franck.jpgDans ce troisième livre d'Anne Savelli, il y a deux personnages.

Le premier est la narratrice dont nous allons entendre la voix, une voix qui peu à peu s'incruste dans notre esprit, puis dans notre coeur, une voix qui, à la fin du roman va rester longtemps en nous, au plus profond.

Sans doute est-ce cela, le talent.

Le second personnage, bien entendu, se nomme Franck.

Difficile de dire lequel de ses deux personnages est le plus important dans le livre, disons qu'ils sont là ensemble, mais différemment. La narratrice est toujours là, et Franck n'est jamais là.

Mais il y a des absences qui sont des présences...

La narratrice a aimé Franck.

Au fil des pages, elle tente de reconstruire l'itinéraire de l'homme aimé.

Franck nous apparait par petites touches. Un des ces êtres qui n'a pu se trouver une place dans une société mortifère. Certains pourront le nommer, puisque la société aime mettre des noms, ou des chiffres, sur les humains, marginal, ou encore SDF, ou bien squatteur.

La liste pour qualifier Franck pourrait être longue, d'autant plus qu'il est passé par la case "prison" ajoutant à toutes ces dénominations un matricule.

Franck était en errance dans la ville et dans sa vie, avec juste un sac où toute sa vie en marge tenait. C'est peu, mais c'est beaucoup. Pour lui, l'errance avait des noms, Gare du nord, Les Halles, Jourdain, des bars, un squat, et puis aussi des Maisons d'arrêt...

Alors la narratrice nous parle de la prison, ou des prisons...

Ainsi que nous l'écrivions il y a quelques mois à propos du magnifique film de Stephane Mercurio "A côté", la prison ne punie pas que ceux qui sont à l'intérieur...

Pour ceux du "dehors", c'est les longs trajets pour quelques minutes au parloir, c'est les diktats de l'AP (l'administration pénitentiaire), les attentes et parfois même les humiliations. Une sorte de double peine pour les visiteurs, la première peine de voir l'être aimé derrière des barreaux, la seconde de subir souvent les conditions indignes de l'AP.

Anne Savelli sait avec une justesse aussi rare qu'émouvante restituer cela.

On comprend assez vite, et c'est une des qualités de ce roman, qu'au-delà du portrait pudique de Franck, c'est le portrait de notre société qui est esquissé avec subtilité. D'ailleurs on sait bien que l'on peut juger une société en sachant comment elle traite les plus faibles. Les prisons étant souvent le miroir des sociétés. Et le spectacle de la France n'est pas vraiment brillant.

Au service de son sujet, l'écriture de l'auteur est une belle réussite permettant de matérialiser ses deux personnages qui vivent totalement dans notre esprit. L'écriture est précise, incisive, souvent percutante, parfois poétique...

 

"On écrit parce qu'on n'envoie pas son corps par la poste, c'est tout."

 

Anne Savelli vit actuellement à Paris et a déjà publié deux livres en 2007 et 2008, "Fenêtres, Open space" et "Cowboy Junkies/The Trinity Session"...

 

Pour ceux qui ne connaissent pas encore les Cowboys Junkies, groupe rock de Toronto de Margo Timmins and brothers, n'hésitez pas à l'écouter, en commençant par "Trinity session" datant de 1988, une pure merveille à déguster en boucles...

 

Dan29000

 

On peut aussi voir deux sites : ICI et LA

 

Franck

Anne Savelli

Editions Stock

Collection La forêt

2010 / 304 p / 19 euros 

Tag(s) : #lectures
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