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Quand Margaret s'éveille près d'une forêt, non loin de Berlin, elle n'arrive pas à savoir pourquoi elle est dans cet endroit, pourquoi elle est là, déguenillée, et qu'a-t-elle fait la veille ? Un début de roman qui pourrait nous faire penser à un polar. Mais non. Il s'agit de bien autre chose, il s'agit d'un premier roman tout à fait original, particulièrement ébouriffant, qui avec maîtrise et ingéniosité, tient en haleine, avec une inventivité assez rare.


 

Plusieurs mois plus tard, nous allons suivre pas à pas la vie de Margaret. Elle est guide, faisant visiter Berlin, Berlin et son lourd passé nazi, à des hordes de touristes. Elle tente, avec difficulté, de faire partager à ces gens ses connaissances historiques sur le IIIe reich, dans cette ville où les vestiges de la barbarie nazie sont encore nombreux. Au-delà de son emploi de guide, Margaret étudie l'histoire.

 

Peu à peu Margaret est victime d'hallucinations. Régulièrement une femme à tête de faucon la guette un peu partout. Et surgissent aussi des canards-baleines, et une gynécologue aveugle. Avec une régularité inquiétante, les bâtiments des rues de Berlin se transforment en chair...

 

S'il faut au début de ce roman faire un effort pour entrer dans cette atmosphère déroutante et parfois angoissante, l'immense talent de l'auteur nous permet par la suite d'être totalement envoûté par les avancées déconcertantes de l'aventure de Margaret. Le lecteur est alors emprisonné par les entrelacs de métamorphoses se perdant dans un profond labyrinthe.

 

Au fil des 38 chapitres divisés en 3 parties, un formidable réalisme magique s'installe. Impossible d'échapper à la fascination de cette histoire qui pourrait évoquer Kafka, David Lynch ou Enki Bilal...

 

Ida Hattemer-Higgins, native de l'Ohio, a étudié la littérature allemande et chinoise, habité le Japon, l'Inde, la Suède et enfin Berlin où elle fut justement guide mais aussi traductrice. Ce qui surprend dans son premier roman, est une formidable maîtrise de la narration qui happe réellement le lecteur. Ce qui est assez rare lors d'un premier livre.

 

Margaret va tenter de comprendre l'origine de ses troubles, comprendre qui elle est, comprendre la signification de son amnésie, de l'oubli au déni. L'amnésie humaine pouvant alors renvoyer à l'amnésie de l'histoire.

 

Un grand roman aussi puissant qu'original qui demeura longtemps dans nos esprits, une fois sa lecture achevée...

 

 

 

Dan29000

 

 

L'histoire de l'Histoire

Ida Hattemer-Higgins

Editiions Flammarion

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Philippe Giraudon

2011 / 402 p / 21 euros

 

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Interview (extrait) RUE 89

Rue89 : Comment vous est venue cette histoire ?


Ida Hattemer-Higgins : Je faisais visiter les sites du Troisième Reich et du camp de Sachsenhausen. Un jour, un touriste brésilien m'a dit être venu à Berlin pour rechercher la maison où sa mère juive avait vécu avant qu'elle et sa famille fuient en 1938. Il cherchait son école et la synagogue. Tout avait été détruit.

Après la visite, j'ai essayé de l'aider. Nous avons cherché, tenté de trouver une trace, même ténue. A un moment, nous avons trouvé le nom de son grand-père, écrit quelque part dans un registre. C'est tout.

A ce moment-là, j'ai éclaté en sanglots, ce qui ne me ressemble pas. J'ai cru anormal que moi, pas du tout concernée par ce souvenir, je connaisse alors une telle douleur. J'ai alors réalisé que mon travail m'avait rendue vulnérable. Je l'ai senti très personnellement, et mon lien avec l'Histoire a changé en même temps que la façon dont j'envisageais alors ma vie. C'était la clé du roman que j'essayais d'écrire.

 

Pour imaginer une histoire si puissante, si tragique, c'est aussi dans votre propre histoire que vous avez dû aller fouiller, non ? Quelles ont été vos sources ?


Un auteur peut inventer une histoire, des images, des détails et des personnages. Mais ce qu'un auteur ne peut pas inventer, c'est l'obsession. L'obsession thématique d'un roman est toujours autobiographique.

La ruine allemande est l'histoire d'une soumission grandiose. Il y a un trajet obscur et sombre qui vous fait vouloir vous « autodissoudre », renoncer à tout action personnelle au profit d'une extase, d'une coupure. Je pense que les Allemands se sont engagés dans une voie telle en devenant enivrés, en masse, par un guide comme Hitler.

Ce qui a, selon les mots d'Hannah Arendt, « usurpé la dignité de la tradition occidentale ».

Pour répondre à votre question : j'ai eu le même métier que mon personnage de Margaret. J'ai vécu son isolement, et j'ai vécu la même histoire d'amour qu'elle…

 

 

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EXTRAIT / Chapitre un

 

Les océans montèrent et les nuages balayèrent le ciel. La marée des peuples reflua d'amours en trahisons, de gratte-ciel en ruines, s'engouffrant dans des murs percés de brèches, à travers des enfants resurgis, et bientôt ce fut l'an 2002. À l'aube d'un jour de septembre de cette année, dans une forêt des environs de Berlin, une jeune femme s'éveilla d'un bref sommeil sans savoir où elle se trouvait. Plusieurs mois de son existence s'étaient effacés de sa mémoire. Elle était aussi fraîche qu'un nouveau-né.

Elle se redressa. Ses cheveux étaient longs, sa tenue masculine : un pantalon raide, un chapeau mou, un large pardessus de laine. Cependant elle portait des bottes à talons hauts. Sous son menton s'étendait le corps d'une femme de harem, souple et opulent, épanoui dans la certitude de sa force, de sa jeunesse, de sa bonne santé insolente. Son visage en revanche était celui d'un mandarin, accablé en permanence de sensibilité et d'épuisement nerveux. On voit parfois ce genre de femmes sur les cartes postales obscènes de la Belle Époque. Alors même qu'elles offrent leur corps avec désinvolture, leur visage est marqué par la tension pathétique de l'intelligence. Leur sourire concupiscent, fragile et las, leur donne une grâce mutine. En somme, Margaret avait l'air mûre pour les ennuis, où d'ailleurs elle était déjà plongée.

La nuit était en suspens. Margaret regarda à la ronde et vit les bouleaux. Elle tendit la main vers son sac, un porte-documents en cuir gisant près de l'arbre contre lequel elle était assise. Ce mouvement lui fit mal et elle s'aperçut que ses deux mains étaient endolories. Elle ne savait pas pourquoi.

 

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PRESSE /

 

« L’un des frissons de cette rentrée. Une fascinante plongée dans le mal doublée d’une réflexion sur la mémoire. »
Les Inrockuptibles

 

« Roman d’une puissance d’évocation étonnante, presque déstabilisante. [...] Un roman happant qui diffuse une sorte de réalisme magique. »
Le Monde, Raphaëlle Leyris

 

« Un impressionnant premier roman, habilement érudit et savamment construit. »
Libération, S.B.

 

« Introspectif, fantastique, troublant et ensorcelant, ce premier roman écrit avec finesse est un des essentiels de la rentrée. »
L’Hebdo (Suisse)

 

« Un effarant premier roman. Un brûlant monument de réalisme magique. »
La Libre Belgique, Francis Matthys

 

« Un roman hypnotique. »

Les Inrockuptibles

 

Tag(s) : #lectures
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