Le Coup d'Éclat noir de José Alcala

 

 


José Alcala CINÉMA. José Alcala a choisi le genre mal famé au cinéma du film noir pour "Coup d’Eclat" son deuxième long métrage qui sort sur les écrans ce mercredi 27 avril. L’histoire: l’enquête en eaux troubles d’une femme flic sur le meurtre d’une prostituée sans papier.

Avec l'impeccable Catherine Frot pour interprête, José Alcala joue dans la même cour que celle du cinéaste new-yorkais Cassavetes réalisant “Gloria”. Du cinéma d’auteur privilégiant le jeu des acteurs, la véracité des décors et des situations, le refus de la prouesse technique. Au bénéfice du juste.

Fidèle à la salle de l’Utopia où il avait présenté son documentaire ouvrier "Les Molex des gens debout", José Alcala y est revenu pour l’avant-première de "Coup d’Eclat". Entretien:

José Alcala. Photo: agat Films

Libe Toulouse : Pourquoi avez-vous choisi de réaliser un polar ? 

José Alcala : Le film noir, permet de faire un état des lieux de la société en abordant les choses de manière frontale, au quotidien, tout en surprenant le spectateur. J’ai cependant bousculé les règles du genre: l’enquête n’avance pas d’une manière impeccable. Fabienne, l’officier de police incarné par Catherine Frot, se plante. Elle a des moments de dérive. Malgré tout, elle s’accroche et elle finit par trouver quelque chose. Je voulais qu’on puisse s’identifier à elle. Autour d’elle, les flics que je mets en scène correspondent à ceux que j’ai rencontrés pendant la préparation du film.  

Coup d'éclat_Affiche def Dans votre film ces policiers n’ont pas le temps ni les moyens d’enquêter.   

José Alcala : Tous les figurants policiers sont de vrais policiers. La majorité d’entre eux en avaient marre de la politique du chiffre qu’on leur impose. Ça les oblige à ne faire que des contrôles et des arrestations d’étrangers en situation irrégulière. Au détriment de leur vrai travail de policiers qui est de résoudre des affaires criminelles, aider et secourir les gens. Tous le vivaient très mal.  Même les types du syndicat Alliance, pourtant réputé à droite.
Après une projection en avant-première, une femme commissaire de police dans le sud de la France m’a écrit qu’elle avait eu la nausée en voyant le film car c’était vraiment ce qui se passait.  

Le film se déroule à Sète. On est cependant bien loin de l’image touristique de cette ville.  

José Alcala : Au delà de la plage et des joutes sur le canal, le côté gris et industriel de cette ville m’intéressait. C’est un port de commerce. Il y des usines en friche. J’aime cette esthétique. On la retrouve aussi dans le fond sonore avec des ambiances enregistrées dans ces endroits là. Ce paysage urbain alimente le film en continu. C’était important que le poste de police, (l’un des lieux principaux du film ndlr) se situe à proximité de cet environnement. 
 

Comment travaillez-vous ?

José Alcala : Le point de départ, ce sont les décors. Je savais que j’allais faire un film noir sans pour autant avoir l’histoire. Je me suis d’abord déplacé dans les décors. Ils sont indissociables des personnages. Pour ce film, je suis beaucoup allé dans des commissariats. Petit à petit des choses ont émergé

Au-delà de l’intrigue policière, "Coup d’éclat" est aussi un film sur la classe ouvrière.

José Alcala : C’est vrai. Je suis issu d’un milieu ouvrier. J’en ai gardé cette image de personnes en résistance qui ont obtenu des acquis sociaux en se battant. J’ai de la nostalgie pour ces gens qui luttaient pour de meilleures conditions de vie. Cela n’a rien de poujadiste. C’est là et ce sera encore là dans mon prochain film. Avant ce film j’avais réalisé “Les Molex des gens debout”, documentaire sur la lutte des ouvriers de l'usine de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne)

Karim Seghair, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, interprète un ouvrier immigré en France...

José Alcala : Les gens qui ont reconstruit la France pendant les trente glorieuses (de 1945 à 1973 ndlr) sont en partie des ouvriers maghrébins que l’on a fait venir pour ça. Aujourd’hui, ces derniers vivent six mois par an dans des foyers Sonacotra, uniquement pour bénéficier de la retraite à laquelle ils ont droit. Dans ces endroits, j’ai rencontré des hommes cassés par le travail. Ce sont des  étrangers ici et dans leurs pays. Des hommes au milieu de la Méditerranée. Karim Seghair a amené  beaucoup de propositions pour ce rôle. Il m’a dit s’être inspiré de son père, quelqu’un de très digne, comme le personnage qu’il interprète.

Les émotions sont là mais sans jamais tomber dans le pathos.

José Alcala : Dés que je sens que les choses commencent à déborder dans ce sens-là, j’arrête tout. L’idéal est d’essayer de poser les questions le mieux possible. Ça fait partie du métier de réalisateur. Dans le film, ça passe par l’image d’un drapeau du Parti communiste exhumé de l’armoire de la mère de l’héroïne. Ce drapeau usé jusqu’à la couenne fait poser la question de savoir ce que sont devenus les valeurs sociales que ce parti défendait.

Propos recueillis par Jean-Manuel ESCARNOT

Coup d’Eclat de José Alcala avec Catherine Frot, Karim Seghair, Marie Reynal. Durée : 1h30. Sortie : 27 avril.

 

Source : LIBERATION

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