Les agences de notation, késako ? Sont-elles fiables et légitimes pour évaluer les entités publiques (ou privées) ?

Question 12

30 juin par CADTM Belgique , El Adlouni Oualid

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CC - Wikipedia

 

 

 

Au CADTM, on sait trop bien ce que c’est d’être flippéE, voire découragéE, par toutes ces questions sur lesquelles on sèche. Du coup, inspiréEs par nos meilleurEs piqueurs et piqueuses (notre famille, nos potes, le pizzaiolo d’en face, les gens que l’on rencontre en animation), le CADTM Liège a organisé plusieurs sessions d’élaborations collectives d’éléments de réponse à ces piques (qu’elles soient d’ordre technique ou plus « politique »).

Ce travail a engendré une brochure que vous pouvez retrouver en entier ici.

Les agences de notation, késako ? Sont-elles fiables et légitimes pour évaluer les entités publiques (ou privées) ?

Elles existent depuis plus d’un siècle, mais c’est surtout depuis la financiarisation de l’économie et le déclenchement de la crise de la dette au Mexique en 1982 que les agences de notation se sont imposées durablement sur l’échiquier mondial.

Elles se définissent comme des organismes privés et « indépendants », spécialisés dans l’analyse de la solvabilité et de la crédibilité d’une entité ayant contracté une dette (privée ou publique). Cette dette peut prendre la forme d’emprunts bancaires ou d’obligations, de billets de trésorerie ou de tout type d’instruments financiers portant intérêts. Meilleure est la note accordée par ces agences, plus bas seront les taux d’intérêt à payer par l’émetteur.

On peut décrire leur rôle à travers trois activités principales :
- La notation financière.
- L’information et le conseil.
- La participation à la création de produits structurés.

Le marché des agences de notation se concentre en trois entités, The big three , qui contrôlent à elles seules 94% du marché. À savoir : Standard & Poors (40%), Moody’s Investors Service (40%) et Fitch Ratings (14%).

Ces agences comportent plusieurs imperfections qui entravent l’analyse et véhiculent une conception erronée des chiffres. Notamment :
- Leurs rapports peuvent être basés sur des informations erronées.
- Elles partent du principe que tout le monde est honnête.
- Elles sont payées par les organismes notés |1| (conflit d’intérêts).
- Elles prétendent être objectives.
- Elles réagissent de manière trop rapide.

Les décisions des agences et les conséquences de celles-ci sur l’économie des pays concernés ont un impact considérable sur la vie de milliards de personnes... Elles usent d’ailleurs régulièrement de cette influence. Ce n’est pas un hasard si les mesures d’austérité, au Nord comme au Sud, sont prises en partie à cause du diktat de ces agences.

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AAA : Audit. Annulation. Autre politique

Elles se révèlent pourtant incapables (ou indisposées) d’anticiper les crises et les risques qu’elles sont pourtant censées noter. La crise de 1929 n’était qu’un début révélateur de cette inefficacité et ce constat s’est confirmé encore une fois pendant la crise financière de 2008, où Lehman Brothers était notée AAA (la meilleure note possible) deux jours avant son effondrement (idem pour Enron en 2001).

En juin 2013, l’Union européenne a déclaré avoir instauré des règles plus strictes à l’égard des agences de notation. |2| Ces mesures, bien que louables sur le principe, restent incapables de contenir leur capacité de nuisance.

Des mesures unilatérales et radicales peuvent libérer les entités publiques de la mainmise de la finance, à l’instar de celle prise récemment par la mairie de Madrid qui a décidé de ne plus renouveler ses contrats avec Standard & Poors et Fitch, considérant ces agences de notation comme inutiles et leur ingérence comme illégitime.

Les dégâts causés par ces organismes nécessitent une remise en cause radicale de ceux-ci. Non seulement un État ne peut être évalué comme une entreprise, mais surtout il ne peut recevoir d’évaluation, de quelque type que ce soit, par des institutions privées dont les critères cachent des intérêts particuliers. Les agences de notation devraient faire l’objet de poursuites judiciaires et être démises. L’évaluation des risques est une mission qui devrait incomber à des organismes publics.

 

Notes

|1| Jusqu’aux années 1970 elles étaient payées par les acheteurs potentiels. Depuis la libéralisation financière, la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui les rémunèrent pour qu’elles les évaluent...

|2| Voir : http://europa.eu/rapid/press-releas...

Auteur.e

 

 

SOURCE/ CADTM.ORG

Tag(s) : #actualités
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