Pour le dictionnaire, un squat est une habitation, généralement un immeuble, occupée illégalement par des personnes sans logement. Mais il y a squat et squat. Les différents rapports ministériels sur la question en répertorient de très divers : squats familiaux, d’artistes, de délinquance, squats de luttes sociales, de migrant, de militants politiques, de passage, squats de pauvreté, de précaires, de réfugiés, de sans-travail, de sans-papiers, de sédentarisation, de SDF, de trafics, de voyageurs…
Toulouse compte de nombreux squats. Plus ou moins visibles. Au cœur de la ville ou excentrés.
Le Katénaire est situé au 14 de la rue Victor-Déqué. Un squat politique pour faire simple. À tendance anar, pour faire simpliste.
Dans cette ancienne fabrique de biscottes de 1300 m2 reconvertie en locaux de l’Urssaf et vide depuis quatre ans, treize jeunes gens de moins de 25 ans ont élu domicile, en septembre dernier. Tous en situation précaire. Tous révoltés que «des espaces habitables soient laissés à l’abandon», disent-ils. «Nous cherchions depuis longtemps un lieu d’habitation et un lieu d’activités. Celui-là était ouvert», raconte l’un des occupants.

«On veut rester ici pendant l'hiver»
Depuis deux mois, la déco du lieu a changé à l’intérieur : graphes et déclarations politiques égayent les murs, chacun a aménagé sa piaule, il y a une cuisine commune… En contrebas de la partie logement, un vaste hangar sert de salle d’entraînement de boxe anglaise, thaï et free fight. Patrick, du moins c’est ainsi que ce squatteur souhaite se faire appeler, peut se flatter d’une bonne petite carrière de boxeur : 82 combats, 68 victoires. Il dispense son savoir au Katénaire. D’autres projets se sont concrétisés ici ou se concrétiseront bientôt : des cours de soutien scolaire, les répétitions d’une chorale, une fois par semaine, des concerts de rap, les assemblées générales du comité interluttes… Car la spécificité de ce squat tient donc dans sa dimension politique. «Nous sommes issus de milieux militants. Les loyers exorbitants, l’injustice, les inégalités, le libéralisme… Ce monde-là me débecte. La violence n’est pas de notre côté mais du leur», résume Patrick. Cependant, cette vie de squatteurs ne s’inscrit pas en marge de la société, mais bien au sein de celle-ci. Les occupants du Katénaire ont d’ailleurs noué des liens amicaux avec le voisinage. Un repas de quartier, le 8 novembre dernier, a ainsi rassemblé une centaine de personnes. Il y en aura sans doute autant pour une soirée contes d’Andersen, le 22 novembre. Pour peu qu’ils ne soient pas fait expulser puisque la propriétaire, en dépit de bonnes relations avec les squatteurs — ils vont boire le café chez elle —, a lancé une procédure judiciaire pour qu’ils quittent les lieux (lire ci-dessous). Ce qu’ils se sont engagés à faire quoi qu’il arrive en après la trêve hivernale. «Ce qu’on veut, c’est rester ici pendant l’hiver. En avril, on part quoi qu’il arrive.»
Sous le coup d’une expulsion
Le 8 octobre dernier, suite à une demande d’expulsion, le tribunal de grande instance de Toulouse a rendu son délibéré : le Katénaire doit être évacué dans un délai d’un mois, soit à partir du 8 novembre. Pour l’heure, les occupants n’en ont pas été délogés. Et ne devraient pas l’être. «La préfecture n’a pas été saisie d’une demande de concours de la force publique de la part des propriétaires. L’État ne s’autosaisit pas d’une décision de justice», confirme Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc, directrice de cabinet du préfet. Les squatteurs ont toutefois donné leur parole à la propriétaire qu’ils quitteraient les lieux quoi qu’il arrive : «Ce n’est pas un gros promoteur immobilier, c’est une femme comme nous. Fille de ferrailleur, elle a hérité de ces locaux. Elle vend parce qu’elle paye 14.000 € de taxes foncière et d’habitation par an.»
Pas de trêve pour les squats
La trêve hivernale a commencé le 1er novembre et s’achèvera le 15 mars prochain. Pendant cette période, aucune expulsion locative ne peut avoir lieu. Une disposition qui ne s’applique pourtant pas pour les squats bien que généralement respectée dans ces cas-là. L’article L 613- 3 du Code de la construction et de l’habitation précise en effet qu’une évacuation peut avoir lieu en période de trêve hivernale dans deux cas : «lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque ceux-ci sont situés dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril».

Jean-Louis Dubois-Chabert,
La Dépêche du Midi, 16 novembre 2009.
Tag(s) : #actualités
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