Notre Dame des Landes : l’Etat a encore grossièrement menti

Nicolas de La Casinière (Reporterre)

jeudi 26 juin 2014

Aménager l’actuel aéroport de Nantes coûterait très cher, affirmait la Direction de l’aviation civile dans une récente étude. Soumise à la contre-expertise de spécialistes, elle se révèle bâtie sur des erreurs et exagérations. En fait, adapter l’actuel aéroport entrainerait des frais bien moindres que d’en construire un nouveau.


- Nantes, correspondance

« Mensonges, manipulation, une fois de plus des services de l’État travestissent la réalité » : c’est ainsi que, mercredi 25 juin, Françoise Verchère a présenté au nom du Cédpa (Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport) une contre-étude sur le coût du ré-aménagement de l’aérodrome nantais existant.

Conserver Nantes-Atlantique ? Mais puisqu’on vous dit que ça coûterait les yeux de la tête, ont martelé les experts de l’Aviation civile, tant DGAC que STAC, direction générale et ses services techniques de l’Aviation civile. En novembre dernier, les économistes et techniciens de ce service de l’État ont pondu un rapport qui conclut que les infrastructures à remanier coûteraient de 207 à 685 millions d’euros selon les hypothèses.

Tout en sortant de son chapeau un argument qui n’était jamais apparu : la nécessité impérieuse d’une « réfection complète de la piste », immobilisant l’aéroport pour plus de trois à six mois de travaux lourds et coûteux.

Les yeux de la tête ? Justement, un groupe d’architectes s’est pris la tête pendant trois mois pour analyser les affirmations des services de l’État. Et alors ? Alors « on casse l’expertise du coût exorbitant du maintien de Nantes-Atlantique, sans même toucher au chiffrage de la réfection de la piste pour laquelle l’État ne veut toujours pas nous donner les documents qu’on nous a pourtant promis et qui permettrait une contre expertise. Une fois de plus, cela prouve que la DGAC est juge et partie », dit Françoise Verchère conseillère générale de Loire-Atlantique (Parti de gauche) ancienne maire de Bouguenais (où est implanté l’actuel aéroport de Nantes Atlantique).

« La DGAC a multiplié par quatre le chiffrage normal, tels que l’on peut le calculer en suivant les critères utilisés par l’aviation civile. On pourrait gagner 500 millions d’euros, y compris avec un raccordement au tramway qui arrive à deux kilomètres de l’aérogare, raccordement que n’envisage même pas la DGAC », dit Geneviève Lebouteux, élue EELV au conseil régional.

La DGAC, spécialiste du pifomètre

« C’est surdimensionné ! » Dans l’étude de la DGAC, la zone PIF (postes inspection filtrage), dans laquelle on scanne les bagages et fouille les passagers, est largement surévaluée : « Dans leur étude, la zone PIF occupe trois fois plus de surface que les préconisations usuelles de l’Aviation civile pour les aéroports. Et elle prévoit seize portiques de contrôle à Nantes Atlantique alors que le projet de Notre-Dame-des-Landes n’en a envisagé que sept », observent Yvan Fouquet et Franco Fedele, deux des cinq architectes qui ont mené la contre-étude.

Idem pour l’emprise des espaces prévu pour les files d’attente aux guichets d’enregistrement, deux fois plus grand qu’il n’est prévu pour le projet de Notre-Dame-des-Landes. Même extrapolation douteuse pour les aires de stationnement des avions, plus de trois fois surévalués par rapport aux propres normes DGAC. 16 000 m² par avion, alors que les 5 000 m² actuels ne posent aucun problème de fonctionnement à Nantes Atlantique. Autant de surfaces surestimées qui gonflent artificiellement la facture.

Toujours plus

Une passerelle ça va. C’est quand il y en a beaucoup que ça pose problème. Emportés par leur volonté de justifier des coûts inabordables, l’Aviation civile et ses experts ont prévu cinq passerelles de raccordement. Cinq ! Alors que pour le projet de Notre-Dame-des-Landes, réputé au mieux des normes et du confort, seules deux passerelles sont prévues… « L’aviation civile se contredit, tant vis-à-vis de ses propres critères que comparé à ce qu’envisage Vinci à ND des Landes », souligne Françoise Verchère.

Alors, si, plutôt que de construire un nouvel aéroport inutile et destructeur de l’environnement, on faisait avec l’existant ? En aménageant l’actuel aéroport Nantes Atlantique - qui fonctionne déjà très bien ? La contre-étude présentée par le Cédpa montre que cela coûterait moins cher que le projet de nouvel aéroport à Notre Dame des Landes, sur lequel, au demeurant, planent de fort soupçons de budgets sous évalué.

Dans cette perspective, les architectes ont développé un « concept Origami », soit un catalogue de solutions de redéploiement sur place. Comme un gamin s’essayant à l’art des pliages japonais, il suffit de déplier diverses surfaces, complémentaires à l’actuel aérogare nantais, en fonction des hypothèses de trafic. Se déploient ainsi, progressivement, les version à cinq, sept, ou neuf millions de passagers. Nantes-Atlantique pourrait s’adapter progressivement, sur son emprise actuelle, à l’éventuelle augmentation du trafic dans les prochaines années.

Une question vient à l’esprit : que pensent le matin, quand ils se regardent dans la glace, les fonctionnaires de la DGAC qui produisent des études mensongères ?

Lire la contre expertise des architectes :

- Résumé et conclusions

- Étude complète


Source : Nicolas de La Casinière pour Reporterre

Images :
. chapo : Pilote virtuel
. article : Étude Cedpa

Consulter aussi le Dossier Notre-Dame-des-Landes


Cet article a été rédigé par un journaliste professionnel et a entrainé des frais. Merci de soutenir Reporterre :

 

Tag(s) : #environnement
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