le dormeur du val 201210

Nous republions notre article, daté de février 2011, sur le livre de la fille de Robert Moulin, ministre assassiné sous Giscard. La justice va rouvrir enfin ce dossier, plus de trente ans après, une bonne chose. Soutien total à Fabienne Boulin-Burgeat qui n'a cessé de se battre dans le cadre d'un assassinat d'Etat. La vérité se rapproche enfin des coupables.

Dan29000, pour Danactu-resistance, le 13/09/2015

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Sale affaire.

Sale affaire pour l'Etat.

Sale affaire pour la cinquième République.

Sale affaire pour la justice et pour la police judiciaire.

Sale affaire pour une certaine presse qui voulut faire croire à un suicide.

 

 

C'est le 29 octobre 1979 que le ministre du travail, Robert Moulin, est mort. Un ministre qui n'eut vraiment pas de chance. D'abord il devait vraiment être très très déprimé, alors qu'il était plus que pressenti pour devenir premier ministre peu après. Pas de chance non  plus, mourir noyé dans un étang de cinquante centimètres d'eau, et surtout de vase. Cumulant les malchances, le pauvre ministre fut de plus brutalisé, après sa mort, par les pompiers qui sortirent le corps du bord de l'étang, lui infligeant de multiples contusions et fractures sur le visage, en le retournant (?) et en le heurtant contre une margelle qui n'existait pas !

Pas de chance non plus sa famille. Des témoins non interrogés, des scellés "magiques" qui disparaissent, et qui nous font penser à la "balle magique" qui tua Kennedy en rebondissant un peu partout, dans le grotesque Rapport Warren.

 

77, c'est le nombre d'anomalies dans le dossier pénal.

Certes le livre de sa fille n'est pas le premier sur cette délicate affaire touchant les hautes sphères de l'Etat.

Difficile de ne pas s'incliner devant le courage de cette femme qui nous livre ici un livre cohérent, irréfutable,  qui persévère contre tout et tous, à vouloir découvrir la vérité. Face aux mensonges, aux pressions, et même aux menaces, elle persiste et signe, se heurtant au mur de la fameuse et mortifère "raison d'Etat".

Encore l'année dernière, la trop célèbre MAM déclarait que le dossier ne serait pas ouvert une nouvelle fois. Face à ce nouveau déni de réalité, courageusement, la fille du ministre décida d'écrire ce livre qui, parfois, fait froid dans le dos.

 

Si hélas nous n'étions pas dans "la vraie vie", on lirait cela comme un polar particulièrement réussi. Vous savez ces polars qui nous entraînent dans les arcanes sombres de l'Etat. Souvent un Etat policier. Mais en France, nous ne sommes pas dans un Etat policier. C'est que pensait la famille Boulin à l'époque. Alors elle fit confiance. Confiance dans la justice de leur pays, dans la police de leur pays, bref  confiance dans les belles institutions de la République.

Dans les fictions policières, sur papier ou pellicule, l'on découvre souvent que les rouages de l'Etat ne sont pas si neutres que cela, que la "raison d'Etat" couvre parfois de sinistres méfaits tombant sous le coup de la loi. Mais avant d'en arriver là, ceux qui luttent pour savoir la vérité doivent effectuer un long long chemin. Ce fut le cas pour la famille Boulin.

On peut le comprendre.

Et puis un jour, face à autant d'étrangetés accumulées, citons, le déplacement du corps après la mort, les traces de lien au poignet du ministre, la disparition des poumons de la victime, la valse des lettres posthumes ou le cadavre embaumé clandestinement, sans aucune autorisation (ce qui tombe sous le coup de la loi) et encore, la destruction des archives de Boulin, l'évidence de la manipulation se fait jour dans les esprits...

Comme souvent à cette époque, la longue et discrète main brutale du Service d'Action Civique (SAC) plane sur cette affaire. La rivalité Giscard-Chirac également. Dès décembre 1979, Alexandre Sanguinetti assurait à Jean Charbonnel que la mort de Boulin était bien un assassinat, citant deux personnalités toujours vivantes.

La piste d'un financement occulte du RPR, via des fausses factures, était alors évoqué. Boulin avait une cible dans le dos.

Pour ceux qui pourraient encore penser au suicide, au fil des pages, l'enquête minutieuse et documentée de Fabienne Boulin-Burgeat brosse un tableau d'une clarté édifiante.

Edifiant aussi, ce parcours du combattant en forme de guérilla judiciaire que l'on ne peut expliquer sans la volonté affirmée de cacher la réalité.

Son récent passage dans l'émission de Ruquier samedi dernier fut à l'image de  son livre. Déterminé, précis, crédible, authentique. Comment ne pas comprendre sa volonté d'aboutir un jour, car c'était son père, mais on sent aussi que cette femme a la volonté de faire jaillir la lumière contre les criminels planqués au sein de l'appareil d'Etat afin de restaurer ses convictions sur la République.

L'acharnement plus que suspect de la justice à ne pas rouvrir le dossier valide ses propos. D'autant plus qu'un nouvel élément vient encore de se faire jour avec la récente déclaration d'un gendarme en retraite (voir article ci-dessous).

Crime d'Etat il y a, face à lui, l'auteur compte, à juste titre, sur un appui populaire pour avancer vers la vérité. On  ne peut que soutenir son espoir.

 

C'est pourquoi il faut lire ce livre, et faire lire ce livre.

 

Son combat dépasse le cadre personnel, il s'agit d'un déni de démocratie dont se sont rendus coupables plusieurs notables dans l'appareil d'Etat. Ils sont toujours là, même si le temps joue pour eux.

 

Laissons le dernier mot à l'auteur qui achève son livre ainsi :

"Ne baissons pas les bras, jamais, car du dénouement de l'affaire Boulin dépend la sauvegarde d'un grand nombre de nos libertés et de nos valeurs démocratiques. Ne laissons pas le dernier mot aux assassins.

Décidément, cet épilogue reste à écrire. Le jour où la vérité sera connue. Le jour où le Dormeur du Val pourra reposer en paix."

 

Dan29000

 

Pour découvrir le site de l'éditeur, c'est ICI

Pour lire le récent témoignage du gendarme en retraite, c'est ICI

 

Le dormeur du Val

Fabienne Boulin-Burgeat

Don Quichotte éditions

2011 / 320 p / 16,90 euros

 

 
Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

 

Tag(s) : #lectures
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