9 novembre 2016 – La lutte contre la corruption transnationale et la protection des lanceurs d’alerte sont les avancées majeures de la loi Sapin 2.

 

Ces avancées importantes qu’il faut saluer ne suffiront toutefois pas à elles seules à répondre à l’ensemble des enjeux de la lutte contre la corruption en France. Les candidats à l’élection présidentielle doivent d’ores et déjà s’engager à aller plus loin.

Le texte consacre plusieurs avancées majeures :

  • Pour protéger les lanceurs d’alerte, la loi crée un statut général du lanceur d’alerte, conforme aux standards internationaux, à nos principes directeurs et à la pétition de 17 ONG lancée par Transparency France ;
  • Pour lutter contre la corruption internationale, la loi introduit en droit français un dispositif innovant de transaction pénale, aussi recommandé de longue date par notre association, pour mettre fin à l’impunité des entreprises françaises impliquées dans la corruption d’agents publics étrangers ;
  • Pour prévenir et détecter la corruption, la loi crée une nouvelle agence anticorruption avec des moyens renforcés. Elle oblige les entreprises d’une certaine taille à se doter d’un programme de conformité (charte d’éthique, responsable conformité, cartographie des risques, formation, mécanismes d’alerte, etc.) et crée une mesure complémentaire de mise en conformité ;
  • Pour encadrer le lobbying, la loi crée un répertoire numérique unique sur lequel les représentants d’intérêts devront s’inscrire et fournir des informations sur leurs activités, leur budget et leur personnel.

Transparency France regrette toutefois que l’indépendance de la future agence anticorruption n’ait pas été assurée (elle est placée sous l’autorité conjointe de deux ministères). C’était pourtant un élément essentiel pour garantir la crédibilité du nouveau dispositif.

S’agissant de l’encadrement du lobbying, Transparency France regrette que le registre créé ne permette pas en l’état l’inscription de tous ceux qui cherchent à influer sur la décision publique.

C’est l’un des sujets importants sur lesquels les candidats à la présidentielle devront prendre des engagements fermes, ainsi que sur toutes les autres recommandations – financement de la vie politique, cumul des mandats, indépendance de la justice, participation citoyenne ou encore intégrité des décideurs publics – que l’association adresse aux candidats pour renouveler la vie démocratique.

«Si la loi Sapin 2 comporte des avancées majeures en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique, on ne peut pas en rester là. Il est indispensable de poursuivre la réoxygenation de notre vie publique, c’est pourquoi nous appelons les candidats à l’élection présidentielle à s’engager dès maintenant sur des propositions concrètes pour renouveler la démocratie», commente Daniel Lebègue, Président de Transparency International France.

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Contact presse :
Anne Boisse : 01 84 16 95 65
contact@transparency-france.org

Voir une brève analyse des principaux chapitres du projet de loi ci-dessous.

Protection des lanceurs d’alerte

Transparency France se félicite que les recommandations qu’elle a portées depuis 2009 pour une protection effective des lanceurs d’alerte – de la co-rédaction d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, à la contribution aux travaux du Conseil d’État, ou la mobilisation des citoyens autour d’une pétition en ligne de 17 ONG et syndicats – aient été entendues par les députés. Des avancées majeures ont ainsi été adoptées : un socle commun pour la protection des lanceurs d’alerte alors que cohabitaient 7 textes sectoriels, une définition des lanceurs d’alerte élargie « aux menaces ou préjudices graves pour l’intérêt général », la mise en place de procédures sécurisées pour le recueil de ces signalements dans les entreprises ou les collectivités, la protection de l’identité (du lanceur d’alerte, de la personne mise en cause), la protection contre toutes représailles et l’indemnisation des dommages, la prise en charge des frais de procédure et un soutien financier en cas de besoin, enfin des sanctions pénales en cas d’entrave à l’alerte. Conformément au choix du Conseil d’État, leur protection devra être assurée par le Défenseur des droits.

Le dispositif ambitieux adopté reste néanmoins à consolider en certains points (saisine directe du Défenseur des droits, ressources du Défenseur des Droits, association des syndicats à la procédure).

Nouvelle agence anti-corruption et mesures de prévention de la corruption

Transparency France salue les avancées de la loi en matière de prévention et de répression de la corruption tout en regrettant le manque d’indépendance de la nouvelle Agence Française Anti-corruption (AFA). Dotée de pouvoirs étendus et de moyens renforcés, l’AFA est chargée de contrôler la mise en place de procédures de prévention et de détection de la corruption dans les entreprises d’une certaine taille et dans les administrations de l’État, les collectivités territoriales ou encore leurs établissements publics. L’obligation pour les entreprises de mettre en place un ensemble d’actions coordonnées (charte d’éthique, responsable conformité, cartographie des risques, formation, mécanismes d’alerte, etc.) devrait favoriser le développement d’une culture de l’éthique et de l’intégrité. Ce nouveau dispositif pâtit cependant d’une faiblesse majeure : l’indépendance de l’agence n’est en effet pas assurée puisqu’elle est placée sous l’autorité conjointe de deux ministères. C’est un point essentiel qui affaiblit a priori  la crédibilité de l’ensemble du nouveau dispositif adopté. Tout au long des travaux parlementaires, Transparency France a milité pour conférer à l’AFA un statut d’Autorité Administrative Indépendante.

Encadrement du lobbying

Alors que la France ne disposait jusqu’à présent d’aucune législation encadrant les activités de lobbying, Transparency France souligne l’intérêt de créer un premier répertoire des acteurs de l’influence. Obligatoire et commun aux membres du gouvernement, du Parlement, des grandes collectivités territoriales, et de certains agents publics, il permettra aux citoyens de disposer d’informations en format ouvert, régulièrement mises à jour, sous le contrôle d’une autorité indépendante – la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique – sur ceux qui exercent une influence sur les décisions publiques. L’association regrette toutefois que l’obligation d’inscription ne pèse pas de la même manière sur certains acteurs (personnes morales de droit public, organisations syndicales de salariés et organisations professionnelles d’employeurs, associations d’élus ou encore associations à objet cultuelles) alors même qu’ils participent activement au débat démocratique en faisant valoir leurs positions auprès des décideurs publics. Aussi, si le dispositif offre des premiers éléments d’information essentiels sur l’identité des représentants d’intérêts, leurs activités, le personnel et les budgets qu’ils y consacrent, il ne garantit pas en l’état une première forme de traçabilité des échanges : qui a été rencontré et quand, quels ont été les arguments présentés et comment les arbitrages ont-ils été fondés. Lors de l’adoption des décrets, il conviendra donc de s’assurer que la mise à jour des informations demandées soit suffisamment régulière et que les précisions sur les activités des représentants d’intérêts soient suffisamment détaillées pour assurer l’utilité du dispositif adopté.

Convention judiciaire

Transparency France se félicite de la décision des parlementaires d’introduire la convention judiciaire, avec toutes les garanties nécessaires (mesures de publicité, présence du juge à toutes les étapes de la procédure et respect des droits de la défense et des victimes) dans la palette des outils à disposition de la justice française pour lutter contre la corruption dans le commerce international. Pour Transparency International France, dont l’objet même est de renforcer la lutte contre la corruption et en particulier la grande corruption internationale, l’introduction dans notre droit d’une procédure de type transactionnelle doit contribuer à l’efficacité de la justice, en incitant les entreprises à coopérer à l’enquête, à mettre en place un programme de conformité visant à prévenir la récidive, et en assurant un contrôle, sous l’autorité du juge, de la mise en œuvre effective de ce programme. Alors qu’en 15 ans, la France n’a prononcé aucune condamnation pénale définitive pour des faits de corruption d’agent public étranger, ce dispositif innovant permettra à la France de se hisser au niveau d’autres grandes démocraties où il a déjà fait ses preuves, et permis de mettre fin à l’impunité en matière de corruption transnationale. Transparency France recommande toutefois de renforcer l’efficacité du dispositif via l’introduction de mécanismes d’incitation aux comportements vertueux de la part des entreprises.

Autres mesures de transparence la vie publique

Les députés ont fait un pas notable pour garantir l’intégrité de ceux qui gouvernent en renforçant les conditions d’exercice et d’accès à un mandat électoral. Lorsqu’une personne exerçant une fonction publique sera condamnée pour manquement à la probité, la juridiction prononcera automatiquement – sauf à motiver spécialement sa décision – une peine complémentaire d’inéligibilité.

 

SOURCE / TRANSPARENCY-FRANCE.ORG

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