifestent depuis le 15 mars, soit un mois et demi. La répression se durcit à mesure que la contestation s'étend, de semaine en semaine. Lundi, des chars de l'armée sont entrés dans Deraa, premier foyer du soulèvement. La ville, proche de la frontière jordanienne, est isolée, assiégée. Damas et Alep, les deux grosses villes, sont encore très peu touchées. Mais la contestation est bien ancrée dans plusieurs villes proches de la capitale (Douma, Deraya, etc.) et d'autres cités importantes comme Lattaquié, Banias, Homs, Qamishli, etc.

Depuis le début de la contestation, plus de 500 personnes ont été tuées dans tout le pays.

 

Source : LIBERATION.FR

 

Tag(s) : #Monde arabe - Israël
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