Par , (23 février 2011)
Installé pendant trois semaines à deux pas du centre-ville de Toulouse, le premier camp anti-Loppsi 2 a plié bagage. Les militants, qui ont choisi un habitat léger ou mobile, dénonçaient les aspects liberticides de cette loi. L’occasion aussi de rencontrer les riverains pour battre en brèche les idées reçues sur ce mode de vie alternatif. Plusieurs camps se sont installés ailleurs en France. Avec d’autres idées, mais une même volonté de résistance.
Photo : © Antiloppsi 2
Ils ont fait leurs valises mi-février le cœur léger, avec le sentiment d’avoir fait le maximum pour que les Toulousains en sachent un peu plus sur la loi Loppsi 2. « Nous avons dû distribuer environ 150.000 tracts », sourit Clément, l’un des organisateurs du camp qui s’est invité pendant trois semaines sur les berges de la Garonne, après avoir squatté 24 heures en face de la mairie. Les partisans de l’habitat choisi, menacés par la loi Loppsi 2, et notamment par l’expulsion stipulée dans l’article 32 ter sont à l’origine de cette idée de campement. Ils l’ont géré pendant près d’un mois ont multiplié les moyens de lutte, et de vulgarisation. « Nous voulions avertir et mobiliser les gens autour de la loi Loppsi 2. Essayer de faire convergence avec d’autres mouvements sociaux, politiques, syndicaux », poursuit Clément.
Soupes populaires et manifs festives
Des habitants du camp ont ainsi été faire de la pédagogie auprès des « biffins » (vendeurs à la sauvette), menacés par la loi. D’autres installaient une soupe populaire au monument toulousain des morts de la Résistance, près du jardin des Plantes, pour commémorer aux côtés des militants du Conseil National de la Résistance, version année 2000, la proclamation du droit au logement universel. Plusieurs fois par semaine, des habitants du village de la résistance se rendaient par petits groupes dans les lieux militants de la ville (cinéma Utopia, bars militants, permanences de partis et syndicats progressistes...) pour tenter d’élargir leur base politique.
Une journée de déambulations contre la vidéosurveillance, avec échasses, musique, clowns activistes et déguisements en formes de caméra, a été organisée dans les rues commerçantes de la ville, ainsi que des réunions avec les Tunisiens en pleine révolution, et finalement des actions de soutien aux squats menacés d’expulsion immédiate. Le 5 février, plus de 300 personnes ont manifesté contre « les loppsichopathes du gouvernement ».
Autogestion et règles de bonne conduite
À la nécessité de se mobiliser pour lutter contre le contenu liberticide de la loi LOPPSI 2, s’est imposée, pour les personnes vivant en habitat éphémère, une autre mission : celle de changer l’image négative dont souffrent les partisans de l’habitat choisi, auxquels on associe celle des squats de la misère, avec leur cortège de drogués et de délinquance. D’où le soin tout particulier accordé à la tenue de ce camp où l’on croisait tipis, tentes, caravanes et camions aménagés. L’alcool et la drogue étaient interdits.
Et dès les premiers jours, les militants ont fait du porte à porte auprès des riverains pour expliquer leur initiative et entendre les éventuelles craintes. Ils ont aussi cherché des « amis », c’est-à-dire des gens volontaires pour défendre leur cause auprès des services de la mairie en cas de plaintes d’autres voisins. Des plannings quotidiens affichés sous la tente centrale listaient ce que chacun devait faire. Les déchets étaient triés, en lien avec une association toulousaine spécialiste de la question.
Des camps ailleurs en France
« Le dernier repas de quartier qu’on a fait était très très chouette » résume Clément. « Nous avons initié des rencontres entre des gens pas habitués à se côtoyer. » Il y avait là des familles de squatteurs, avec leurs enfants, des sans domicile fixe, avec leurs problématiques plus lourdes, des artistes, de jeunes « teufeurs » amateurs de « free parties », des « travellers », partisans d’une vie de nomadisme en roulotte, camionnette ou yourte, des « freegans » qui organisent la récupération de la nourriture dans les poubelles débordantes des supermarchés... Les squatteurs sont aussi très contents d’avoir montré aux personnes plus sédentaires qu’il existe chez certains marginaux la volonté et la capacité de s’organiser. Pour défendre le droit et la possibilité de vivre autrement, « avec moins de biens et plus de liens ». La France des propriétaires défendue par l’actuel gouvernement ne fait pas rêver tout le monde. Et le montage de camps éphémères où l’on apprivoise une vie collective et autogérée est une bonne façon de le prouver.
L’expérience toulousaine a fait des émules. À Limoges notamment. Et dans le sud, la mobilisation se poursuit. Divers réseaux de résistance à la loi Loppsi 2 sont en train de se constituer. Et les squatteurs de Toulouse, repliés dans d’autres endroits de la ville et à la campagne, viennent de replanter leurs tentes au cœur de la Fac du Mirail.
Xavier Renou et Nolwenn Weiler
Photos : © Antiloppsi2
Source / basta!