L’effarante machine à mentir

Festival de contre-vérités proférées par le chef de l’Etat devant un Pujadas amorphe

Annoncée dans notre billet consacré au volet bettencourtgate de l’intervention de Nicolas Sarkozy sur France 2 le 12 juillet, cette seconde partie propose un tour d’horizon du reste des sujets abordés, en forme de florilège de mensonges de la part du chef de l’Etat.

"Nicolas Sarkozy prétendait se livrer à un exercice de vérité ; nous dressons la liste de ses mensonges. Ils portent sur l’essentiel, le bilan de sa politique, la justice économique et sociale, l’avenir des pensions... Il ne se contente pas d’omissions, il travestit les réalités", synthétise ce matin L’Humanité. Durant l’émission, Sarkozy a laissé passer un lapsus terrible : "J’essaie de dire la vérité, en tout cas la mienne". Une distinction comme un aveu : la vérité de l’UMPiste en chef n’est pas la vérité tout court. Un constat somme toute flagrant à établir tant l’hôte de l’Elysée, qui aime à répéter : "on peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas de mentir", est au contraire multirécidiviste du fait.

Nomination dans l’audiovisuel public : le déni constant


Le journaliste Médias du Point, Emmanuel Berretta, commente ainsi l’affirmation de Sarkozy que la majorité seule ne peut pas obtenir la nomination des présidents de l’audiovisuel public, donc qu’elle a besoin d’un consensus avec l’opposition, ce qui est totalement faux : "Chose incroyable : Nicolas Sarkozy a commis pour la troisième fois une erreur dans la compréhension de sa propre loi audiovisuelle du 5 mars 2009. Le Président confond droit de veto aux 3/5es des commissions compétentes des deux assemblées - ce qui est le dispositif en vigueur - et approbation aux 3/5es. Évidemment, ça change tout ! Dans le dispositif actuel, l’opposition parlementaire ne peut révoquer le choix du Président que si une partie de la majorité présidentielle se rallie à elle. Hypothèse par définition improbable, mais ce n’est pas ce que dit Nicolas Sarkozy... Et ce n’est pas la première fois qu’il se trompe. Dès la réception du rapport Copé, à l’Élysée, le 25 juin 2008, le chef de l’État prend tout le monde par surprise en annonçant qu’il nommera lui-même les PDG de l’audiovisuel. Dans son discours, il ajoute aussitôt deux contrepoids : l’avis conforme du CSA et l’approbation des commissions compétentes des deux assemblées aux 3/5es. Les journalistes découvrent dans la version écrite du discours qu’il s’agit, en fait, d’un droit de veto aux 3/5es. L’Élysée indique que c’est la version écrite qui fait foi. Une erreur dans un discours lu, ça arrive à tout le monde. Passe encore. Mais quelques semaines plus tard, interrogé par Laurence Ferrari et David Pujadas, il commet la même erreur. Incompréhensible. Et rebelote lundi soir. Si bien que toutes les fois où il a publiquement expliqué le dispositif de la loi audiovisuelle, le Président s’est trompé. Peut-on encore parler de lapsus ? Interrogé par Le Point.fr, Franck Louvrier botte en touche : "Je ne sais pas, je n’ai jamais eu cette conversation avec lui. Je lui poserai la question." On est impatient de connaître la réponse." Il s’est trompé ? Il se moque du monde, oui ! Les nominations dans l’audiovisuel public sont entièrement le fait du prince, les commissions de l’Assemblée nationale, aux mains sarkozystes, n’étant que des chambres d’enregistrement de son choix. Et quand on le lui objecte, à chaque fois comme le souligne Berretta, il ment ! Nous ne l’avions noté que mentalement en visionnant l’émission, mais @rrêt sur images a relevé le dialogue suivant, très exactement retranscrit : "Il faut trois-cinquièmes de majorité sur un veto !", remarque justement David Pujadas. Réponse de Sarkozy : "Et alors, la majorité toute seule ne peut pas l’avoir ! Et ça oblige le président à trouver une personne de qualité." Bien sûr que si, la majorité seule peut l’avoir, il suffit que 40% des membres des Commissions approuvent ! Pujadas, amorphe, ne relèvera pas.

Impôts : le grand n’importe quoi


"La France est le pays qui taxe le plus les hauts revenus", prétend Sarkozy. "Faux !, lui rétorque Sarkofrance. Grâce aux niches fiscales et à la faible taxation des revenus du capital, le taux d’imposition des plus riches reste faible : « Il est de 25% pour les 1 000 plus hauts revenus et tombe à moins de 20% pour les 10 plus hauts revenus » note le député Muet" (Pierre-Alain Muet, économiste et député socialiste du Rhône). L’excellent Jean-François Couvrat dément lui aussi l’affirmation sur son blog Déchiffrages : "le seul autre pays européen disposant encore d’un bouclier fiscal, le Danemark, met la barre plus haut qu’en France : la somme des impôts sur le revenu et des taxes locales peut y atteindre 59% du revenu." Troisième réfutation, celle de NetPME, le site des "ressources pour créateurs et chefs d’entreprises", filiale de Manche Atlantique Presse, dont l’article La fiscalité des entreprises : la France est-elle compétitive ? publie un tableau des critères d’attractivité de dix pays européens et fait figurer la rubrique "Fiscalité des personnes : taux d’imposition des hauts revenus (cas d’un célibataire sans enfant)" : la France s’y classe quatrième !

"Il existait avant mon élection des contribuables qui payaient 100% d’impôt. C’est-à-dire qu’ils gagnaient 1 000, ils payaient 1 000", affabule le chef de l’Etat. "Ce mensonge est l’un des meilleurs, le plus grossier, le plus énorme, commenteSarkofrance. Personne, en France, ne paye 100% d’impôt. Lundi soir, David Pujadas n’a même pas relevé. Faut-il rappelé que la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu est de ... 40% ?"

Cadeaux aux riches Français : le cas Bettencourt


Lorsque David Pujadas, soudainement atteint d’une fulgurance, ose une question sur les 30 millions d’euros remboursés à Liliane Bettencourt au titre du bouclier fiscal, Sarkozy s’indigne : "Elle paye plusieurs millions d’euros d’impôts par mois" ! La pauvresse... "Un impôt de quelque 40 millions d’euros par an, certes, c’est une somme, convient Déchiffrages. Voyons donc à quoi elle se rapporte. La fortune de la dame est estimée par le magazine Challenge à 14 milliards d’euros – au diable les décimales. Et faisons l’hypothèse que ce patrimoine, intelligemment placé, rapporte 5% l’an. C’est une hypothèse très prudente, car le rendement du capital, sur le long terme, est plutôt de 7% à 8%. Bref, voilà une fortune qui assure à Mme Bettencourt un revenu annuel de 700 millions d’euros. Pour ceux que l’accumulation de zéros déconcerte, disons que cela correspond à plus de deux lotos gagnants par semaine. Ce qui étonne, ce n’est donc pas que la dame paie des impôts, c’est qu’elle en paie aussi peu. 40 millions, rapportés à revenu de 700 millions, cela fait un taux d’imposition de 5,7%."


Thomas Piketty, économiste enseignant à l’École d’économie de Paris et directeur d’études à l’EHESS, développe dans Libération : "Liliane a annoncé fièrement qu’elle avait payé au total « 397 millions d’euros » d’impôts sur ses revenus et sa fortune en 10 ans. Sans s’en rendre compte, elle nous révèle que son taux d’imposition est bien inférieur à celui des salariés de L’Oréal, et de tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. D’après les magazines, sa fortune est estimée à 15 milliards d’euros. En 10 ans, elle a donc payé l’équivalent de 2.5% de son patrimoine en impôts, soit 0.25% par an. (...) Comment cela est-il possible, et comment se fait-il dans ces conditions que Liliane Bettencourt ait bénéficié du bouclier fiscal ? Tout simplement parce que le concept de revenu fiscal utilisé par le bouclier n’a rien à voir avec le revenu économique réel. Par idéologie, et sans doute aussi par incompétence, le bouclier fiscal institué par le pouvoir en place fonctionne de facto comme une machine à subventionner les rentiers. Supposons que Liliane déclare 15 milliards d’euros au titre de l’impôt sur la fortune. En principe, elle devrait payer chaque année près de 1.8% de sa fortune au titre de l’ISF, soit 270 millions d’euros d’impôt. Avec un rendement de 4%, sa fortune devrait lui rapporter un revenu économique réel de 600 millions d’euros par an. Mais Liliane n’a pas besoin de tant d’argent. Pour payer son majordome, sa bonne, etc., il lui suffit sans doute de se verser 10 millions d’euros de dividendes annuels sur les bénéfices de la société Clymène qui gère sa fortune (le reste s’accumulant tranquillement dans ladite société). Dans ce cas, le fisc considère que son revenu fiscal est de 10 millions (et non de 600). Avec un impôt sur le revenu de 40%, soit 4 millions, Liliane paie donc au total 274 millions d’impôt, soit nettement plus que la moitié de son de revenu fiscal de 10 millions. C’est inique, nous expliquent en chœur les ténors de l’UMP : Liliane travaille plus de 6 mois par an pour le fisc ! C’est vrai, elle travaille dur, Liliane. Elle aura donc droit au bouclier fiscal, c’est-à-dire à un chèque de 269 millions, qui en gros lui rembourse son ISF.C’est ainsi qu’en tout légalité les Liliane de ce monde peuvent se retrouver à payer 5 millions d’impôt pour 600 millions de revenus, soit un taux d’imposition inférieur à 1%. Par construction, plus le rentier est gros, moins il a besoin de se servir un revenu fiscal important, et plus la ristourne est élevée… Une belle invention, en vérité. En l’occurrence, Mme Bettencourt a reçu un chèque de seulement 30 millions au titre du bouclier fiscal, sans doute parce que son patrimoine imposable déclaré à l’ISF ne dépasse pas un ou deux milliards – le reste de sa fortune bénéficiant de la niche fiscale pour biens « professionnels » ou étant déclaré par sa fille (elle-même sans doute grosse récipiendaire du bouclier fiscal). Dormez tranquille, tout est prévu."

 

 

Source : AGORAVOX/ OLIVIER BONNET 

 

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Tag(s) : #actualités
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