Nous avons appris en début de semaine la disparition du cinéaste allemande WERNER SCHROETER à l'âge de 65 ans. Nous profitons de la sortie au début de ce mois du DVD de son dernier film "NUIT DE CHIEN" aux Editions Montparnasse, pour lui rendre hommage.
Werner Schroeter avait d'abord suivi des études de psychologie avant d'exercer le métier de journaliste. Mais assez tôt il s'orienta vers le monde plus enchanté du spectacle sous toutes ses formes, et en particulier lors de ses débuts, des formes expérimentales.
Schroeter cherchait, en faisant preuve la plupart du temps d'une créativité surprenante. Dès 1969, ce fut "NEURASIA" qui devait être projeté sur deux écrans simultanément.
La simple étiquette de cinéaste ne dit rien de cet artiste complet, il était souvent au-delà, affirmant un sens inné de l'esthétique et surtout un sens poétique affirmé. Certains le rangeaient dans la case de l'avant-garde. Certes il surprenait souvent, comme Godard, mais dans un registre totalement différent.
Ses thémes favoris revenaient souvent : l'opéra, le théâtre, l'idée de la mort, souvent obsessionnelle, la musique classique, les travestis...Fin connaisseur de la littérature, l'homme aimait voyager, tournant souvent à l'étranger, du Liban au Mexique en passant par Avignon...
Il aimait particulièrement, pour notre plus grand plaisir les actrices françaises, d'Isabelle Huppert à Carole Bouquet, de Bulle Ogier à Arielle Dombasle.
Comme Visconti, Schroeter fait entrer l'opéra dans son cinéma, et intègre le cinéma dans ses mises en scène de théâtre (Salomé, Lucrèce Borgia et Mademoiselle Julie).
Dans "Nuit de chien" sortie en France en 2009, produit par Paulo Branco dont on ne dira jamais assez de bien, le cinéaste adapte à l'écran un roman de l'écrivain uruguayen Juan Carlos Onetti. L'action se situe dans une ville en guerre, parfois dans une gare. Un homme, le toujours excellent Pascal Greggory, tente de retrouver ses anciens alliés et celle qu'il aime. Mais les temps ont changé, les discours aussi et les amis... Une milice féroce règne sur la ville assiégée et c'est le "chacun pour soi" qui domine.
Disons-le, le film n'est pas vraiment optimiste, décrivant un monde dénué d'espoir. Mais comment faire autrement quand l'on parle de guerre, de fascisme, de chaos et de trahisons ? Ce qui nous fascine dans l'oeuvre cohérente de Schroeter, et dans ce film en particulier, c'est l'aspect baroque, funèbre de ses images toujours expressives, très cadrées, jouant avec une infinité de couleurs, d'atmosphères. Il peut rendre séduisante une carcasse de voiture en feu, c'est dire son immense talent.
L'action dans le roman et donc dans le film n'est pas datée, mais l'on ne peut que songer à l'Espagne franquiste et aux horreurs de la guerre civile.
Enfin point ultime de cet ultime film, une distribution de prestique autour de Greggory, Eric Caravaca, Samy Frey, Jean-François Stévenin, Amira Casar, Bulle Ogier et Bruno Todeschini...
Werner Schroeter obtint, lors de la 65e édition de la Mostra de Venise, un Lion spécial du jury pour "son oeuvre dénuée de compromis et rigoureusement innovante depuis 40 ans".
Si l'abord des films de Schroeter n'est pas toujours aisée, comme pour tous les grands créateurs, de Godard à Greenaway en passant par Pasolini ou Bunuel, le moindre effort d'ouverture d'esprit est récompensé assez rapidement.
C'est le cas pour ce DVD, avec en compléments des scènes coupées et un entretien, hélas trop court, avec le cinéaste.
L'artiste nous a quitté, ses films demeurent, c'est la magie du cinéma.
Dan29000
BREVE REVUE DE PRESSE /
"Raffiné, insolent, opératique, lyrique, sensuel, ténébreux et libéré"
LIBERATION
"Schroeter orchestre cette fable sur un ton de farce lyrique flamboyante"
LES INROCKS
"La beauté du film est évidemment dans le contrepoint d'une ode à la vie, d'une célébration de la beauté fulgurant du fond des ténèbres"
LES CAHIERS DU CINEMA
NUIT DE CHIEN
Un film de WERNER SCHROETER
2010 / Couleur / 1H57 / 15 euros
Editions Montparnasse
http://www.editionsmontparnasse.fr/
BANDE ANNONCE / 1'28