Des réalisateurs, producteurs et photographes lancent un projet de film collectif sur la mobilisation des indignés qui agite la rue américaine. Une réponse du cinéma à l’impuissance des médias traditionnels.

 

 

L’image a fait le tour du web en quelques jours : Jonas Mekas, génial cinéaste expérimental et activiste politique, photographié le poing levé dans les rues de New-York avec les indignés américains qui protestaient à Wall Street mercredi 5 octobre. Interrogé par Indiewire, le réalisateur expliquait les raisons de sa participation à cette manifestation : "En tant que cinéaste et poète, je sens que c’est mon devoir d’être un œil et un interprète de ce qui se passe autour de moi. J’ai toujours ressenti une solidarité envers ceux qui sont désespérés, désorientés et abusés, et cherchent un moyen de s’en sortir. Alors je devais être là."

Avec Jonas Mekas, d’autres cinéastes indépendants se sont engagés en faveur du mouvement historique des indignés américains, initié mi-septembre à New-York et depuis propagé dans tout le pays (Philadelphie, Chicago, Seattle, Los Angeles, bientôt Washington). Réuni à l’appel de la jeune documentariste Audrey Ewell (co-auteure du film culte Until the Light Takes Us), un collectif encore en formation de réalisateurs, photographes ou producteurs a lancé le projet 99 Percent: The Occupy Wall Street Collaborative Film (en référence aux cris de ralliement des protestataires, "Nous sommes les 99 pour cent") : un documentaire en direct sur les évènements qui agitent la rue américaine.

Les premiers participants –et d’autres, invités librement à rejoindre le projet- réaliseront un segment du documentaire, sur le modèle du film collectif 18 Jours tourné pendant la révolution égyptienne par dix cinéastes. C’est le documentariste Michael Galinksy, auteur reconnu de Battle for Brooklyn, qui a inauguré le projet avec un cour métrage de quatre minutes, simplement baptisé Why Are You At Occupy Wall Street? : un instantané des manifestations, sans artifice ni intervention du cinéaste, composé exclusivement d’interviews des indignés.


 

Au secours des médias traditionnels

Le dispositif du premier film de Michael Galinksy est volontairement minimal : une série d’interviews face caméra où les protestataires évoquent les raisons de leur engagement –le plus souvent une remise en cause de la politique économique menée par le gouvernement, mais aussi du taux de chômage, des inégalités de salaires et du pouvoir criminel des banques. "J’ai su immédiatement que quelque chose d’important se passait ici, et je voulais en faire partie, explique le réalisateur à Movie City. Je voulais utiliser le pouvoir du documentaire pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas."

Selon les initiateurs du projet, 99 Percent: The Occupy Wall Street Collaborative Film est parti d’un constat simple (répété d’Espagne en Grèce) : l’impuissance des médias traditionnels à saisir les mouvements d’indignés dès leurs origines. Débutée dans les rues de New-York le 17 septembre, la mobilisation a d’abord été snobée par les médias traditionnels, reléguée sur les réseaux sociaux ou le live streaming de Global Revolution. Un "media blackout" selon la cinéaste Audrey Ewell, qui a décidé en réaction de lancer le premier film sur les manifestations :

"J’étais scotchée à Global Revolution le jour où la police de New York a arrêté des centaines de manifestants sur le pont de Brooklyn, quand d’autres criaient « Nous ne sommes pas des criminels » explique-t-elle à Movie City. Et puis à un moment la connexion s’est interrompue parce que celui qui filmait n’avait plus de batterie. Mais il n’y avait aucune information dans les médias officiels. Nous avons donc ressenti le besoin de rassembler ces images partout à travers le pays et de créer un document pour le cinéma."

Face au manque de réaction des médias, Audrey Ewell a donc mobilisé des cinéastes (avec Michael Galinksy, Aaron Aites, Maria Breaux), des distributeurs (la très influente Ava Duvernay, qui a travaillé sur Collateral, Spiderman 2…) et des producteurs (Tyler Brodie, exécutif sur Terri, Another Eath). Mais conformément à l’esprit qui guide le projet, ce premier noyau de 35 participants pourra aussi être rejoint par d’autres volontaires, amateurs ou professionnels – "n’importe qui avec une caméra, des compétences dans le cinéma ou même juste un désir d’aider" indique le site officiel.

Tous les courts métrages utilisés pour la conception de 99 Percent: The Occupy Wall Street Collaborative Film seront upploadés sur une page You Tube spéciale, avant une probable sortie dans les salles U.S. Encore en montage financier (via une campagne participative sur Kickstarter), le film sera distribué courant 2012, et pourrait être un document majeur dans une année présidentielle.

Romain Blondeau

 

Source : LES INROCKS

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