Article écrit pas Eamonn McCann dans le Belfast Telegraph du 12 juillet 2012, sous le titre "Why the Olympics are the deadliest games in town".

 


Ils n'ont pas encore équipé d'Uzis les policiers qui font la circulation, mais au train où vont les choses, ça n'est pas une hypothèse à écarter. Parmi les équipements des Jeux Olympiques figurent un porte-avion ancré dans la Tamise, des drones de surveillance qui vont et viennent dans le ciel et une barrière électrifiée d'une circonférence de 11 miles ceinturant une "zone sécurisée", renforcée d'escouades des forces spéciales et de 55 équipes de chiens d'attaque.

Ajoutez à cela des rampes de lancement de missiles sol-air placés sur les toits de certains immeubles, des armes sonores capables de disperser des foules en les bombardant de sons qui cassent la tête, des avions de chasse Typhoon et des hélicoptères de combat Lynx parés prêts à décoller, des bataillons de troupes marines en alerte 24h/24 et bien d'autres choses. Aux J.O. de Pékin il n'y avait pas de drones ou de missiles, ni de porte-avions sur le fleuve Yongding. Faut-il penser que la Chine est plus décontractée et libérale que Londres en ce moment, ou qu'elle a moins besoin de faire craquer nerveusement ses citoyens au point de leur faire abandonner leurs droits élémentaires?

Il y a plus de militaires impliqués dans la sécurisation des Jeux Olympiques que de forces du Royaume-Uni éployées en Afgahnistan pendant le même laps de temps. La hiérarchie militaire "fusionne" avec les structures dirigeants de la compagnie de sécurité G4S. Si on englobe les effectifs policiers, le nombre de personnels de sécurité atteint 50.000 personnes. En outre, des "patrouilles de protection des marques" ['brand protection teams']  vont faire des ratissages réguliers pour empêcher les marchands à la sauvette de vendre à des visiteurs naïfs de faux t-shirts olympiques et de fausses poupée vaudous Boris en peluche. Del Boy n'aurait pas pu survivre à ces jeux, vraiment pas. [Del Boy est le nom d'un fameux personnage d'une série télé, il s'agit d'un menteur invétéré mais sympathique].

Ces J.O.ne sont pas seulement le plus grand événemement sportif de grande-Bretagne, mais le plus grand déploiement de forces de sécurité et d'armement jamais vu en temps de paix. Les gardiens des jeux se croient autorisés à imposer un durcissement draconien, comme on l'a vu la semaine dernière quand le management du site O2 à Greenwich a défendu un des ses employés de sécurité qui avait détenu ce journaliste qui filmait le site depuis un terrain public, tout en défendant son geste au nom de la "législation anti-terroriste". Répondant à la protestation émise par l'Union Nationale des Journalistes, un porte-parole du site O2 a déclaré que "l'approche et la prise, en charge de la situation par nos personnels de sécurité était tout à fait appropriée."

L'opération olympique implique aussi une prise en main remarquable de pans entiers de la vie quotidienne à Londres. Une des conditions pour l'attribution des Jeux à une ville est que celle-ci "obtienne le contrôle de tout l'affichage publicitaire de la ville, de ses transports, de ses aéroports, etc. pour toute la durée des jeux et pendant le mois les précédant, pour soutenir son programme marketing." Cette exigence a été satisfaite par la loi sur les Jeux Olympiques de Londres, passée en 2006, introduite par Tony Blair et approuvée par le parlement de Westminster sans opposition.

Des équipes de protection des marques vont patrouiller les pistes d'athétisme, les terrains de football, les rings de boxe, les piscines, etc. pour  s'assurer qu'aucun compétiteur ou officiel n'arbore des "habits ou des accessoires pourvus de messages commerciaux autres que ceux qui sont officiellement prévus". Par exemple, les protecteurs des marques veilleront à ce qu'aucun athlète ne parjure sa promesse de "ne porter que des vêtements Adidas pendant toute la période des jeux, en qualité de participant ou de spectateur dans l'enceinte olympique". Mais comme certains athlètes britanniques et possibles médaillés olympiques, tels Mark Cavendish ou Mo Farah, ont des accords de sponsorship privés avec le Nike, le grand rival d'Adidas, des équipes d'avocats aussi bien payés à la seconde qu'Usain Bolt, sont parvenus à empêcher le désastre en négociant un accord par lequel les sportifs Nike auront le droit de porter leurs chaussures Nike, définies pour l'occasion en tant qu'"équipement technique", pour le temps de la compétition, mais s'engagent en contrepartie à recevoir pieds nus leur médailles sur le podium, si tel est le cas.

BP [British Petroleum], propriétaire de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon qui a explosé dans le Golfe du Mexique en 2010, tuant 11 travailleurs et provoquant la plus grande marée noire de toute l'histoire américaine, est le 'partenaire officiel des jeux pour le développement durable'. Les services informatiques seront fournis par Atos. Cette compagnie est particulièrement fière de son sponsorship additionnel dans les Jeux Para-Olympiques. Atos s'était récemment fait connaître pour ses licenciements touchant particulièrement ses employés ayant un handicap.

Au cœur du Parc Olympique sera ogé le plus grand des quatre restaurants McDonald's fabriqués pour l'occasion, qui a 1.500 sièges et qui pourra nourrir cinq milliers de sobres et tempérants athlètes avec du burger bien gras à chaque heure du jour. Et ainsi de suite.

Les sites internet officiels ne donnent aucune indication au sujet de la mise hors-service, après les Jeux, des missiles sol-air, de la barrière électrifiée, des drones, etc. ni aucune information concernant le retrait des employés des compagnies de sécurité privées qui se sentent en droit d'utiliser les procédures d'urgence de la législation "anti-terroriste".  Ce n'est peut-être pas pour rien qu'ils parlent tant du "legs" que laisseront ces Jeux.

http://www.belfasttelegraph.co.uk/opinion/columnists/eamon-mccann/uk-olympics-are-the-deadliest-games-in-town-16184030.html