Libye : « Transformez vos condamnations creuses en actes »

 

Un groupe de trente intellectuels du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord a appelé samedi le Conseil de Sécurité des Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue des Etats arabes à mettre en place des plans de contingence afin de protéger la population civile de nouvelles atrocités en Libye. Nous reporduisons leur appel complet à titre de document. [Rue89]

 


A l’attention des Etats membres du Conseil de sécurité des Nations unies, de l’Union européenne, de la Ligue des Etats arabes et de l’Union africaine

En tant qu’experts, intellectuels et citoyens du monde arabe, nous écrivons pour vous appeler à transcrire vos condamnations creuses en une action tangible qui permette de protéger le peuple de Libye d’un nouveau massacre.

Nous ne pouvons ni ne voulons rester là à être les témoins d’un dictateur cruel qui extermine son peuple. Vos seuls mots n’empêcheront pas Kadhafi de commettre des crimes de guerre à l’encontre des civils. L’expression de votre aversion ne l’arrêtera pas dans le recrutement de mercenaires visant à tuer et à mutiler ceux suffisamment courageux pour braver sa tyrannie. Nous faisons appel à vous en tant que dirigeants disposant du pouvoir nécessaire pour mettre un terme à cette horreur. Votre échec à cet égard entacherait durablement la conception de la responsabilité des dirigeants de ce monde, et de l’humanité elle-même.

Le peuple libyen traverse un moment décisif de son histoire. Ses demandes pour le respect des droits humains fondamentaux et la fin de 42 ans d’une oppression cruelle sont légitimes. Nous ne devrions pas rester silencieux et les regarder payer de leur sang le prix de ces demandes. Sans une action urgente du Conseil de sécurité de l’ONU, soutenue par l’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue des Etats arabes, la fenêtre d’opportunité permettant de protéger les populations civiles de la menace de nouvelles atrocités va se refermer.

Nous croyons qu’il relève de la responsabilité personnelle et morale de chacun d’entre vous de faire en sorte qu’une action immédiate soit entreprise, en conformité avec le chapitre VII de la charte des Nations unies, pour arrêter ce bain de sang.

La population libyenne a eu le courage de défier un dictateur et de tenir tête à sa barbarie et à sa brutalité. Leur sang se déverse maintenant dans les rues de Benghazi, Beida, Tripoli et d’autres nombreuses villes. Cela résulte en partie de l’absence d’une pression internationale effective pour freiner un assassin qui n’hésite pas à utiliser la force létale contre son propre peuple.

Nous exhortons le Conseil de sécurité des Nations unies, la Ligue des Etats arabes et l’Union européenne à protéger dès à présent la population civile en Libye. Nous exhortons les dirigeants internationaux à répondre de leurs obligations et à lancer immédiatement la mise en œuvre des actions suivantes :

· Convenir de plans de contingence pour une intervention internationale sous leadership régional arabe, afin de fournir une protection aux civils sur le terrain et de permettre l’imposition rapide d’une zone d’exclusion aérienne sous mandat des Nations unies au-dessus de la Libye si de telles mesures s’avéraient nécessaires pour protéger les civils de nouvelles atrocités ;

· Assurer que justice sera faite aux victimes des attaques conduites depuis le 17 février 2011 en soutenant l’appel de la Haut Commissaire de l’ONU aux droits humains pour une enquête indépendante sur l’usage de la violence systématique contre les civils ;

· Assurer un gel des avoirs de Kadhafi, de sa famille et de ses généraux, et imposer des sanctions ciblées immédiates sur le régime Kadhafi ;

· Imposer un embargo immédiat sur les armes.

Seule une action de cet acabit peut aider à protéger les vies de centaines de milliers de civils actuellement en danger. Kadhafi et ses sbires ne reculeront pas devant votre condamnation. Ils exercent plutôt sur vous un chantage pour vous paralyser en menaçant de suspendre un commerce lucratif ou d’ouvrir les vannes de l’immigration. Le temps est compté. Nous vous appelons à faire preuve de courage et d’un leadership décisif afin d’éviter ce qui pourrait être l’une des pires atrocités de notre temps.

Signataires :

Nabil El Arabi - Ancien juge à la Cour Internationale de Justice, Egypte ; Gamil Mattar - Ecrivain, Egypte ; Taher Kanaan - Ancien ministre de la Planification et du Développement, Jordanie ; Laila Sharaf - Sénatrice, Jordanie ; Moataz Abdel Fattah - Professeur de sciences politiques, Université du Michigan, Etats-Unis, Gennaro Gervasio - Professeur de sciences politiques, Université de Sydney, Australie ; Bassma Kodmani - Directrice exécutive, Arab Reform Initiative, France ; Chérif Ferjani - Directeur du Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO), Maison de l’Orient Méditerranéen (MOM), CNRS-Université Lyon2 ; Hani Shukrallah - Journaliste, Egypte ; Barah Mikail - Directeur de recherche, FRIDE (Fondation pour les relations internationales et le dialogue extérieur), Espagne ; Larbi Chouikha - Universitaire, Tunisie ; Charif RIFAI - Architecte, France ; Yassin Swehat - Blogueur, Syrie ; Paul Salem - Directeur, Carnegie Endowment for International Peace à Beyrouth, Liban ; Salam Kawakibi, Directeur de recherché, Arab Reform Initiative, France ; Nahla Chahal - Sociologue politique, Liban ; Ibrahim Al Ariss - Historien et journaliste, Liban ; Alaa Abdel Aziz - Universitaire, Egypte ; Mohamed Ali Farhat - Poète et journaliste, Liban ; Vicky Habib - Journaliste et critique de cinéma, Liban ; Saad Mehio - Ecrivain, Liban ; Ahdaf Soweif - Ecrivain, Egypte ; Bahgat Korani - Universitaire, Egypte ; Abdel Rahman Ayyas - Journaliste, Liban ; Ali El Ghatit - Avocat et spécialiste de droit international, Egypte ; Ali Fakhro - Ancien Ministre de la Culture, Bahreïn ; Fouad Riad - Ancien juge pour le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, Egypte ; Nagib Sawiris - Président directeur général d’Orascom Telecom, Egypte ; Dr. Gala Amin - Universitaire, Egypte ; Ms Hala Alabdalla - Cinéaste syrienne, France ; Dr. Amr Hamzawy - Directeur de recherche, Carnegie Middle East Center.


Tag(s) : #Monde arabe - Israël
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