Il y a presque deux ans, nous vous parlions ici d'un étrange roman très réussi, portant un curieux titre "Mouton". Il était signé Richard Morgiève. Une histoire vraiment originale d'un homme simple et doux que la société d'hyper-consommation transforme. Avec le recul, on ne peut que continuer à conseiller ce délicieux roman.
Mais en ce début d'année, Morgiève nous revient pour notre plus grand plaisir, avec un roman très différent, mais tout aussi passionnant.
Nous sommes aux États-Unis. Dans une période sombre de ce pays, vous savez, vers 1951, au temps de la guerre froide, l'époque où le maccarthysme est bien là, avec ses chasses aux sorcières dans les syndicats, dans le milieu littéraire et même à Hollywood. Black-listé, votre carrière était finie, malgré le talent et la célébrité. Pourtant nous ne sommes pas dans un roman politique, mais plutôt du côté du polar, un polar un peu déjanté qui se déroulerait dans des superbes décors de western, genre Texas. C'est l'histoire d'une cavale, la cavale de Chaim Chlebeck.
L'avantage avec Morgiève, c'est qu'il est toujours capable de nous surprendre, ce qui est un bel exploit après une bonne trentaine de romans et le Prix Wepler en 2005. Dans ce nouveau roman, nous sommes bien éloignés de "Mouton"...L'auteur, avec brio, nous transporte dans cette société américaine, qui à la fois nous révulse et nous fascine. Ségrégation, pouvoir de l'argent, violence. Mais aussi grands espaces, rêves, possibles infinis et personnages surprenants. Au fil des pages l'on croise, sans le moindre répit, des Indiens, des voyous, des maîtres-chanteurs, et aussi des morts. Pas mal de morts. D'où le titre "United colors of crime" qui me rappelle quelque chose...
Si l'on connait un peu le cinéma, on peut ressentir dans de nombreux chapitres, une écriture très cinématographique, et ce n'est pas vraiment surprenant puisque Richard Morgiève, au-delà de ses romans, a écrit des pièces de théâtre et aussi des scénarios, notamment l'excellent "Tiré à part" du regretté Bernard Rapp. Sans parler de "Diesel" pour le grand cinéaste américain Robert Kramer. D'ailleurs en refermant ce livre, on pourrait bien penser à David Lynch pour une éventuelle adaptation, le Lynch de "Sailor et Lula"...
Le roman commence étrangement, par la mort du héros principal...Il faut dire que le gars était un ancien tueur à gages pour la mafia. Mais est-il vraiment mort ? Avec un grand sens du rythme, l'auteur va nous faire parcourir pas mal de kilomètres, une sorte de fuite sans fin, un voyage-engrenage vers un ailleurs où revivre quand on a pas mal de choses à oublier et, surtout, quand on veut se faire oublier de certains.
L'ancien déménageur-ouvrier-mécanicien-standardiste sait tenir en haleine son lecteur, et prouve encore une fois son talent de narrateur. Il serait sans doute intéressant de voir l'adaptation au cinéma de ce roman.
Dan29000
United colors of crime
Richard Morgiève
Carnetsnord/ Editions montparnasse
2012 / 320 p / 18 euros
Voir le site de l'éditeur, ICI
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Richard Morgiève répond au questionnaire de Proust
Ma vertu préférée la loyauté
Le principal trait de mon caractère les grandes oreilles
La qualité que je préfère chez les hommes la folie
La qualité que je préfère chez les femmes la folie
Mon principal défaut je suis une brute
Ma principale qualité gourmand
Ce que j’apprécie le plus chez mes amis la déconnade
Mon occupation préférée la lessive
Mon rêve de bonheur dîner avec Alice de poisson grillé en buvant du vin blanc sur une nappe à carreaux rouges et blancs au bord de la mer
Quel serait mon plus grand malheur ? je viens de laver le sol, il pleut et on marche dessus
À part moi -même qui voudrais-je être ? un chien
Où aimerais-je vivre ? dans le ranch de mon ami Flicka
Suite et fin à lire sur le site de l'éditeur