L’Assemblée nationale a validé à 17 heures la commission d’enquête parlementaire sur «le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi
et la surveillance des mouvements radicaux armés» à travers les affaires Merah, Tarnac et Karachi.
L’initiative venait du groupe Europe Ecologie-les Verts, à commencer par Noël Mamère ayant exercé son droit (un seul par session) de créer une commission d’enquête à la demande insistante
des familles de militaires victimes de Mohamed Merah : Chennouf, Ibn Ziaten et Legouad.
Seul un vote défavorable des 3/5e des 577 députés aurait pu l’empêcher. Le Parti socialiste a bien failli s’y opposer, la jugeant «inopportune
politiquement», comme l’a souligné mardi le rapporteur PS du texte, Dominique Raimbourg, devant la commission des lois. Il a invoqué le fait qu’une commission d’enquête risquait de se
heurter «au secret défense» et d’entrer en concurrence avec la mission d’évaluation des services de renseignement
conduite actuellement par Jean-Jacques Urvoas, à la demande expresse du ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
Le PS frileux
Alors que le président de la commission des lois enchaîne les auditions de patrons de services secrets et doit rendre son rapport en mars 2013, le PS ne voyait
pas l’intérêt d’un doublon. Or, les familles de victimes de Mohamed Merah, dont la dangerosité extrême n’a pas été détectée par les services de renseignements intérieur et extérieur français,
ont pesé, comme l’explique Me Samia Maktouf, pour obtenir «une commission d’enquête des élus de la République plus indépendante, en dehors de tout clivage politique, et tout
esprit de revanche, afin que plus jamais cela ne se reproduise». Après moult tractations, le PS a estimé que cette commission d’enquête était toutefois «juridiquement recevable»
car «aucune poursuite judiciaire n’est en cours» contre des patrons ou officiers de services de renseignement. Les députés socialistes ont donc décidé de ne pas voter contre mais de
s’abstenir.
Selon nos informations, le rapporteur de cette commission d’enquête serait Jean-Jacques Urvoas lui-même et le président Christophe Cavard, député écologiste du Gard où habitent les parents
d’Abel Chennouf, parachutiste de Montauban tué par Mohamed Merah. Plus conciliant et soucieux de ménager les susceptibilités, Christophe Cavard – qui avait signé le texte de résolution avec
Noël Mamère – a d’ores et déjà expliqué que la commission d’enquête n’empiéterait pas sur les plate-bandes de la mission d’évaluation d’Urvoas mais serait «complémentaire» : «Le but
n’est pas de poser les mêmes questions aux mêmes représentants des services de renseignements.» Dotée de pouvoirs supplémentaires et de trente commissaires (au prorata de la
représentation des groupes à l’Assemblée), la commission d’enquête parlementaire s’emploiera dès sa première réunion «à bien délimiter» l’objectif à atteindre. Pour Jean-Jacques
Urvoas, le thème du «suivi et surveillance des mouvements radicaux armés» n’est pas défini dans le temps et trop général : faut-il englober les Tamouls ou le PKK? Le futur rapporteur
entend «mieux cerner le sujet», n'hésitant pas à affirmer que la nouvelle commission n’a pas à entrer dans le détail des dysfonctionnements possibles des services dans les affaires
Merah, Tarnac et Karachi…
SOURCE / LIBERATION.FR