Syrie : Un gouvernement de transition … pour qui ?

 

 

 

Editorial de La Ligne de Front, organe du Courant de la Gauche révolutionnaire en Syrie, numéro 13 – Mars 2013.

 

 

 


L’extension de la superficie des terres « libérées » du joug du régime bourgeois dictatorial, et l’ampleur de la destruction massive qu’elles subissent du fait des bombardements continus de la part des forces du régime et la dévastation des infrastructures et de tous les aspects de la vie sociale, s’accompagne d’une augmentation du nombre des conseils civils et locaux qui tentent de gérer les affaires de la vie quotidienne des citoyens. En parallèle, les coordinations continuent à s’appliquer en tant que structures d’auto-organisation du mouvement populaire au moment où les bataillons de la résistance populaire armée démocratique - composées des masses qui ont porté les armes et des soldats dissidents - jouent leur rôle d’affronter la machine meurtrière du régime dictatorial ; nous excluons ici les djihadistes et les islamistes soutenus par les monarchies du pétrole et qui sont des groupuscules minoritaires qui bornent leur ambition à autre chose : un Etat islamique, autrement dit un projet réactionnaire pour lequel les masses révoltées n’ont pas fait leurs sacrifices mais bien pour la liberté, la démocratie, l’égalité et la justice sociale.

Le gouvernement de transition révolutionnaire souhaité doit incarner les composantes sociales de la révolution populaire, à savoir les travailleurs, les paysans pauvres et les soldats. Il ne doit pas être un jeu ou un marché passé sous demande qatarie, saoudienne ou turque dans l’un des hôtels d’Istanbul, et derrière lequel s’alignent les frères musulmans qui sont devenus une charge et un obstacle pour la victoire de la révolution à cause de leur opportunisme, leur subordination organique avec les Etats rétrogrades, notamment Qatar, et leur utilisation ignoble du pompage financier et médiatique de ses Etats afin d’acheter des alliances parmi les rangs des populations, et qui a été dénoncé lors de nombreuses manifestations. Le gouvernement frériste-libéral Hito constitué sous demande de Qatar et avec manœuvre abjecte des frères musulmans a été rejeté par l’armée libre et par le mouvement populaire. Il devient de ce fait l’une des composantes de la contre-révolution qu’il est de notre devoir de faire tomber, de même que le régime dictatorial.

Nous appelons à un gouvernement de transition révolutionnaire qui serait l’expression du pouvoir du peuple révolté.

La révolution… une troisième année

Voilà la majestueuse révolution populaire qui entame sa troisième année, dans un contexte de sacrifices majeurs, de destruction, de souffrances et d’exil… Et voilà la révolution qui étend la surface des terres « libérées », serre l’étau sur le régime de la junte décadent et s’approche de plus en plus de la victoire.

Et malgré le grand tapage qui nous parvient sur le soutien régional et international à la lutte du peuple syrien, il faut admettre la vérité toute nue : notre révolution est une révolution orpheline, et nombreux de ceux qui prétendent être ses amis la trahissent.

L’attribution du siège de la Syrie auprès de la Ligue arabe à la Coalition nationale n’a pas plus qu’une petite valeur symbolique, étant donné que cette ligue est une institution en décomposition de régimes corrompus qui font face à des révoltes populaires. Quant au soutien financier et en armement, il est presque limité à l’appui des cheikhs de Qatar et du Golfe aux groupe djihadistes et aux frères musulmans, qui constituent avec le régime de la junte les composantes de la contre-révolution, l’un voulant la voler ou la transformer en guerre « confessionnelle », l’autre œuvrant de toutes ses forces à l’asphyxier. Aucune de ces forces ne veut qu’elle triomphe en tant que révolution de libération d’un peuple du joug de la répression, de l’autoritarisme, de l’exploitation, pour une société émancipé basée sur la justice et l’égalité.

Notre révolution est effectivement une révolution majestueuse, elle ne fait pas seulement face à un régime assassin des pires régimes, qui n’hésite pas à traiter son peuple comme un ennemi et chercher à l’écraser avec toutes sortes d’armes et de missiles. Mais c’est aussi une révolution majestueuse parce qu’elle a pu empêcher toutes les parties de la contre-révolution précitées de réaliser leurs objectifs tout en sauvegardant ses revendications initiales d’émancipation, d’égalité et de justice.

Les défis auxquels fait face la révolution populaire sont nombreux, parmi lesquels l’attitude de plusieurs groupes djihadistes et islamistes qui essayent d’imposer leurs visions et ses conceptions sociales dans les régions libérées et qui ont jusqu’à présent avorté : les masses populaires les ont contestées à Alep, à Mayadin, à Al-Qusayr et dans d’autres villes. Elle fait face aussi à des comportements délinquants et au banditisme de certains groupes armés qui agissent comme des gangs et non comme des insurgés. Notre révolution fait également face au siège, à la destruction, aux manœuvres et à l’hypocrisie des dits « amis » du peuple syrien, qui malgré leurs promesses n’ont fourni aucun armement aux forces démocratiques dans la résistance populaire, alors qu’armes et argent affluent aux djihadistes et aux islamistes.

Malgré tous ces défis, le peuple syrien connaît son chemin, et la révolution avance dans son contexte national et social originel, pour faire tomber le régime de la junte au pouvoir et la constructions d’une Syrie libre, démocratique, pluraliste et la justice sociale, pour le pouvoir des travailleurs, des paysans et des masses laborieuses.

Tout le pouvoir et toute la richesse au peuple !

La Ligne de Front


Lire aussi dans ce numéro, parmi d’autres articles :

  • A bas tous les tribunaux religieux qu’ils statuent au nom du régime ou au nom de la révolution p.3
  • Rapport : 1,5 million en chômage à cause des évènements p.3
  • Des dizaines de milliers de travailleurs syriens rejoignent les rangs des chômeurs : les prix grimpent en flèche, les revenus dégringolent... et après ? p.3
  • ABC le socialisme : Qu’est-ce que la dialectique ? Par Sylvestre Jaffard p.4
  • Rapport sur les conseils locaux pp.6-7
  • Feuille débat : A propos des conseils locaux en Syrie Par Omar Aziz pp.8-9
  • La constitution des conseils locaux en Syrie : propositions pratiques pour la continuité de la révolution pp. 10-11-12 Par Omar AZiz
  • Un rêve démocratique syrien s’exauce à Deir Ezzour p.13
  • Les bannières noires : entre les deux fronts de guerre fascistes pp.14-15
  • La révolution oubliée : Bahreïn… de ans de la répression et de la révolution Par Radhaoui Yassine p.22

- Les masses irakiennes sinsurgent contre al Maliki p.23


Mis en ligne le 2 avril 2013
SOURCE / ESSF
Tag(s) : #Monde arabe - Israël
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