Un "désobéisseur" demande un moratoire informatique à l'éducation nationale 

Faut-il stopper les fichiers et prendre le temps de réfléchir à leur usage dans l'éducation nationale ? C'est la question que pose Bastien Cazals, directeur d'école et "désobéisseur" historique dans une lettre adressée à François Hollande alors que l'Education nationale vient de poser un lapin au collectif contre Base élèves, le grand fichier des écoliers.

 

 


 

" Si je m'adresse personnellement à vous, c'est également en raison de l'impasse dans laquelle je me trouve professionnellement", écrit Bastien Cazals dans une lettre du 2 juillet envoyée au président de la République. "Je ne peux, en conscience, passer outre les recommandations, faites à la France par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, « de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de prévenir une utilisation abusive des informations » et je sais ce qu'il en coûte de désobéir... Or, la semaine dernière, mon supérieur hiérarchique m'a rappelé mes obligations de directeur d'école concernant le suivi informatique des élèves : dès la rentrée prochaine, je serai de nouveau considéré en faute". Bastien Cazals a à plusieurs reprises été sanctionné financièrement pour avoir refusé d'appliquer à la lettre la réforme Darcos et surtout pour l'avoir fait savoir.

 

Il fait allusion à une décision du Comité des droits de l'enfant de l'ONU de juin 2009 qui s'inquiétait de " la multiplication des bases de données dans lesquelles des données concernant les enfants sont collectées, stockées et utilisées pendant de longues périodes" en France. Le Collectif contre Base élèves (CNRBE), le fichier des écoliers, a fait condamner à plusieurs reprises l'Etat du fait de ces fichiers. Récemment le CNRBE a mis en évidence l'existence sur Internet d'extraits du fichier Affelnet contenant des indications personnelles sur des collégiens accessibles à tous. Coïncidence ? Le rendez-vous du CNRBE au ministère le 2 juillet a été annulé...

 

Outre Base élèves et Affelnet, le ministère a décidé, juste avant le départ de Luc Chatel, de créer de nouveaux  fichiers parfois surprenant. En mars 2012, le ministère a créé deux nouveaux fichiers informatiques dont "Téléservices LPC", un fichier qui enregistre l'état des compétences des millions d'élèves français. En janvier le fichier national des absences était revu à la baisse : il n'enregistre plus que le nombre de demi journées d'absences légitimes. Le Café a interrogé en mai 2012 le ministère sur les finalités de ces fichiers sans obtenir de réponse. Car on s'interroge sur leur dangerosité et sur leur utilité. A quoi ça rime d'avoir en stock quelque part l'état des compétences des millions de jeunes Français ?

 

"Je vous demande, en tant que garant des valeurs de la République, de bien vouloir prononcer un moratoire sur l'actuel système d'information du ministère de l'Education nationale", écrit B. Cazals. "Une telle décision peut être prise immédiatement : elle ne requiert aucun financement particulier et sera sans conséquence sur le fonctionnement de l'institution – l'école ayant efficacement mené, de 1890 à nos jours, sa mission avec des registres de matricules, des dossiers scolaires et des enquêtes statistiques, en version papier. Cette décision courageuse laisserait le temps à la concertation et à la réflexion, permettrait à des fonctionnaires soucieux de la protection de l'enfance d'éviter les sanctions, et prémunirait les enfants de voir un jour tout leur dossier scolaire entre les mains de leur futur employeur."

 

François Jarraud

 

La lettre sur le blog de B Cazals

Désobéisseurs, le mouvement qui secoue l'Ecole

L'Expresso du 9 mai 2012

Par fjarraud , le mardi 03 juillet 2012.
Source : le café pédagogique
Tag(s) : #actualités
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