La dignité est féminine

Le traitement médiatique des remarques des flics sur le viol

source : Workers Solidarity Movement, ‘The media and the Garda rape remarks’, 25 avril 2011


Les remarques des policiers plaisantant à l’idée de violer une femme militant dans le mouvement Shell to Sea ont donné lieu à des suites médiatiques qui étaient, et c’est à vomir, complètement prévisibles. Se tenant au plus près de la version donnée par le Garda Press Office, agence de presse de la police, les quotidiens d’information ont décidé qu’il ne s’agissait que d’un incident isolé. Selon eux, il est certes inapproprié de la part d’un policier de plaisanter à l’idée de violer une femme interpellée, toutefois une enquête est menée à ce sujet, et de toutes façons il ne s’agissait que de blagues échangées en privé entre collègues. De même, point n’est besoin d’ouvrir un débat sur les attitudes sociales envers les femmes ou sur la militarisation de la gestion des protestations politiques dans le Nord du comté de Mayo ou ailleurs. Et c’est là que surgit de sa boîte Kevin Myers qui nous explique que dans cette affaire, ce sont les hommes qui sont les véritables victimes, opprimés qu’ils sont par la police de la pensée ‘politiquement correcte’, ou encore Vincent Browne, qui nous informe que les blagues concernant le viol « sont un ingrédient du jargon familier des mâles irlandais », et voilà tout.

Cependant, ces Gardaí n’ont pas fait leurs remarques dans le vide, ils les ont faites à un certain moment, en un certain lieu et dans un contexte culturel précis. Ces remarques sont le reflet à la fois d’une culture à laquelle appartiennent encore les structures et les attitudes patriarcales et sexistes, et aussi des forces de police à qui plein droit est donné d’agir avec la plus grande brutalité dans la répression des révoltes autour du projet de pipeline de Corrib.

Un article du Irish Independant du 10 avril nous dit que « jamais personne n’a risqué de se faire violer. On ne peut pas être violé par une blague ». Le problème est que les blagues ne sont jamais uniquement des blagues. La raillerie n’est pas que raillerie. Les blagues contribuent à asseoir une culture dans laquelle les hommes ont le pouvoir sur les femmes, en renforçant les attitudes sexistes chez les hommes, en déshumanisant les femmes et en banalisant ce crime horrible qu’est le viol, qui est pour ainsi dire toujours commis par les hommes contre les femmes.

Nous vivons dans une société où les femmes sont supposées rire poliment aux grosses blagues sexistes qui les visent, de peut d’être cataloguées comme des « rabat-joie », où les comédies sont remplies de pointes d’humour qui rivalisent d’agressivité envers les femmes et dont le langage misogyne se cache derrière la défense de « l’ironie », car si les femmes se plaignent, c’est parce qu’elles ne sont pas assez sophistiquées pour comprendre la blague. Le sexisme ordinaire, dont les blagues sur le viol sont la forme extrême, crée un contexte dans lequel les hommes se sentent supérieurs aux femmes, dans lequel certains hommes se sentent en droit de commettre le viol, et dans lequel les femmes violées ont peur de porter plainte. Seule une femmes violée sur dix porte plainte, et seuls 7% des cas enregistrés vont jusqu’aux tribunaux.

Pendant ce temps, le ministre de la justice Alan Shatter, parlant à une conférence de la Garda Representative Association, a accusé les protestataires de Shell to Sea « d’exploiter la controverse pour leurs propre intérêt politique… dans le but de saper la confiance publique envers la Garda Síochána [gardiens de la paix, police du Sud] et de mettre en danger la gestion de la dispute. » Comme le dit Caoimhe Kerins, porte-parole de Shell to Sea pour Dublin: « Voilà un drôle d’éclat de voix de M. Shatter. Ceux qui ont sapé la confiance envers la Garda Síochána, ce sont ces mêmes Gardaí qui ont, depuis des années, usé de violence, d’intimidation et d’abus pour détruire la protestation pacifique. »

Pris dans ce contexte, les commentaires des policiers ne sont absolument pas de « simples blagues », mais sont partie prenante de l’atmosphère d’intimidation et de violence qui entoure la politique étatique en défense de la compagnie Shell, politique qui a mené à de très nombreux blessés, dont certains grièvement. Willie Corduff, l’un des Cinq de Rossport emprisonné pour son opposition au projet, avait été tabassé en pleine nuit dans un local appartenant à Shell, et le leader de la campagne, Pat O’Donnell, a vu son bateau de pêche être arraisonné et coulé par des hommes masqués en pleine mer. D’autre part, d’anciens agents de sécurité du site de Shell sont allés en Bolivie pour participer à une tentative de coup d’Etat (l’un deux, Michael Dwyer, a été exécuté par la police).

Ce n’est pas la première fois que des menaces de violence sexuelle sont proférées par les Gardaí contre des femmes activistes, par exemple la femme de John Monaghan, un des leader locaux de cette campagne, en avait été victime elle aussi. Le fait que les médias traitent les remarques des policiers comme un incident isolé de raillerie inappropriée et ne soulèvent jamais les questions importantes comme les attitudes sexistes qui règnent dans la société irlandaise (et en particulier dans la « culture de cantine » des policiers), la violence dans la répression de la protestation de Corrib, ou le détournement par Shell de milliards d’euros de pétrole et de gaz naturel, correspond bien à leur rôle de valets des riches et des puissants, ayant décidé de nier ou de minorer les actions violentes de la police et des agents de sécurité privés qui travaillent pour Shell dans le comté de Mayo.

 

Tag(s) : #actualités
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