arton110.gifQui n'a jamais eu envie d'en finir avec son boss ? Bon, généralement cela en reste à l'état de projet. Tuer quelqu'un, même un patron, n'est pas chose aisée. Alors bien entendu on peut sous-traiter, comme dans le film de Kerven et Delépine, "Louise Michel".

Le héros du nouveau roman de Jean-Pierre Levaray vient de se faire licencier, chose hélas banale par les temps actuels. Il avait déjà perdu, comme beaucoup, les plus belles années de sa vie dans cette entreprise, il avait aussi vu quelques potes y mourir. Avec cette lettre de licenciement, c'est toute une vie qui  se mettait sur STOP.

Alors que faire, comme disait un certain L. ? Certains peuvent penser au suicide, France Telecom est un douloureux exemple, et l'on peut facilement comprendre le désespoir face à une telle situation. Ou alors on peut aussi penser que la victime n'a pas à payer le prix fort une fois de plus.

Après avoir rendu son badge et sa carte de cantine, le licencié va cogiter un plan un peu plus offensif envers le licencieur en chef, le PDG de l'entreprise qui sait si bien appliquer les "plans de sauvegarde de l'emploi".

Si quelqu'un devait mourir, pourquoi serait-ce la victime ? Et si le lapin dans le collimateur du fusil du chasseur pouvait retourner l'arme contre le beauf en treillis ?

Dès lors que cette saine idée à germer dans l'esprit de notre héros, les scénarios sont multiples avec une unité de lieu, La Défense où se situe la tour du siège social de cette entreprise spécialiste en dégraissage. Le licencié va enfiler divers costumes afin de repérer le terrain, avec patience il va étudier, découvrir un appartement secret, observer, réfléchir, avec sur lui un joli Parabellum neuf millimètres datant de 1937...

L'action avance vite comme de rigueur dans un roman noir, avec de nombreuses touches d'ironie bien senties.

gil4-1ae07.gifEXTRAIT /

"Je me suis fait la tronche du gagneur. Facile, les modèles sont dans la presse, à longueur d'année. Je suis chargé de comm. J'en veux et ça marche. C'est mon nouveau rôle. J'ai les cheveux rejetés en arrière, les tempes légèrement argentées du type qui commence à avoir de l'expérience et le visage hâlé, alors qu'on est en décembre."

 

Disons-le, il y a souvent des passages jubilatoires dans ce roman. Et il est vraiment en phase avec l'actualité où depuis quelques mois les "retenues " de patrons voyous se multiplient...Seulement ici, la différence, est que la "retenue" pourrait bien être définitive !

 

Enfin signalons les illustrations de Gil venant parsemer le texte avec talent. Il a déjà publié plusieurs recueils de dessins dont "Le Monde n'est pas une marchandise" en 2007.

 

TUE TON PATRON

Jean-Pierre Levaray

Editions Libertalia

2010 / 145 p / 8 euros 

 

Jean-Pierre Levaray est né en 1955, et publia son premier livre en 2000 "Suzana, chronique d'une vie de sans-papier, avant d'écrire le très fameux "Putain d'usine" deux ans plus tard chez "L'insomniaque" avec le succès que l'on connait. Ouvrier dans l'industrie chimique, il a publié une bonne douzaine de titres et écrit régulièrement des chroniques dans Le monde libertaire et CQFD. Des livres sur la condition ouvrière, sur les réalités de la vie en usine, des vies de luttes, d'espoirs mais aussi de désespoirs, restituant le vécu d'un militant syndical libertaire, avec une justesse qui rend particulièrement attachantes ses histoires.

Putain d'usine existe aussi en BD depuis 2007 avec d'excellents dessins d'Efix. 

 

 

couvquelquespasusineTout à fait différent, on lira aussi, un recueil de nouvelles intitulé :

A quelques pas de l'usine

C'est un ensemble de 18 courtes nouvelles datant de 2008, cette fois aux Editions Chant d'orties.

Une petite ville, un bourg, des portraits en petites touches, la proximité d'une usine, des chômeurs, des rmistes, Manuel avec ses chèvres et  Carole, des lieux que l'on voit tellement que l'on ne les voit plus vraiment, la vie qui passe, et Catherine, dans un atelier d'écritures.

Des petits moments d'émotion, de tendresse, d'humanité...

Une préférence toute subjective pour une nouvelle, magnifique, de six pages intitulée :

Un peu comme deux oisillons tombés du nid

EXTRAIT :

"Ils sont là, tous les deux, blottis l'un contre l'autre, assis sur ce banc. Tellement serrés qu'on ne pourrait pas passer la moindre feuille de dossier ASSEDIC entre eux. Quelqu'un leur a donné une couverture. Ce n'est pas tant qu'il fasse froid, mais ils tremblent-c'est nerveux- et puis aussi, c'est pour leur donner un peu de chaleur humaine : histoire de montrer de la compassion."

 Un autre aspect, complémentaire, du talent de Jean-Pierre Levaray dont on peut aussi lire Classe fantôme ou Tranches de chagrin ou encore Du parti des myosotis (préfacé par Nancy Huston) à L'insomniaque.

 

Pour finir, un petit conseil. L'été approche, les plages aussi, alors lisez donc les deux bouquins, d'abord ils sont moins encombrants que les gros pavés, et surtout, à l'intérieur, il y a du sens, ce qui se fait rare dans les grosses productions littéraires estivales, ou hivernales aussi d'ailleurs !

 

Dan29000 

 

A QUELQUES PAS DE L'USINE

Jean-Pierre Levaray

Illustration : Matt Mahlen

Editions Chant d'orties

2008 / 111 p / 11 euros

 

Pour voir leur site : 

 

http://chantdorties.free.fr/accueil.html 

Tag(s) : #lectures
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