Une Corse enfin « décolonisée » passera-t-elle à un statut autonome comme la Sardaigne ? Ou à un statut « d’Etat associé » ?
Une Corse enfin « décolonisée » passera-t-elle ( un jour) à un "statut autonome " comme la Sardaigne, les Baléares, les Açores, les îles Åland ? Ou à un statut « d’Etat associé » ? Un titre provocateur pour un papier futuriste ? Non ceci n'est pas de la politique fiction. L'autonomie réelle, opérationnelle, est le mode de gouvernance, que vivent certaines îles européennes. Avec bonheur. La Corse, pour son malheur, fut-elle, est-elle encore « gérée et considérée comme une colonie » ? Ses prérogatives en tant Collectivité Territoriale sont actuellement très limitées. Alors qu'un processus de décolonisation est lancé en Nouvelle-Calédonie : une controverse se déroule en Corse et sur Médiapart.
Le débat porte sur le « statut de résident », le "statut insulaire d’Etat associé », les îles et régions autonomes en Europe, le droit du sol, le droit du lignage, la Déclaration des Droits de l’Homme, la dépossession, les Corses de la diaspora, le fait colonial.
Un « statut constitutionnel » pour la Corse comme la Sardaigne, les Baléares, les Açores, les Åland, Les îles Féroe ? Un « statut de résident » adapté aux « Corses de la diaspora » ?
Pourquoi pas ? Ces projets sont-ils contraire au droit européen ? A la déclaration des Droits de l’Homme ? A la Constitution française ? Ce débat politique et historique, primordial, se déroule à l’orée d’une « réforme des Régions » que François Hollande souhaite accélérer . Et dans l'actualité aussi des élections du 11 mai en Nouvelle-Calédonie après le traité de Nouméa (1998).
Voici ces options politiques fondatrices, exprimées par l’élu insulaire Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera). Voici aussi les inquiétudes légitimes et pertinentes des abonnés de Médiapart, bloggeurs comme commentateurs. Qu’ils soient tous ici chaleureusement remerciés pour ces abondantes contributions républicaines.
Explorer l’option « statut de résident » dans le « droit constitutionnel européen » ? Et les statuts particuliers des îles Sardaigne, Baléares, Canaries, Açores, Feroe, Man, îles Åland ? Ces régions "autonomes" sont inscrites dans les Constitutions en Italie, en Espagne, au Portugual, en Finlande. Francesco da Milano ( abonné Médiapart ) confirme avec pédagogie : « un statut constitutionnel pour une île, cela n'a rien d'extraordinaire ! Ont un statut ad hoc, les Baléares, les Açores, les Canaries, les îles Feroe, l'île de Man, les îles Aland. Hawaiï (USA) a son Parlement et son Gouvernement (*)».
La Sardaigne dans la Constitution italienne depuis 1948. Il insiste sur le " statut colonial français" sur la Corse : « la grande soeur de la Corse, la Sardaigne, a un statut prévu par la Constitution italienne depuis 1948, depuis 66 ans. Il n’y a pas en Sardaigne, tous les troubles politiques qu'il y a ici en Corse. Preuve que le système de l'autonomie marche parfaitement. La gestion française de la Corse, basée sur le mépris et la domination quasi-coloniale a été désastreuse. »
Concernant les « DROM-COM » ( Départements et Régions d'Outre-Mer - Collectivités d'Outre-mer) : la Polynésie, les Antilles, la Guyane, Saint Pierre et Miquelon, la Réunion et Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, les Terres Australes et Antarctiques, Francesco da Milano ajoute : « la France a des territoires autonomes, la Polynésie, les Iles Saint-Martin , sous le le régime de l’article 74 de la Constitution. Tous les grands Etats démocratiques en ont. »
Dérogation pour les Corses de la diaspora ? C’est précisément sur cet article 74 de la Constitution, que s’appuie Jean-Guy Talamoni (Conseiller Territorial Assemblée de Corse, avocat, juriste) pour demander « une dérogation au futur statut de résident en faveur de la diaspora » (Corse-Matin 30-04-2014): « une révision constitutionnelle étant indispensable, rien de s’oppose à un dispositif particulier afin de réintroduire la diaspora corse dans le statut de résident. Un point éminemment juridique. Comment empêcher des Corses, contraints à l'exil, d'acquérir un bien dans leur village ou leur quartier d'origine ? »
Le saviez-vous ? Cette particularité existe déjà dans la Constitution en France… avec des « critères d’intérêts matériels et moraux » pris en compte dans certains Départements et Régions d’Outre Mer dont « le lieu de scolarité, de naissance, le domicile des pères et mères ou des plus proches parents, le lieu de sépulture ». Ceci est illustré par le "corps électoral restreint" de Nouvelle Calédonie. La Corse fut-elle considérée, gérée comme une colonie ? Rappels historiques essentiels pour comprendre le drame d'aujourd'hui. Comme pour le Sénégal, en 1914, sont mobilisés dans l’île jusqu’aux pères de familles corses de 5 enfants ! Autre acte politique français aux impacts extrêmement négatifs : les barrières douanières Corse-France de1818 à 1912, taxant les produits et donc détruisant les filières insulaires. Outre l’exil économique massif des Corses, ces éléments permettent-ils de parler d’un « fait colonial »? Massimu (abonné Médiapart) développe une argumentation bien charpentée. Son billet titré « Corses : si leur seul tort était d'être blancs ? » totalise 4500 recommandés FaceBook ! " Les problèmes qui secouent la Corse prenons-les à la racine dit-il. Cette terre est l'une des rares colonies françaises à ne jamais avoir été considérée comme telle. Alors que le processus de décolonisation s'est déroulé naturellement, il n'a pas touché cette île de Méditerranée conquise à la fin du XVIIIe siècle. Au même titre que la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, l’Algérie, la Corse est une colonie. Peut-être aurait-il fallu que la couleur de peau des Corses soit différente pour que l'imaginaire français intègre ce fait ? Le sous-Le sous-développement, créé par l'Etat ici, oblige de nombreux Corses à s'installer en métropole.". Une "relation fusionnelle d'amour-haine" ? La France est-elle autiste ? Ou schizophrène concernant la Corse ? Entretient-elle avec cette île une "relation fusionnelle d'amour-haine " comme l'écrit Kirios toujours sur Médiapart ? Massimu poursuit : "La société française condamne le colonialisme, mais considère toujours les Corses comme des métropolitains qui "exaltent leurs différences" de manière malsaine. Lorsque les Calédoniens demandent un statut de résident pour ne pas se faire spolier par les continentaux, c'est normal, ils l'obtiennent. Lorsque les Corses le demandent, ce sont de dangereux fascistes. Le Corse n'a pas l'air aussi "exotique" que les autres colonisés ? Est-il trop latin, trop blanc, trop catholique ? Le peuple Corse existe et mérite son autodétermination. Peut-être que pour le Français moyen, il faut absolument être bronzé pour ne pas partager la culture, l'histoire et l'identité parisiano-gauloise. Et si le seul tort des Corses était d'être blancs ? » LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME de CORSE ( LDHC) Accès à la propriété droit fondamental, artificialisation des terres, dérives spéculatives, concernant le projet de statut de résident et l’étude de mesures particulières favorisant les Corses de la diaspora, la Ligue des Droits de l’Homme LDHC écrit à l’Assemblée de Corse (03-04-14) : « Débattre de la résidence, c’est aller au-delà d’une bonne gestion de l’économie. C’est remettre au centre du débat les citoyens qui vivent durablement sur notre territoire, quel que soit leur lieu de naissance ou leur lignage. C’est se donner pour ambition, la maîtrise démocratique de notre développement. On regrettera que les droits politiques soient absents de votre débat. Seront donc traitées les questions foncières et immobilières. De toute évidence, elles concernent aussi les transformations de la société corse et le sentiment de dépossession qui la taraude. Vous voici engagés sur une ligne de crête, avec d’un côté, les tenants de l’uniformité et de l’immobilisme; et de l’autre, la loi du sang, et la porte ouverte à la xénophobie. C’est pourquoi la question de la diaspora est cruciale. Accorder aux personnes de la diaspora le statut de résident, c’est permettre à des non résidents d’accéder à certains droits, alors que d’autres n’en seront pas titulaires. C’est traiter différemment des situations identiques, celles de non résidents, et ouvrir la voie à des discriminations. C’est courir à l’échec. Dès lors, les tenants de l’uniformité pourront s’opposer à toute évolution, non sans arrière - pensées, en usant d’un argument juste. La question de la diaspora est sérieuse. Ses membres témoignent d’un lien véritable avec la Corse et ne peuvent être confondus avec les autres non-résidents. Or, malgré ce lien, ils sont de fait des non-résidents à moins que leur présence pendant l’année soit jugée suffisante pour acquérir les mêmes droits que les résidents ou qu’ils puissent décider d’un retour en Corse. L’attachement par le lignage, avec ses implications affectives et patrimoniales, n’est pas la résidence qui reste une question de « sol ». Un autre débat portant sur la diaspora est certainement nécessaire. ». N'en déplaise à la LDH, le " corps électoral restreint " de Nouvelle Calédonie prend en compte de droit de lignage. Pourquoi en Nouvelle-Calédonie et pourquoi pas en Corse pour un futur "statut de résident " ? Ces remarques solennelles de la LDHC occultent-elles le statut particulier d’électeur existant dèjà en Nouvelle Calédonie ( RDOM) via un « corps électoral restreint » ? Le métropolitains ne peuvent voter, sauf ceux inscrits depuis 1988, ou issus de parents inscrits, c’est le droit du sang. Les Français l'admettent là bas, après deux révisions constitutionnelles. En 1998 suite à l’accord de Nouméa, un référendum d'autodétermination sur l'indépendance est prévu entre 2014 et 2018 avec de nouveaux transferts de compétence en plus de la santé, de l’éducation, de la sécurité civile, de l'environnement, de la fiscalité. Le processus de décolonisation est lancé. Aux élections du 11 mai, les non-indépendantistes ont conservé une courte majorité au Congrès, l'institution chargée de nommer le gouvernement calédonien, mais aussi d'organiser les référendums d'autodétermination.
LV
* Les îles du territoire d’Hawaï, cas d'école, n’ont jamais été rattachée aux USA par un traité. La résolution Newland, qui érige Hawaii en territoire organisé des États-Unis, n'est donc, en termes juridiques, qu'un acte unilatéral. Par l'Apology resolution du 23 novembre 1993, le Congrès américain souligne ce point, reconnaissant que le peuple hawaïen n'avait jamais renoncé à sa souveraineté au profit des États-Unis. Le statut d'Hawaï est donc, au regard du droit pur, non valide. Cette irrégularité dans l'annexion d'Hawaï nourrit aujourd'hui encore un mouvement indépendantiste chez une partie de la population autochtone, ainsi que des querelles récurrentes quant à la propriété des terres ancestrales hawaïennes ( Wikipedia). Les Açores, région autonome du Portugal, dans l'océan Atlantique, à 1 500 km de Lisbonne, font partie des régions ultrapériphériques de l’Union européenne. Les îles Baléares sont une communauté autonome de l'Espagne. L’île de Man, en mer d’Irlande, forme une dépendance de la Couronne britannique. Ce statut n’en fait pas un État reconnu indépendant, mais l'île dispose d’une large autonomie politique et économique. Åland, est un archipel avec statut d’État associé finlandais (6 500 île)s situées entre la Finlande et la Suède.
SOURCE/ MEDIAPART