En ce printemps morose, les éditions Sonatine nous offrent un thriller vraiment hors du commun, le premier roman de Wendy Walker, avocate spécialisée dans le droit de la famille, Tout n'est pas perdu. Un thriller, très au-delà du genre, qui allie une réelle étude psychologique, quelques questions philosophiques, tout en gardant une trame narrative exemplaire.

 

Ce surprenant roman s'ouvre sur une scène de viol, celui de Jenny Kramer, quinze ans, lors d'une fête dans une petite ville du Connecticut, ville où vit d'ailleurs Wendy Walker. Tout au long du livre, c'est la voix du narrateur, Alan Forrester, thérapeute, qui va nous décrire cette étrange histoire. Au moment où il reçoit en consultation Jenny, celle-ci subit des troubles inquiétants. A cause du viol ou à cause d'un traitement post-traumatique qui lui a permis d'effacer le souvenir de cette agression ? Jenny est détruite, sa famille et ses proches également. Tour à tour, ils vont se succéder dans le cabinet du thérapeute, là où chacun laisse tomber les masques. Si l'esprit de Jenny a oublié le viol, sa mémoire émotionnelle garde toujours la marque du crime.

 

Si au début le lecteur peut craindre un roman psychologisant de plus, rapidement Wendy Walker le kidnappe avec un art accompli du récit. Des questions fondamentales surgissant alors : Qui avait raison, de la mère voulant que sa fille subisse le fameux traitement pour oublier, ou du père qui sait que cela va hypothéquer la recherche du coupable ? Mais Jenny peut-elle vraiment tout oublier ? Supprimer la souffrance, mais supprimer aussi une éventuelle justice ? Quelle reconstruction ? A quel prix ? La mère cherche le retour au bonheur de sa fille, le père cherche l'agresseur. Chacun va se fissurer, avec un dénominateur commun, le poids et le pouvoir de la mémoire, un terrain où la manipulation psychologique règne et où le thérapeute se rapproche peu à peu du violeur. Un des romans majeurs de l'année, pour le fond et la forme, qui oblige le lecteur à se demander, si un jour prochain ce traitement existait, s'il ferait le choix d'oublier ou de se souvenir ? Et à quel prix ? On attend avec impatience l'adaptation au cinéma, déjà en cours par la Warner Bros.

 

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Tout n'est pas perdu

Wendy Walker

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau

Editions Sonatine

2016 / 352 p / 21 euros, papier, 14,99 euros numérique

 

Le site de l'éditeur

 

PRESSE :

 

Wendy Walker

Paru le jeudi 12 mai 2016

"Ce premier roman sera bientôt un grand succès à Hollywood. Mais on le lit sans attendre, tant il est addictif et dérangeant." Julie Malaure, Le Point

 

"Parfaitement ficelé, Tout n'est pas perdu déploie son intrigue sur plus de 300 pages sans jamais perdre le fil, distillant les révélations au compte-goutte, et questionnant avec une précision chirurgicale les mécanismes de la mémoire." Clémentine Goldzsal, Les Inrocks

 

EXTRAIT :

 

 

 

Il l’a suivie à travers les bois derrière la maison. Le sol était jonché des débris de l’hiver, des feuilles mortes et des brindilles qui étaient tombées au cours des six derniers mois et s’étaient décomposées sous une couverture de neige. Elle l’a peut-être entendu approcher. Elle s’est peut-être retournée et l’a peut-être vu portant la cagoule en laine noire dont les fibres ont été retrouvées sous ses ongles. Lorsqu’elle est tombée à genoux, ce qui restait des fragiles brindilles s’est brisé comme des vieux os et a écorché sa peau nue. Son visage et sa poitrine étaient plaquées contre le sol, probablement par l’avant-bras de l’agresseur, et elle a dû sentir la brume des arroseurs automatiques qui aspergeaient la pelouse à peine six mètres plus loin, car ses cheveux étaient mouillés lorsqu’on l’a retrouvée.

Quand elle était plus jeune, elle courait après les arroseurs dans son jardin, tentant de saisir les jets d’eau durant les chauds après-midis d’été, ou de les éviter durant les fraîches soirées de printemps. Son petit frère la pourchassait alors, nu comme un vers, avec son ventre arrondi et ses bras qui battaient l’air sans totalement parvenir à se synchroniser avec ses petites jambes. Parfois leur chien se joignait à eux, aboyant si furieusement qu’il recouvrait leurs éclats de rires. Presque un demi-hectare d’herbe verte, glissante et humide. De grands cieux dégagés avec quelques nuages blancs cotonneux. Sa mère à l’intérieur qui les observait depuis la fenêtre, et son père qui rentrait d’endroits dont son costume portait encore l’odeur – le café éventé du bureau de la concession, le cuir neuf, le caoutchouc des pneus.

Ces souvenirs étaient désormais douloureux, mais elle s’est néanmoins immédiatement tournée vers eux quand on l’a questionnée sur les arroseurs, en lui demandant s’ils étaient allumés quand elle avait traversé en courant la pelouse vers les bois.

 

 

 

Tag(s) : #lectures
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