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Des millions de Français sont très attachés à une radio publique nommée France Inter. Ce fut longtemps un ton, et des voix qui chaque matin nous réveillent et nous tiennent parfois en haleine tout au long de la journée. Pourtant cette radio de qualité est en crise depuis quelques années. Déjà elle fut, à juste titre remise en cause sur le plan politique lors du référendum de 2005 quand, rejoignant le sens du vent de tous les grands médias, elle fit une propagande éhontée pour le OUI, ne réussissant d'ailleurs pas à éviter le NON massif dont on se souvient encore. Sans doute une illustration intéressante de la limite des pouvoirs de propagande face aux réflexions du peuple.

 

  Plus près de nous, ce furent les rapports entre le résident de l'Élysée et France Inter qui posèrent problème. Alors il était intéressant d'étudier les liaisons souvent dangereuses, entre cette radio et les pouvoirs politiques, ce que vient de faire Augustin Scalbert, journaliste à RUE 89. Il propose donc une étude sérieuse, mais facile d'accès sur ce sujet, pour une période allant de 1963 à 2012.

 

  Deux grandes parties donc, d'abord l'époque qui nous semble déjà lointaine où la voix de son maître, était la voix de la France. De Gaulle, avec Alain Peyrefitte, ministre de l 'information où, en 1964, il envoie à ces collègues du gouvernement Pompidou les règles de fonctionnement du fameux SLII (Service de liaison interministériel de l'information). Courrier classé personnel et confidentiel. L'intitulé n'étant pas équivoque, pas besoin de s'étendre. Était ainsi créer une véritable rédaction en chef gouvernementale. Bien entendu les journalistes secouèrent un peu le joug en 1968 face à la censure ordinaire. Un peu plus tard sous Mitterrand et Chirac, l'auteur nous explique comment la voix du maître prit un peu plus de distance.

 

  Après un bref mais nécessaire intermède consacré à l'ancien humoriste Philippe Val qui désormais n'apprécie plus vraiment l'humour, la seconde partie, plus fournie, passe en revue avec précision, cette radio sous l'emprise de Sarkozy. La droite pensait de plus en plus que France Inter était une radio de gauche, voire un repaire gauchiste. Donc peu après le début du règne de Sarkozy, en 2008, le roi décida de rétablir la tutelle directe avec l'Élysée. Tutelle abolie depuis une trentaine d'années ! Une sorte de retour en arrière vers l'ORTF où l'impertinence, l'humour corrosif et la politique d'investigation passèrent à la trappe. Ce ne fut d'ailleurs pas exclusif à France Inter, car la politique de main mise toucha donc tout le service public audiovisuel.

 

  Pour Augustin Scalbert ce fut une longue enquête de dix-huit mois où une centaine de sources permit l'existence de cet essai. On y apprend comment Sarkozy tenta, en vain, d'imposer à l'antenne, l'un de ses conseillers, Henri Guaino, comment la grande popularité de Daniel Mermet le protégea de la vindicte élyséenne, et comment s'installa les bons petits serviteurs Hees et Val. Avec comme cerise sur le gâteau, la double éviction de Stéphane Guillon et Didier Porte, coupables de propager sur les ondes un humour non estampillé UMP. L'éviction de Guillon par le duo infernal coûta cher aux contribuables. Guillon attaquant en 2011 au tribunal des prud'hommes de Paris, il récolte 212 000 euros pour licenciement abusif sans cause réelle ni sérieuse, plus 41 000 euros d'indemnités de licenciement et une requalification de tous ses CDD en CDI. Radio France a fait appel, comme on pouvait s'en douter. Didier Porte a eu moins de chance, les conseillers ne se sont pas mis d'accord et lui propose en 2013 un jugement de départage. Il compte demander, selon l'auteur, 850 000 euros en fonction de ses vingt-cinq ans d'ancienneté.

  La main mise du pouvoir sur France Inter est non seulement à l'image catastrophique du bilan de Sarkozy, mais revient donc très cher à tous les contribuables.

 

  En conclusion, un livre tonique qui permet de mieux comprendre les rouages malsains de la mise au pas d'un grand média, un livre à lire avant d'aller voter et dont la publication tombe donc fort bien.


A lire en regardant l'excellent documentaire "Les nouveaux chiens de garde", cela semble tout à fait complémentaire.

 

 

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La voix de son maître

France Inter et le pouvoir politique 1963-2012

Augustin Scalbert

Nova éditions

2012 / 286 p / 18,25 euros

 

Voir le site de l'éditeur, ICI

Tag(s) : #lectures
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